Cinq ans après ses débuts underground en France, le groupe remplit cette semaine Bercy. Récit d’une ascension fulgurante, inédite depuis celle de Nirvana.
“C’est une icône de la différence, une icône politique. Avec d’autres performeuses telles que M.I.A, Lady Gaga ou Ebony Bones, Beth a fait évoluer la vision que l’on a de la femme au XXIe siècle”, explique le couturier Jean-Charles de Castelbajac, qui a travaillé avec Ditto sur une quinzaine de créations en quatre ans. Dans sa dernière collection, il lui a rendu un hommage tout particulier, en dessinant une robe lamée pailletée : le visage de la chanteuse y est représenté, telle une icône de la Renaissance, dans un vitrail.
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Fin 2007, nouvelle accélération : le groupe quitte la sphère indé et signe chez une division américaine de la major Sony. Un transfert orchestré par Rick Rubin, producteur des Beastie Boys ou de Johnny Cash, qui copréside Columbia. “Il a insufflé une nouvelle politique de signatures, plus rock, moins r’n’b, explique Delphine Ferré, chef de projet de Gossip chez Sony France. Dans la foulée, il a signé MGMT ou Passion Pit.” Quelques mois plus tard, Rubin produit Music for Men dans son studio en Floride. Un disque plus pop, au plus gros son, qui restitue la puissance du groupe en live. La machine est lancée.
Priorité : la France et l’Allemagne, nouvelles terres d’élection du groupe. L’Angleterre, passé l’embrasement initial, a montré de sérieux signes d’essoufflement (seulement 41 000 exemplaires de Music for Men vendus). En France, le groupe, jusqu’alors cantonné aux radios pop-rock (Le Mouv’, Ouï FM, Virgin), accède au saint Graal : être diffusé sur NRJ et sur les grosses radios nationales. “Un travail de longue haleine, se souvient Delphine Ferré. On leur a amené le single Heavy Cross en mai 2009, il est rentré véritablement sur NRJ en janvier 2010.”
Une fois sur les ondes, le titre bénéficie de dix à douze passages par jour et monte en flèche dans la playlist. “Tout d’un coup, on a touché des gens en province dans leur bagnole.” Les ventes explosent et la chanson totalise un million de ventes digitales et de streamings payants en France (neuf millions à travers le monde). Aujourd’hui, Beth s’apprête à prendre Bercy à bras le- corps. Gossip sera arrivé au succès sans concession, sans véritablement changer son image, en lissant – à peine – le son.
Sur les scènes des plus gros festivals, à la télé, entre Naulleau et Ruquier, sur le catwalk du défilé Gaultier (qu’elle a ouvert a capella) ou en couve du magazine Têtu ce mois-ci où elle est entourée d’une foule de beaux garçons, Beth Ditto semble tout traverser avec la même grâce, avec cette capacité à rester elle-même en toutes circonstances. “Il n’y a pas grand chose de consensuel chez elle. Elle emmène les gens vers elle. Il y a toujours, même avec son succès actuel, quelque chose de totalement
habité de sens, d’authentique”, résume Jean-Charles de Castelbajac.
Mainstream donc, mais toujours aussi virulente sur la question du droit des homosexuels, de l’absence de politique sociale aux Etats-Unis ou des relations entre artistes et maisons de disques. “Ce que j’ai appris en étant chez une major ? L’argent ou le pouvoir qu’ils peuvent avoir importent peu : au final, ils ne sont rien sans les artistes et leur vision”, lâche Ditto. L’aventure Gossip n’est pas près de s’arrêter là. Un album est déjà en préparation pour l’année prochaine. Beth sortira son premier single solo au printemps. “Ce que j’aimerais pour le futur ? Avoir des enfants avec Kristin, ma nouvelle compagne, devenir coiffeuse, avoir un talk-show télé et pouvoir parler des gens que je trouve importants.” D’autres rêves ? “Parler français couramment !”
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