Prolongeant la tradition du duo amoureux, de Gall-Berger à la french pop eighties, The Pirouettes font un pied de nez à la morosité ambiante.
“Quand nos enfants auront 20 ans, nous on sera d’un autre temps, le temps d’avant Monopolis”, prophétisait France Gall en 1978 dans l’émouvante ballade Monopolis, rêverie dystopique et temps fort de l’album Starmania. Vickie et Léo de The Pirouettes ont un peu plus de 20 ans et vivent de fait en ce moment en plein cœur de Monopolis, puisqu’ils ont choisi de titrer leur deuxième album du nom de cette ville-monde imaginée par Michel Berger il y a tout juste quarante ans. Sont-ils pour autant les enfants artistiques de France Gall et Michel Berger ? Un petit peu, mais pas seulement.
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Un petit peu parce que les deux jeunes gens ont érigé le couple princier de la pop française des années 1970-1980 en figure totémique du duo qu’ils forment depuis six ans. Léo et Vickie se sont connus au lycée à Annecy, à la fin des années 2000. Léo tenait déjà, depuis l’âge de 15 ans, le poste de batteur dans le groupe fondé par son grand frère, Coming Soon. A l’époque, Vickie écoutait plutôt “de la pop anglo-saxonne des années 1990, Blur particulièrement”. Léo affectionnait davantage le rock américain : “les Strokes, le Velvet…” “Ensemble, on a découvert la chanson française. La première fois que j’ai abordé Vickie sur Facebook, je lui ai mis en lien une chanson de France Gall, Viens je t’emmène”, se souvient le jeune homme.
Nouer vie amoureuse et création artistique
Le titre avait valeur d’invitation puisque Léo a en effet emmené Vickie dans un nouveau projet artistique, The Pirouettes. “J’avais envie de faire autre chose que Coming Soon. Mais je ne me sentais pas de faire un truc en solo. J’étais trop amoureux de Vickie et je lui ai dit : ‘Viens, on fait de la musique ensemble’.” “J’écoutais depuis toujours beaucoup de musique, mais je n’avais jamais imaginé en faire”, enchaîne Vickie. Sur leur premier ep, ils reprennent un autre standard de France Gall, Comment lui dire.
En écoutant parler Vickie et Léo du couple Gall-Berger, leur longévité, leur inspiration prolifique, en les entendant les appeler affectueusement “France et Michel” comme s’ils comptaient parmi leurs proches, on sent bien que cette façon de nouer la vie amoureuse et la création artistique, de concevoir les chansons comme le prolongement d’une longue aventure sentimentale à deux, constitue pour eux un idéal.
Influencés par les 80’s
Pourtant leur écriture, à la fois naïve et distanciée, leur son, electro et un peu maigre, leur façon de chanter surtout, quelque peu narquoise et détachée, où les syllabes de chaque mot sont légèrement disjointes, comme articulées par un automate, s’éloignent assez sensiblement du premier degré revendiqué de Gall et Berger. On y reconnaît plutôt une affinité avec une autre scène, celle des duos garçon-fille de la french pop synthétique des années 1980 : Elli et Jacno, Mikado, Luna Parker…
Paradoxalement, cette parenté criante ne s’origine pas dans une connaissance approfondie de ce corpus. Vickie et Léo ne maîtrisaient pas vraiment cette scène lorsqu’ils ont façonné leur style. “Elli et Jacno, on nous a tellement comparés à eux qu’on s’est mis à les écouter à fond. Et maintenant, on adore. Mais ça n’a pas été une source d’inspiration, nous raconte Léo. A la base, on bosse sur ordinateur et ça produit des sons électroniques un peu cheap qui évoquent naturellement les synthés du début des années 1980. Mais la ressemblance est un peu fortuite.”
Un songwriting original et personnel
Si ses résonnances sont nombreuses, le songwriting de The Pirouettes n’en demeure pas moins original et personnel. En une poignée d’ep et deux albums, le tandem amoureux a circonscrit un territoire propre. L’écriture fondée sur la répétition et la variation est à la fois gracieuse et entêtante. Avec obstination, chaque morceau de Monopolis rejoue le même affrontement entre la dureté du temps présent (monotonie du quotidien dans Rêver de toi, trop grande labilité d’un monde en perpétuelle transformation dans Ça ira, ça ira) et la capacité d’enchantement propre au sentiment amoureux. L’amour, c’est à la fois le refuge et le salut. “C’est vrai que quasiment toutes nos chansons parlent du sentiment amoureux, concède Léo. Parfois, on aimerait écrire des textes plus engagés mais pour l’instant l’analyse du sentiment amoureux est le seul endroit qu’on arrive à investir vraiment.”
Et lorsqu’on les questionne sur cette positivité qui caractérise leurs textes, Vickie répond : “Dans la vie, on est parfois déprimés comme tout le monde. Mille choses nous font peur dans notre époque. On vit des temps extrêmement flippants. Mais on n’a pas d’autre choix que d’aimer le monde dans lequel on vit, sinon on souffre. Alors on prône une positive attitude. Mais c’est une décision.”
Bientôt sur la scène de l’Olympia
Un des premiers singles de The Pirouettes s’intitulait Dernier métro. Sur ce nouvel album, une chanson s’appelle Baisers volés. On interroge le groupe sur cette permanence truffaldienne. “On aime beaucoup ces deux films et Truffaut, mais nous ne connaissons pas hyper bien la Nouvelle Vague, nuance Vickie. Nous sommes fans en revanche de Paul Verhoeven, aussi bien Robocop que Elle.” Léo ajoute : “On adore Virginie Efira. C’est l’actrice la plus stylée du cinéma français.”
A l’approche de leur premier Olympia, ils se réjouissent de disposer désormais d’un écran LED et d’utiliser de la vidéo sur scène. Avec une joie enfantine, ils parlent de l’élaboration de leur spectacle. “On va jouer avec l’écran, faire de petites chorés, des happenings.” Et possiblement aussi des reprises de France Gall.
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