De la bonne surprise Hinds à la claque de Soft Moon, des charismatiques Savages aux agaçants Foals : on vous raconte notre week-end à La Route du Rock.
1. Soft Moon : le meilleur concert du week-end
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Il y a des éditions de La Route du Rock qui s’écoulent sans faire de vagues, et il y en a d’autres que l’on vit en sachant pertinemment qu’elles resteront gravées dans nos esprits, tout embrumés soient-ils. Ce fut le cas de cette 25e édition ensoleillée, dont le climax fut atteint le samedi soir aux alentours de 21h sur la grande scène du Fort Saint-Père. C’est là que Soft Moon, alias Luiz Vasquez, encadré de son bassiste et de son batteur, est venu présenter son troisième album, le bien nommé Deeper. La réverb’ règne, conférant aux morceaux hystérisés par des percussions une profondeur fascinante et malgré tout électrique qui invite à la danse. La transe n’est pas loin, encouragée par un Vasquez tout en nuances de noir, le front ceint de boucles brunes, les bras ornés de tatouages, totalement dévoué à ses morceaux d’une puissance rare et radicale, qui font l’effet de racines tortueuses s’enroulant autour des coeurs et des corps avec une violente détermination. C’est dans une lumière de cathédrale que le Californien (désormais installé à Berlin) et ses acolytes offrent leurs deux derniers morceaux en rappel, transformant définitivement leur concert en cérémonie mystique.
2. Savages : la deuxième claque du week-end
On aurait pu résumer cette édition en une simple lettre : S. S comme Soft Moon, donc. S comme Savages, aussi. Portée par la très charismatique Jehnny Beth, ce girl-band post-punk joue moins la carte de la nostalgie « joy division » que celle de la splendeur rock. Et c’est tant mieux. Moulée dans un slim noir, son bomber entrouvert dévoilant un soutien-gorge en dentelle, perchée sur de hauts talons léopard, les cheveux courts invariablement gominés, Jehnny Beth est le genre de personnage absolument fascinant. De même qu’elle avait cristallisé l’attention à « Wiebo », le spectacle monté par Decouflé autour de Bowie à la Philharmonie de Paris en mars dernier, elle exerce un pouvoir d’attraction irrésistible sur le public malouin, pourtant en toute petite forme le dernier soir du festival. Lorsqu’elle ne chante pas les bras levés dans un geste théâtral qui rappelle celui de Patti Smith (à laquelle elle semble également avoir emprunté des intonations), Jehnny Beth quitte ses talons pour s’offrir des bains de foule pieds nus, le micro collé à ses lèvres rouge sang, ou se perche, chancelante, sur les barrières de sécurité. La voix ne perd jamais de son assurance, même lorsqu’elle retrouve une tessiture normale pour raconter une première Route du Rock à l’âge de treize ans. Car si Jehnny Beth a un nom de scène à consonnance anglo-saxonnes, s’exprime majoritairement en anglais, et vit à Londres, elle est française et se prénomme Camille Berthomier. Comme leur nom de groupe ou leurs regards acérés le laissent à penser, Savages est brut, sauvage, violent. Un peu comme Soft Moon finalement. Le concert se termine sur l’excellent Don’t Let The Fucker Get You Down. Un beau mantra que l’on pourrait bien voir fleurir sur les bras de certains tatoués.
3. Ty Segall kiffe Bordeaux
Malgré notre amour indéfectible pour tout ce que Ty Segall et sa bande comptent de projets, le concert de Fuzz nous a un peu déçu. Leurs visages sont maquillés de façon grotesque (mais pourquoi donc ?!), Ty est à la batterie et ses deux guitaristes chevelus font dans le lourd, le heavy, malheureusement un peu trop répétitif et un peu trop gras. En backstage, Ty Segall arbore un t-shirt Betty Boop et un tatouage 33 sur le doigt. Un hommage à Bordeaux, dit-il, où est basé Buzz, boss de U-Turn, tourneur français du Californien, qui lui s’est fait tatouer « CA ». Pour parfaire le tout, Ty se descend du rouge bordelais à la bouteille, tout en tapant la discute à Cory Thomas Hanson, chanteur de Wand. Un autre groupe qui appartient à la bouillonnante scène garage-psyché californienne à découvrir sur scène à Rock en Seine.
4. Hinds crée la scission
Lorsque les conversations ne portent pas sur la météo, elles s’orientent généralement sur Hinds avec comme ligne directrice la question : « t’as pensé quoi de leur concert ? ». Les sceptiques soulignent leurs fausses notes, leur côté spot publicitaire pour Urban Outfitters, leur manque de technique, leur amateurisme. Pour nous le coup de coeur est total. Avec leurs morceaux à la fois pop, garage, gorgés de soleil et un peu bricolo, leurs sourires XXL, leur bonne humeur communicative, les quatre Madrilènes sont d’une fraicheur salvatrice. Mention spéciale à leur reprise de l’halluciné Davey Crockett de Thee Headcoats, groupe anglais des années 90 mené par Billy Childish. Et vivement le premier album.
5. Viet Cong perd son mojo, et Jimmy Whispers nous fait marrer
Programmée sur la deuxième petite scène du Fort Saint Père dimanche, la furie des Canadiens de Viet Cong perd de sa puissance en plein air et en plein jour. Les morceaux se suivent sans réelle énergie d’ensemble. Le final sur Death est malgré tout d’une force brute saisissante. Viet Cong joue sur la frustration, enchaînant les déflagrations et les silences, alternant moments de sauvagerie et de retenue, avec une belle dextérité. A l’inverse, l’après-midi même, Jimmy Whispers, étrange type débarqué de Chicago, bénéficiait du fait de jouer en plein soleil sur la plage de Saint-Malo, face à la mer et aux festivaliers en maillot. Car, malgré leur tendre maladresse, les morceaux contenus dans Summer in Pain, tiennent moyennement la route (du Rock, pardon). La voix est mal assurée, la musique un peu pauvre, les balades lo-fi enregistrées au smartphone se ressemblent. Mais, en jouant au dandy glam (pas très loin d’Ariel Pink), en se tortillant pour enlever son t-shirt, et en s’offrant un micro bain de foule, Whispers se révèle d’une nonchalance attachante.
6. Foals agace
Le monde se sépare en deux catégories : les fans de Foals et les autres. Ayant coupé les ponts temporellement parlant avec les années 2007-2008, on se situe plutôt du côté des autres, même si oui, c’est toujours rigolo de réécouter leurs vieux tubes. Ce sont d’ailleurs eux qui sauvent partiellement leur concert, à part ça bien trop lisse, quasiment taillé pour le stade, avec toutes les images effrayantes que cela implique. Pour leur défense: leur bassiste étant tombé malade, c’est leur backliner qui s’est chargé de le remplacer au pied levé, histoire d’éviter à La Route du Rock une deuxième annulation. Car, rappelons-le, Foals remplaçait Björk qui n’avait finalement plus envie de jouer son dernier album (elle y raconte sa rupture avec son mari).
Foals, le grand moment de cette troisième soirée #RDR2015 ! Une photo publiée par La Route du Rock (@laroutedurock) le 15 Août 2015 à 14h50 PDT
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7. The Juan MacLean est un appel à la choré
Impossible de rester statique devant The Juan MacLean, duo formé de Juan MacLean et de la chanteuse Nancy Whang, ex-membre de LCD Soundsystem, accompagnés sur scène de musiciens. La totalité de leurs morceaux – savant mélange d’électro shootée à l’acide, de tonalités rock indé, et de disco-dance fofolle- donne envie de se lancer dans des chorégraphies plus ou moins audacieuses (selon la souplesse et le degré d’alcoolémie de chacun, hein). Certainement un des meilleurs concerts du festival, et une bonne raison de (ré)écouter leur dernier album, In A Dream, idéal en cas de déprime.
8. Ride, Oxford, 1990, le chapeau en plus
Sur scène, Ride ressemble plus à un vieux groupe FM qui se serait reformé par manque de thune, qu’à ce qu’ils sont en réalité. A savoir un groupe culte des nineties, ayant bercé plus d’une adolescence. Heureusement, l’affreux chapeau de Mark Gardener n’a pas esquinté le shoegaze de leurs débuts. Nous voilà propulsés (les yeux fermés) à Oxford, en 1990 donc. Et c’est plutôt cool.
9. Lindstrom > Daniel Avery
Si l’électro robotique de l’Anglais Daniel Avery nous vrille la tête sur album, elle nous laisse tout froid en live. Scénographie minimale, techno minimale, présence minimale : les beats s’enchainent et se ressemblent, monotones, abrutissants, sans âme. Le set du Norvégien Lindstrøm, qui suit et clôture la soirée du vendredi, n’en est que plus enthousiasmant. Ici, l’électro se fait disco et excitante, et en appelle à nos dernières forces pour nous faire danser encore un peu dans la fraicheur de la nuit bretonne.
10. Jungle clôture le festival
Taillée pour la radio voire les rayonnages d’Urban Outfitters, la soul de Jungle dégage une chaleur moite, enveloppante, rassurante, peut-être un peu trop lissée par des heures de travail et de réflexions en studio, peut-être trop carrée, trop parfaite (n’est pas Dan Deacon qui veut), mais ultra efficace. Leurs tubes font l’effet de bombes pop pensées pour être reprises en choeur dans un mouvement communautaire légèrement hystérique.
Flavien Berger, vue sur la mer. #RDR2015 ☀️🌊 Une photo publiée par La Route du Rock (@laroutedurock) le 15 Août 2015 à 7h47 PDT
Suivra une after au bar VIP marquée par la présence complètement zinzin de Flavien Berger derrière les platines. Avec ses yeux écarquillés, ses boucles folles et ses dents du bonheur, le jeune Français – qui donnait un concert sur la plage de Saint-Malo le samedi – donne le ton : l’ambiance est loufoque, et irréelle. Le voilà qui enchaine pop française et trap music avec une sérénité fascinante, à peine perturbée par trois jeunes femmes ayant décidé de se livrer à un numéro de strip tease devant nos yeux éberlués. Elles finiront donc seins nus et en culotte dans la nuit malouine. Zinzin on vous dit. Allez, à l’année prochaine.
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