Cinq ans après ses débuts underground en France, le groupe remplit cette semaine Bercy. Récit d’une ascension fulgurante, inédite depuis celle de Nirvana.
En ce 19 novembre 2005, il fait un froid glacial aux abords du canal Saint-Martin, à Paris. Le Point Ephémère accueille ce soir-là deux groupes indé américains : Old Time Relijun, avec en première partie The Gossip, un trio queer-punk originaire d’Olympia, signé par le microlabel indépendant Kill Rock Stars. C’est la première fois que le groupe met les pieds en France. “Il y avait 217 personnes dans la salle, se souvient Benoît Rousseau, le programmateur. Je les avais payés 300 euros. Ils dormaient à l’Etap Hotel de l’avenue Jean-Jaurès, dans le XIXe arrondissement. Beth portait une robe rouge, elle était un peu moins forte que maintenant. Le concert a été une grosse claque, elle avait l’attitude hyper punk, hurlait du début à la fin, se roulait par terre. Elle a fini en culotte. On sentait qu’il allait se passer quelque chose avec ce groupe.”
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https://youtu.be/iFyzlvGk_14
Cinq ans plus tard, Gossip joue à Bercy devant 18 000 personnes. Un parcours totalement inhabituel pour un groupe issu de l’underground qui a construit sa carrière sans compromis majeur. “Parfois, ça me paraît surréaliste de jouer dans des stades, confirme Beth Ditto. Certaines salles de la tournée peuvent contenir dix fois la population du bled d’où je viens ! C’est vertigineux mais j’adore ça ! Ma seule peur ? Que le public parte avec la sensation de ne pas avoir partagé une expérience unique, de proximité, avec moi. Je déteste décevoir les gens, sur scène ou dans la vie.”
Fin novembre 2010, Beth Ditto est chez elle, à Portland. Au terme d’une tournée promo qui ne semble jamais s’achever (elle était à Berlin il y a quinze jours pour recevoir le Bambi Award de la pop-star internationale de l’année), la chanteuse de Gossip s’est mise au vert une petite semaine. “J’en profite pour faire des trucs dans ma maison. Repeindre, refaire ma salle de bains. J’adore coudre aussi. Passer du temps chez moi, c’est si rare !” Dans quelques jours, elle et ses deux comparses, Nathan et Hannah, se lancent dans la plus grosse tournée que le groupe ait jamais connue. Arènes, stades en Suisse et en Allemagne, où le groupe est aussi énorme qu’en France (plus de 370 000 exemplaires vendus de Music for Men, le dernier album, 300 000 en France). La France, justement, où le groupe se produira à Paris et à Lyon.
C’est en 2006 que tout a changé. Back Yard, petit label anglais, décide de ressortir pour l’Europe Standing in the Way of Control, troisième album de Gossip, passé jusque-là quasi inaperçu. C’est un carton. L’hebdomadaire musical NME élit Beth “personnalité la plus cool de l’année”. Elle le prouve en posant nue en couverture, bourrelets apparents. La jeunesse anglaise s’enflamme pour le tempérament hors normes de la chanteuse et pour ce brûlot punk-funk, appel à l’insurrection, à la lutte pour les droits homosexuels et plus largement au droit à la différence. “Nous vivons nos vies en nous opposant à ceux qui veulent nous contrôler”, hurle Beth, dans ce qui s’impose comme l’équivalent du Smells Like Teen Spirit de Nirvana pour les années 2000.
La progression de Gossip n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle, fulgurante, du trio de Seattle, la dimension tragique en moins. En France, la passion prend très vite. Le groupe multiplie les concerts, les festivals et les passages télé – un exercice dans lequel Beth, avec son humour tonitruant et sa générosité, excelle. Le disque se vend bien : entre 50 000 et 70 000 exemplaires, un très bon résultat pour un groupe indépendant international. Surtout, Beth s’affirme de plus en plus comme une star, un phénomène de société. Le monde de la mode ne tarde pas à s’amouracher de cette icône king size, qui s’habille en Charles Anastase ou Vivienne Westwood et milite pour une plus grande visibilité des rondes.
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