Affreux, sale et méchant, l’art de Paul McCarthy s’exhibe à Nice dans toute son horreur baroque et hilarante. A découvrir dans notre mini-galerie.
Bienvenue dans le monde à double fonds et prises multiples de Paul McCarthy. A Nice, la Villa Arson, centre d’art contemporain, présente la première rétrospective européenne digne de ce nom de cet artiste américain majeur et iconoclaste. Un dynamiteur de clichés et pourfendeur du bon goût qui cache, à 55 ans, derrière son allure de vieux sage buriné avant l’heure, un sens inégalé de l’autodérision âpre et de la mise en abîme spectaculaire. Un critique acerbe de l’infantilisation de la culture contemporaine (et, pour beaucoup, américaine) et de son puritanisme frileux qu’il tourna en ridicule lors de performances faussement orgiaques, abondamment arrosées de liquides en tous genres (ketchup, chocolat liquide, lait, saucisses écrasées, mayonnaise à la farine, peintures grumeleuses et autres jus de peluches) pour mieux les confondre en un pathétique spectacle.
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Fausse pisse, fausse merde, simulacres de pédophilie et véritable obscénité se croisent sans cesse au c’ur de cette uvre baroque et hilarante, habitée par un pessimisme angoissé, saturée de couleurs et supra-sexuée. L’exposition s’ouvre d’ailleurs sur l’inquiétante installation Bossy Burger (1991), décor abandonné après une immonde séance de cuisine, dont une vidéo relate l’éc’urante évolution orchestrée par un cuistot fou portant le masque de la mascotte du comics Mad.
Car après avoir incarné des personnages socialement identifiables (l’homme politique, le marin, la femme enceinte ) McCarthy s’en prit aux héros enfantins, tels que façonnés par la foisonnante industrie du spectacle (Popeye, Olive Oil, Pinocchio, Rocky en débile se frappant la tête) et surtout le père Noël, un must, ventripotent et sanguinolant dans Tokyo Santa (1996) et tout bonnement satanique dans Santa Chocolate Shop (1997), dont l’expo niçoise offre une magistrale présentation. Une grande salle occupée en son centre par une complexe structure de bois, décor du film projeté sur les trois écrans alentours. Plusieurs personnages (un nounours, une Heidi vêtue de vert, une femme-pinocchio en chaussettes rouges et blanches) y assistent un gros Santa binoclard, se suspendent au poutre et se tortillent en tous sens, se frottent les orifices de chocolat liquide, s’en versent dans la bouche pour une golden shower boulimique. Le corps comme mouvement de désir contre la rigidité du décor, symbole du contrôle social. Fragments de débauche pour rire, reappropriation de figures inoffensives pour mieux mettre à mal la croyance en l’enfance comme âge de l’innocence. Spectacle faussement live, entièrement reconstruit, la Santa Chocolate Shop, à l’image du reste de l’ uvre de l’Américain, parodie l’univers hollywoodien, la fantaisie Disneyland pour mieux en dénoncer les composantes idéologiques et pervertir la position du spectateur en voyeur.
Paul McCarthy jusqu’au 23 septembre, Villa Arson, 2 av Stephen Liégeard, Nice.
Tel : 04 92 07 73 73
www.cnap-villa-arson.fr
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