A l’occasion de la sortie de la triple compilation Zen résumant une quinzaine d’années d’activités musicales du label anglais Ninja Tune, lesinrocks.com ont revêtu leurs tenues de ninjas pour interviewer Peter Quicke qui est à l’origine de cette rétrospective. L’occasion de nous proposer ses morceaux et clips préférés du label, à déguster en lisant l’interview?
14 ans après la création de l’enseigne Ninja Tune, il était temps pour l’incontournable label anglais de proposer sa première véritable rétrospective. 14 années qui auront révélé quantité d’artistes de talents, permit à quelques vétérans de continuer leurs recherches ou de jeunes expérimentateurs d’exposer leurs travaux au plus grand nombre.
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Une matière musicale particulièrement abondante qui se retrouve aujourd’hui en partie éparpillée sur deux doubles CD et un DVD sous le titre de Zen. Trois volumes pour résumer l’excellence de ce label était un pari risqué mais le résultat est à la hauteur de l’évènement.
Sur un premier double CD qualifié de Best-of, les amateurs retrouveront tous les morceaux qui ont forgé la réputation du label, de DJ Food à Coldcut en passant par Amon Tobin. Sur le second, les remixes sont à l’honneur, l’occasion de retrouver quelques pépites perdues au fil des années.
Last but not least, le DVD compile pour la première fois l’intégralité des clips des artistes de Ninja Tune (35 au total) ainsi qu’une doublette de mixes audio et vidéo des incontournables Hexstatic.
Au final, le projet Zen représente plus de 5 heures de musique, sans compter le DVD, où entre hip-hop, electro, funk, jazz, soul, broken beats et tant d’autres encore, l’imagination, la créativité et l’intelligence sont toujours au rendez-vous.
A l’occasion de son bref passage à Paris, nous avons rencontré l’estimable Peter Quicke, un ninja éclairé à l’origine du projet Zen, pour lui poser toutes les questions qui nous passaient par la tête. L’occasion de revenir sur l’historique du label, d’en connaître les prochaines sorties et de parler de cette rétrospective. Pour vous, il a également sélectionné trois clips et trois titres de la compilation Zen que lesinrocks vous propose de regarder et écouter devant votre ordinateur.
Comment s’est déroulée l’élaboration de Zen ?
Peter Quicke : On pensait que c’était un peu stupide de faire un best of. Lorsque l’on a eu l’idée du DVD ce fut pour nous l’excuse parfaite pour justifier le best of.
Le choix des titres a été source de nombreuses discussions : on hésitait entre ceux qui avaient eu le plus de retentissement au niveau de la presse, ceux qui se sont le plus vendus ou nos titres préférés. Curieusement, ce ne sont pas les mêmes titres’
Il y a quand même quelques titres qui sont devenu des classiques’
Oui, des titres comme Get a Move on de Mr. Scruff. Le problème est que nous l’avons tellement entendu à Ninja Tune qu’on ne voulait pas vraiment le mettre sur la compil au début. C’est pourtant l’un des titres les plus incroyables que nous ayons réalisé. D’autres titres sont donc moins connus sur Zen, des titres comme Perfect de Funki Porcini ou Lithuana des Jaga Jazzist. Mais, c’était vraiment important que ces morceaux là se retrouvent sur Zen. Ils représentent ce qu’est Ninja Tune. Pour les remixes, on s’est moins pris la tête. Ceux que tu retrouve sur la compil sont sincèrement nos préférés.
Zen permet de retrouver pour la première fois tous les clips estampillés Ninja Tune ainsi qu’un VJ mix de Hexstatic. Dans le futur, allez-vous privilégier le support DVD ?
Ninja Tune va réaliser de plus en plus de DVD. Bien sur, il y aura toujours des artistes qui se contenteront de faire des clips de trois minutes, dans un but promotionnel. D’autres, par contre, réaliseront de véritables court ou moyen métrages.
De nombreux artistes nous proposent en effet de réaliser des projets en format DVD, notamment Kid Koala qui a filmé une bonne partie de sa tournée ou encore Amon Tobin qui réalise un film pour accompagner son futur mix dans la collection Solid Steel.
On s’occupera aussi très prochainement de récupérer les droits pour The Man With The Movie Camera, film réalisé en 1929 par le Russe Dziga Vertox et qui a servi à The Cinematic Orchestra pour réaliser son album. Ainsi nous pourrons éditer notre propre version du DVD avec la musique en option’
Plus généralement, je pense que c’est une pratique qui va se développer : récupérer les droits de vieux films dont certains de nos artistes voudraient réécrire la bande son. The Herbaliser, par exemple, a réalisé un mix au festival du film de Porto, pendant la diffusion du film Lost Planet. L’idée serait donc de récupérer les droits de ce film pour pouvoir le réaliser conjointement avec le mix d’Herbaliser
Zen est un bel objet de collection. Est ce votre façon de lutter contre le piratage ?
Non, pas vraiment. Même si d’une certaine façon, on a voulu réaliser un bel objet pour que les gens aient vraiment envie de le posséder. Je ne sais pas à quel point les réseaux peer 2 peer menacent Ninja Tune. Bien sur, certaines personnes n’achèteront plus jamais de CD mais la majorité des amateurs de musique continueront d’en acheter. Des logiciels comme Kazaa permettent d’en apprendre encore plus sur la musique et si les gens découvrent un artiste qui vaut le coup, ils finiront par acheter le CD.
Le dernier album de Kid Koala avait également un packaging intéressant : sa BD faisait intégralement partie du concept de l’album. Il ne l’a pas fait pour pousser les gens à acheter le disque mais parce que c’est quelque chose qui lui tenait à c’ur.
Es-tu heureux de la manière dont Ninja Tune a évolué ces dix dernières années ?
Oui, mais j’aimerais faire encore mieux. Je suis toujours à la recherche de l’album parfait. J’ai été très fier lorsqu’on a sorti l’album de Cinematic Orchestra qui représente pour moi une sorte d’aboutissement. Publier l’album des Jaga Jazzist a été également une grande fierté pour nous.
Quels sont les étapes principales dans l’histoire de Ninja Tune ?
Le vrai tournant pour Ninja Tune a été en 1995-1996. C’est à ce moment là qu’on a compris ce qu’était réellement la philosophie de notre maison, un label qui s’intéresse au hip-hop, au jazz et au funk. Tout s’est mis à fonctionner à cette période et le label est devenu une occupation bien plus sérieuse. On a sorti notre première compilation, Ninja Cuts, les premiers albums de Funki Porcini et de The Herbaliser, Recipe for Disaster de DJ Food, de très grands moments pour nous.
L’album Let Us Play de Coldcut en 1997 fut également une étape importante pour nous car ce fut l’un de nos seuls véritables succès commerciaux. De plus, ce fut le premier projet multimédia de Ninja Tune, mariant images, sons et interface créative.
Le développement du concept Solid Steel en 2001 a également amené son lot de bouleversements. A la base, Solid Steel est une émission de radio animée par Coldcut qui s’est transformée cette année-là en une série de mixes dont le premier fut réalisé par DJ Food et DK. Suite à cela, nous avons commencé à organiser les soirées Solid Steel dans différents clubs européens avec pas mal de succès. Cette partie de Ninja Tune prendra sûrement beaucoup d’importance ces prochaines années. Sortir des albums a toujours été le plus important pour nous mais il faut reconnaître que beaucoup de nos artistes sont d’excellents DJs et qu’il était vraiment temps de développer l’esprit club inhérent au type de musique que l’on défend.
Est-ce qu’il y a un artiste que tu regrettes de ne pas avoir signé ?
Squarepusher. C’est celui que je regrette le plus. On était sur le point de le signer à l’époque, il avait fait un remix de Scratch yr Head de DJ Food, qui est probablement l’un des morceaux les plus important de Ninja Tune à mes yeux. Mais Warp est arrivé et l’a emporté chez eux. Ce fut une grande déception, même si je reconnais maintenant qu’il s’intègre bien mieux à l’univers de Warp. S’il était venu chez nous, nul doute que Ninja Tune aurait évolué différemment. Je regrette beaucoup Four Tet également ! Il devrait être sur Ninja Tune, c’est ridicule ! (rires)
Est-ce que tu as déjà pensé à signer un artiste français sur Ninja Tune ? Il y a bien TTC mais ils sont sur Big Dada
Oui bien sur, j’ai reçu quelques bonnes démos en provenance de France mais je me rappelle plus vraiment les noms. J’aime beaucoup Pépé Bradock, mais il est plus versé dans la house. Ca serait assez éloigné de Ninja Tune mais pourquoi pas ?
Si tu avais à choisir un seul morceau du catalogue Ninja Tune, lequel garderais-tu ?
Je pense que ça serait Dark Lady de DJ Food, l’un des premier morceaux dont j’ai assisté à la création, à mon arrivée chez Ninja Tune. Je suis tombé amoureux de ce morceau immédiatement. Et je le suis encore. C’est d’ailleurs devenu un de nos classiques. Il y a également All Things To All Men de The Cinematic Orchestra, un titre récent assez étrange où un type rappe avec un orchestre derrière lui. C’est le genre de morceau qui ne devrait pas marcher mais pourtant il fonctionne. C’est un morceau fantastique.
Et évidemment je ne peux m’empêcher de citer le remix de Scratch Yr Head par Squarepusher.
Et quelles vidéos t ont le plus marqué ?
Sans aucun doute, Natural Rythm de Coldcut. Sweet Smoke de Mr Scruff, comme le Receiver de Wagon Christ, sont très drôles également, avec leurs animations particulièrement réussi. La vidéo de Skalpel est hilarante. Quand tu la regardes, tu ne peux pas savoir si elle est sérieuse ou non. J’adore cette vidéo.
Quels sont les prochaines sorties sur Ninja Tune ?
Après la compilation Zen, l’année 2004 réservera bien des surprises avec le mix de Mr Scruff dans la série Solid Steel, un nouvel album de The Cinematic Orchestra ou encore un album d’Hexstatic qui risque d’être très original. Mais cette année, on publiera surtout de nouveaux artistes, notamment l’album de Diplo qui est excellent. Les albums importants, Coldcut, Herbaliser ou Jaga Jazzist, seront plutôt publiés en 2005. L’année 2004 sera donc une année de transition pour Ninja Tune.
Avec l’aimable autorisation de Ping Pong et Ninja Tune
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