Une radio musicale culte racontée par ceux et celles qui en ont construit l’identité sonore et, ici, tentée d’être résumée en 20 morceaux commentés par les principaux intéressés.
La musique et Radio Nova, c’est une épopée, au sens homérique du terme. On y croise des dieux, des demi-dieux et, quand même, quelques humains. Cette odyssée fantastique, Isadora Dartial a choisi de la conter en partant d’une idée simplissime : faire parler ceux qui ont forgé le son Nova. Ces Vulcain post-modernes, ce sont les programmateurs d’une radio à nulle autre pareille que rassemble un maître-mot (qui en font cinq) : la passion de la musique.
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Chercheurs d’or est une fascinante traversée du monde et du temps en dix épisodes où l’on croise quelques fantômes qui, par définition, sont toujours présents : Jean-Pierre Lentin et Patrick Leygonie (programmateurs de la première heure), l’émérite et éclectique Rémy Kolpa Kopoul, et, bien sûr, le fondateur, mot ô combien digne de lui, Jean-François Bizot.
De ce podcast très riche, on a fait une playlist loin d’être exhaustive, pour n’en pas dévoiler toutes les pépites, chaque morceau étant commenté par ceux qui les ont programmés dans un grand mix sans ordre ni chronologie. Alors, bon voyage dans la sono mondiale !
Laurie Anderson, O Superman
Thierry Planelle : “Un classique Nova ? Ça dépend vraiment des périodes, quelque part. Moi, je peux te dire que j’ai été marqué par le O Superman de Laurie Anderson par exemple. Pourquoi ? Parce que c’est un ovni, un truc qui tombait : j’ai pas compris d’où ça arrivait et en même temps la radio s’en est emparé pour en faire une signature.”
Talking Heads, Once In A Lifetime
Sébastien Boyer Chammard : “Je pense à un morceau qui symbolise vraiment bien cette radio parce qu’il fait le lien entre les années 1980 et 1990 : Talking Heads, Once In A Lifetime.”
Thierry Planelle : “David Byrne, il venait à Paris, il venait à la radio incognito et on lui faisait des cassettes. Il repartait avec les cassettes. Il arrivait, il allait voir Jean-François, et puis il descendait à la radio.”
Bonga, Mona Ki Ngi Xica
Loïc Dury : “Y a un morceau simple, c’est Bonga, Mona Ki Ngi Xica, ce morceau de Bonga, d’abord, c’est le premier morceau de world que j’ai programmé. Ce morceau me pète la tête direct. Pour moi, Bonga, c’était crossover et en même temps c’était super roots.”
Funky Shammy, My Shammy Six
Benoit de Vilmorin : “C’est un morceau, je sais plus comment j’ai trouvé le skeud. Est-ce que c’est Bintou [Simporé, lire ci-dessous] qui me l’a filé ou est-ce que… ? C’était un mini CD présenté dans une pochette genre plastique et carton, le morceau fait 16 minutes 50 et moi je l’avais réduit à trois minutes. Dès que ça passait à l’antenne, le standard explosait, les mecs voulaient savoir ce que c’était, on n’a jamais pu savoir parce que c’était marqué en japonais. Tout ça, pour moi, c’est typiquement Nova, c’est-à-dire que c’est le truc qui sort de nulle part, tu le mets à l’antenne et, tout à coup, c’est l’explosion.”
Brigitte Fontaine, Comme à la radio
Laurent Garnier : “Y a un morceau de Brigitte Fontaine que j’ai jamais retrouvé. Je l’ai entendu un jour, j’étais en bagnole, j’écoutais Nova et y a des espèces de bruits d’animaux au début, quand je suis arrivé à la prog’, je me suis fait tout ce qu’il y avait dans l’ordi qui tournait à l’époque et tout ce qu’il y avait au placard. Donc j’ai dû écouter, je sais pas un millier de morceaux pour retrouver ce putain de morceau de Brigitte Fontaine que je n’ai jamais retrouvé.”
Ziad Rahbani, Abu Ali
Loïc Dury : “Y a un autre morceau qui symbolise Nova, mais c’est l’anecdote que j’aime sur ce morceau, c’est Ziad Rahbani, Abu Ali. Un jour, Jean-François arrive avec une bande. Y a juste marqué Abu Ali et il nous fait écouter cette bande. On devient comme fous, c’est une espèce de funk arabisant et tout, et on appelle ça Shaft à Beyrouth. On n’a aucune idée de ce que c’est que ce disque.”
Gang Starr, Full Clip
Maxime Guiguet : “Dans le rayon hip-hop, j’irais chercher un morceau de Gang Starr, Full Clip, produit par DJ Premier. À l’époque, c’était à l’antenne, c’est le morceau qui nous faisait lever les bras quand on allait en soirée et puis c’est un morceau qu’on entendait à la radio. Il matchait parfaitement avec le son Nova.”
KRS One, MC’s Act Like They Don’t Know
Émilien Aumard : “KRS One, ça synthétise beaucoup de choses du hip-hop. Évidemment, on peut parler du Wu-Tang, on peut parler de NTM, on peut parler de tout mais si on doit retenir les gros MC qui ont fondé le bordel, même si c’était pas les premiers… KRS One, pour moi, c’est énormissime.”
James Brown, Make It Funky
Romain Dupont : “J’ai découvert James Brown à 15 ans sur Nova et ce côté transe, ce côté vraiment groove, funk, ça paraît complètement évident aujourd’hui mais, en fait, au milieu des années 80, personne ne jouait ça à part Nova et aujourd’hui, ça influence énormément de styles et de musiques.”
Muzi, People
Michael Liot : “Y a plein d’artistes que j’étais content de soutenir en me disant que si Nova le faisait pas, je sais pas qui d’autre pourrait le faire et là, comme ça, je pense à People d’un artiste qui s’appelle Muzi, producteur-musicien sud-africain, un mélange de house, de pop mais qui se base sur un sample de chant traditionnel zoulou.”
Manu Dibango, Soul Makossa
Christian Nzonta : “Soul Makossa est un morceau totalement intemporel. On l’a écouté à fond y a je sais pas combien de temps. Il est sorti y a peut-être quarante ans [en 1972, en fait] et on l’écoutera encore dans quarante ans. C’est la musique que j’aime et c’est de la musique 100 % Nova.”
Souzy Kasseya, Le téléphone sonne
Gilbert Cohen : “Y avait une réputation presque mondiale de Nova, parce que, musicalement, c’était très pointu et très novateur pour l’époque en fait. Un truc genre Souzy Kasseya, Le téléphone sonne, un truc africain. On aimait passer trucs africains en français, c’était assez rigolo.”
Maître Gazonga, Les Jaloux Saboteurs
Benoit de Vilmorin : “On est vraiment dans le Nova typique avec cette sensibilité hyper dansante. À l’époque, personne ne diffusait de musique africaine. L’émission Néo Géo de Bintou [Simporé, lire encore ci-dessous], c’était hyper culte, les musiciens africains étaient hyper puissants. Il y avait une vraie culture africaine à Paris.”
Ray Barretto, Pastime Paradise
Émilien Aumard : “Y en a un qui, je trouve, synthétise un truc de Nova, c’est Ray Barretto, Pastime Paradise. Il englobe pas mal de choses, une certaine partie de Nova, pas tout Nova mais il dit bien des choses ; et puis c’est une légende, Ray Barretto.”
Los Invasores, El Raton
Laurent Garnier : “Jean-François m’a fait découvrir des trucs de jazz complètement barjots, en musiques latines, les premières compiles Nova Latino, je sais plus comment ça s’appelait, un morceau que j’aime plus que tout qui s’appelle El Raton. C’est une espèce d’endroit où il y a beaucoup de choses qui se télescopent et c’est vrai que je buvais du petit lait.”
Can, Vitamin C
Gilbert Cohen : “Bizot était vachement branché jazz, bah, en fait, il était vraiment branché un peu tout, il était aussi branché kraut, des trucs genre Can, des trucs seventies allemands mais aussi des trucs reggae. Moi, quand j’ai commencé à faire de la jungle, j’ai été soutenu aussi.”
The Undisputed Truth, Like A Rolling Stone
Sébastien Boyer Chammard : “J’ai toujours eu un grand respect pour les morceaux qui avaient été programmés avant moi. Et quand j’ai essayé de programmer ce qui pouvait devenir un classique de la radio, c’était toujours dans l’esprit des classiques que j’avais entendus avant. Pas question d’arriver et de mettre un U2, même si j’ai eu des pressions. On savait que si on programmait Like A Rolling Stone, la version de The Undisputed Truth, ça devenait un classique.”
Ken Boothe, You’re No Good
Maxime Guiguet : “J’ai rangé la discothèque de Radio Nova, y avait des compartiments, y avait un rayon soul-funk, y avait un rayon hip-hop, y avait un rayon world, un rayon électro, un rayon rap. En reggae, je dirais Ken Boothe avec You’re No Good pour deux raisons, déjà parce que c’est mon chanteur préféré et parce que, programmateur, faut aussi se faire plaisir.”
Roy Davis Jr., Gabriel (feat. Peven Everett)
Benoit de Vilmorin : “Je me souviens d’un morceau de Roy Davis Jr. qui s’appelle Gabriel que j’ai mis à la prog’, qui était la face B d’un maxi de house vachement plus appuyé et puis, tout à coup, y a aussi une espèce de morceau de house très éthéré, un peu stellaire et sensuel avec une voix qui chante comme Gabriel, qui était aussi un ange.”
Roy Ayers, We Live In Brooklyn, Baby
Isadora Dartial : “We Live In Brooklyn, Baby, une sélection de Guillaume Girault qui associe ce morceau à sa découverte de Gil Scott-Heron sur Radio Nova, une découverte qui lui a ouvert de nombreux chemins musicaux.”
Rachid Taha, Je suis Africain (bonus track)
Je suis africain ne figure pas dans ce podcast, mais on voit dans ce clip posthume de Rachid Taha, en compagnie de (excusez du peu) Damon Albarn, Brian Eno, Catherine Ringer ou Oxmo Puccino, une autre figure majeure de la radio, citée dans presque tous les épisodes de ce podcast, l’African Queen Bintou Simporé qui poursuit inlassablement son exploration des méandres des musiques du monde chaque dimanche sur Néo Géo.
Mon classique Nova [Note de l’auteur]
Ce truc est une dinguerie. Pour faire vite, on dira que c’est de la house minimale groovy. Sauf qu’au milieu du morceau, y a un break batucadesque, ensuite une guitare jazzy West Coast, et tout ce joyeux bordel toujours posé sur un même beat obsédant qui donne envie de lever les bras au ciel et au soleil. Ce truc s’appelle Beau Mot Plage et c’est signé du producteur allemand Isolée.
Chercheurs d’or, un podcast conçu et imaginé par Isadora Dartial. Réalisé par Guillaume Girault, Benoit Thuault et Mathieu Boudon.
Néo Géo de Bintou Simporé, tous les dimanches de 9 heures à midi.
Présentation des équipes
Thierry Planelle (épisode 1), des débuts aux années 1990
“J’ai pas connu de programmateur musical officiel avant que j’arrive. C’était plus collectif, c’était plus une sorte de collège, même après, d’ailleurs, ça a toujours été collégial.”
Loïc Dury (épisode 2), de 1987 à 1997
“Quand je suis arrivé, j’ai essayé d’être éclectique et urbain. Ma première playlist, y avait les Beastie Boys, Funkadelic, Curtis Mayfield. Donc c’était l’arrivée des grands classiques de la soul parce qu’il n’y avait pas de grands médias en France qui permettaient d’écouter ces trucs-là.”
Gilbert Cohen (épisode 3), entre 1991 et 1996
“C’est une liberté qu’on a connue et que, je pense, on ne connaîtra plus jamais. Y a des trucs qui se sont passés là-dedans, t’as NTM qui débarque, ils sont quinze, ça pue la weed avec des chiens.”
Benoit de Vilmorin (épisode 4), de 1997 à 1998
“Une période hyper intéressante pour un jeune fou de musique parce que, évidemment, ranger des disques, ça veut dire écouter des disques et donc tu passes d’une compilation de musique bulgare à un album de Miles Davis que t’as jamais vu.”
Sébastien Boyer Chammard (épisode 5), de 1997 à 2002
“Comme j’étais assez ouvert à tous les courants de gens qui amenaient des disques à la radio, j’ai subi de nombreuses pressions et influences en interne pour jouer plus d’électronique, plus de ceci, plus de cela.”
Laurent Garnier (épisode 6), on va dire entre 2000 et 2001
“Quand on programme une radio, on sait à qui on s’adresse. On n’est pas là pour imposer qui que ce soit. Donc quand on va sur n’importe quel média, on travaille avec, pour et ensemble et on n’est pas là pour se dire ‘J’aime ce morceau et je vous le mets quand même parce que je suis programmateur.’”
Maxime Guiguet (épisode 7), de 1998 à 2017
“Quand je suis arrivé en tant que programmateur, c’était la fin des DJ, le Nova Mix a été supprimé dès le début des années 2000 pour asseoir une politique de programmation vraiment plus généraliste. Au tout début, je fais un peu la tronche, mais je me suis vite rendu compte que le challenge était putain d’intéressant.”
Emilien Aumard (épisode 8), entre 2003 et 2017
“C’est une chance personnelle d’avoir pu entrer dans ce bâtiment du 33, rue du Faubourg Saint-Antoine et d’y rester quinze ans où j’ai pu donner libre cours à ma curiosité, la développer et aller chercher, chercher, chercher, tout le temps.”
Michael Liot, Christian Nzonza, Guillaume Girault (épisode 9), depuis 2017
“Nova, c’est pour écouter de la musique qu’on n’entend pas sur les autres radios. C’est l’idée de dépasser les frontières, dépasser les notions de genre, de surprendre les gens. C’est l’exigence, mais c’est pas l’exigence noble et intello, sinon on écouterait tous de la musique concrète et on se ferait tous chier. On est une alternative aux radios classiques, commerciales.”
Romain Dupont (épisode 10), depuis 2021
“Aujourd’hui, on reçoit toujours un petit peu de vinyles, un peu de CD et principalement des liens digitaux. Les liens digitaux, ou on nous les envoie, ou on les cherche partout, sur les plateformes, sur les blogs, sur les magasins de musique digitaux.”
Le mot de Bizot
“Tu me retires ce morceau tout de suite”, le jour où Sébastien Boyer Chammard a programmé Georgy Porgy de Toto.
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