Mèche rebelle, look androgyne : la figure de proue de la nouvelle electro-pop britannique offre un premier album bourré de tubes, qui mêle influences 80’s, science dance-floor et écriture personnelle.
Jeudi 23 avril. Une foule très hype s’attroupe devant le Point Ephémère à Paris. La salle accueille une soirée du label Kitsuné. Programmée en fin de plateau, la jeune Londonienne La Roux attise toutes les curiosités. “Mais tu crois qu’elle va chanter en vrai ? Ça va pas être du play-back ?” “J’adore son look”, entend-on à la volée dans la foule agglutinée.
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Depuis que le label a sorti sur une de ses célèbres compilations son premier single, Quicksand (une variation sur les sables mouvants de l’amour, trente ans après Bowie), l’Anglaise jouit d’une réputation qui ne semble pas près de faiblir. Après un plébiscite sur les blogs, YouTube et même dans les charts (son second single, l’explosif In for the Kill, s’est classé n° 2 des ventes en Angleterre), elle squatte les pages de choix de la presse, qui en a fait la tête de proue d’une nouvelle electropop féminine à synthés, aux côtés de Lady GaGa, Little Boots ou Thecocknbullkid. Un amalgame qui la rend furax.
“Musicalement, on n’a rien à voir. Little Boots est influencée par les années 90, GaGa par le r’n’b. Mon truc, ce sont les années 80”, explique-t-elle, avec raison. Sa musique, celle qu’elle produit sous le nom de La Roux avec son comparse Ben Langmaid, évoque plus Depeche Mode, Erasure, Yazoo ou Prince (pour les rythmiques funkoïdes et décalées) que la dance-pornr’n’b d’une Lady GaGa.
Côté look, on se trouve encore à des années-lumière. Avec son physique androgyne à la Bowie, sa grande mèche qui couvre la moitié de son visage, et son look ultrapointu, mix de fringues de créateurs (Lacroix, Margiela) et d’accessoires de rave-kid ultra branchée, La Roux, ou plutôt Elly Jackson, 21 ans, détonne. C’est pourtant une jeune femme empreinte de timidité qui monte sur scène ce soir-là. Toute de noir vêtue, un énorme camée autour du cou, elle s’avance vers le micro, le rouge aux joues. Très classe et presque sans filet : derrière elle, seuls deux musiciens aux synthés l’accompagnent. Le groupe a manifestement encore besoin de se roder, mais dès les premières minutes, Elly, avec sa gestuelle très rockabilly et son falsetto éraillé, aimante les regards et dégage l’aura d’une petite star en puissance. “Je sais que ça peut paraître prétentieux, mais j’ai toujours su que je deviendrais songwriter. Un de mes amis se souvient que je le disais déjà à l’école maternelle”, explique-t-elle, revenant sur son éducation de jeune fille en fleur.
Elevée à Brixton dans le très multiculturel sud-est de Londres par des parents acteurs de théâtre très compréhensifs, Elly fait son éducation musicale en piochant dans la discothèque de son père. “On écoutait beaucoup de rock des années 50 et de folk, Neil Young, Crosby, Stills, Nash & Young, Nick Drake. Gamine, j’étais totalement dingue de Chuck Berry.” A 5 ans, elle apprend Peggy Sue à la guitare et se met, dans la foulée, à composer des chansons. Elle garde un souvenir affreux de sa scolarité (“Les autres filles se moquaient sans cesse de mon allure androgyne”) et arrête à 18 ans, persuadée que rien ne vaut l’expérimentation. Elle passe une bonne partie de son adolescence à traîner dans les rues de Brixton, à fumer des joints et écouter du reggae. “L’été à Brixton, tu entends cette musique partout : elle s’échappe des boutiques, des voitures. Si tu fermes les yeux, t’es dans les Caraïbes. J’ai jamais écouté les Ramones, les Doors ou Led Zep, comme les filles du nord de Londres.”
La découverte de la musique électronique et de groupes tels que Justice, M.I.A., The Knife, par le biais de la scène rave et club, à 16 ans, révolutionne son horizon musical. “Je sortais le vendredi soir et rentrais le lundi matin, sans dormir. Le folk, qui m’avait aidée à trouver qui j’étais, m’est subitement apparu comme une musique de l’auto-apitoiement. Tout d’un coup, je me sentais prête à entrer dans le monde.” C’est lors d’une de ces nuits sans sommeil qu’elle rencontre Ben Langmaid, un producteur et musicien plus âgé qu’elle, qui préfère aujourd’hui rester dans l’ombre. “C’est lui qui a apporté les références du début des années 80, comme Talk Talk ou Tears For Fears.”
Ensemble, ils composent des chansons à leur rythme, sur une période de cinq ans, pendant laquelle Elly vit une relation houleuse. “Toutes mes chansons parlent d’expériences vécues, de sentiments. In for the Kill raconte un voyage à Paris. J’étais venue dire à quelqu’un que je l’aimais. Bulletproof, ces moments où tu te dis que tu ne referas pas les mêmes erreurs ; Quicksand, ceux où tu touches le fond. Dans ces cas-là, j’écris très vite, en quelques heures.”
Une urgence que parvient à retranscrire son très abouti et tubesque premier album. Car, au-delà de leur rythme synthétique irrésistible, de leur hédonisme, les chansons de La Roux ont cette faculté de faire basculer l’auditeur vers l’intime, vers les affres du sentiment amoureux. “Je crois que j’ai besoin d’expérimenter, de souffrir pour être capable d’écrire. Et là, en ce moment, je suis heureuse, ça craint ! Je ne sais pas comment je vais faire pour mon deuxième album. En plus, je devrai bosser dans un temps limité, c’est indiqué sur mon contrat. Mais je ne m’inquiète pas, je ferai exactement ce que je voudrai.”
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