Gimme Fiction, cinquième album de Spoon, est paru ce printemps. Il n’est jamais trop tard pour se pencher sur le cas de ce groupe hors-norme, responsable ces dernières années de quelques-uns des plus beaux albums en provenance des Etats Unis. En prime, le clip de I turn my camera on est à découvrir en vidéo.
En deux albums, Girls can tell et Kill the moonlight, publiés respectivement en 2001 et 2002, les américains de Spoon ont redonné une certaine fierté au rock américain. Même si, de ce coté-ci de l’Atlantique, leur nom (« cuillère ») prête encore à rire, ils sont devenus dans leur pays les chouchous des fameuses « college radio » et de l’ensemble des amateurs de rock dit indépendant.
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De rock indépendant, il ne sera pourtant pas question ici : tout l’attrait de la musique de Spoon est justement de se jouer des époques, des clans et des fratries. Commencée en 1994, la carrière de ce groupe à part a été menée de front par ses deux leaders, Britt Daniel, guitariste-chanteur, et Jim Eno, batteur, percussionniste et ingénieur du son.
Les deux premiers albums du groupe, Telephono et Series of Sneak, ont malheureusement pâti de ces écarts temporels : faisant revivre les us et coutumes du post-punk cinq ans avant que New-York la perfide en fasse un étendard, Spoon obtiendra un excellent succès critique inversement proportionnel au succès public.
Signés sur une major (Elektra pour ne pas la citer) pour mieux être lâchés quelques mois après, les deux compères en garderont des rancunes à vie, illustrées par le vachard The Agony of Lafitte EP (sorti à l’époque sur Saddle Creek, le label de Conor Oberst, aka Bright Eyes), qui en deux chansons au cynisme haletant, réglera ses comptes au D.A. d’Elektra, Ron Lafitte.
C’est notamment avec ces deux chansons que le songwriting du groupe prendra une direction des plus réjouissantes. Plus délibérément mélodieuse à l’extérieur, mais beaucoup plus noire en dedans, cette musique se nourrit désormais d’éléments soul, new-wave, krautrock et pop pour mieux trouver sa singularité.
Et l’écoute de Girls can tell, l’un des meilleurs albums pop de ces dernières années, confirme cet état de grâce. Minimales, tendues et empruntes d’un groove raide et entêtant, les chansons de Spoon sont le plus court raccourci entre Prince et Elvis Costello, entre John Fogerty et les Pixies.
L’album suivant, Kill The Moonlight, continue sur cette lancée : enregistré en quelques semaines, axé autour du piano et des bizarreries sonores imaginées par Jim Eno, cet album gorgé de tubes que l’on pourrait considérer assez simpliste au premier abord, s’avère être pour le groupe une nouvelle façon d’épurer leur son, de n’en garder qu’un squelette rythmique ou la voix soul de Britt fait des miracles.
En élaborant Gimme Fiction, leur cinquième album paru ce printemps, le groupe a déclaré à la presse américaine vouloir faire se rencontrer sur disque Marvin Gaye et Iggy Pop. Aussi insensée que cette rencontre puisse paraître, elle se produit, par moments, sur cette nouvelle collection de chansons. Plus complexe et ouvert que précédemment, le groupe y capitalise son écriture racée, offrant avec The beast & dragon, adored, I turn my camera on ou Sister Jack, quelques unes de ses plus belles chansons.
Pour vous faire découvrir ce nouvel album – avant le retour attendu du groupe cet automne en France – lesinrocks.com vous propose de regarder le clip de I turn my camera on, tube en puissance extrait de Gimme Fiction.
Avec l’aimable autorisation de Beggars.
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