Lors de la cérémonie des Billboards où elle a reçu un Millennium Award, Queen Bee a livré une performance fascinante. Un sommet de pop culture à la limite de la célébration mystique.
1. Le show à l’américaine
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Selon la tradition, le sacre a eu lieu un dimanche. Le 22 mai, lors des Billboards Awards, Beyoncé recevait des mains de sa mère le Millennium Award qui salue l’ensemble de sa carrière et son influence dans l’industrie musicale. Un sommet pour Queen Bee qui, des Destiny’s Child à ses albums solo, a déjà reçu seize Grammy Awards. Ce soir-là, Beyoncé ne pouvait donner qu’un bon gros show à l’américaine. En marge du live, que certains médias ont décrit comme “la performance d’une vie”, a été diffusée une vidéo cliché montrant les puissants de l’industrie musicale, voire du monde, faire son apologie.
Adoubée par Michelle Obama avec qui elle mène une campagne contre l’obésité, encensée par ses parents en des termes dignes d’un téléfilm gros sabots (“Je ne suis pas seulement fier de l’artiste que tu es, mais aussi et surtout de l’être humain que tu es devenue”) et félicitée par ses pairs, à l’instar de Lady Gaga qui n’a pas hésité à balancer : “Tu es tellement plus qu’une pop-star ou une icône, tu représentes le rêve”, Beyoncé s’est tenue à la hauteur du scénario en incarnant le summum du rêve américain, fiction dont le happy end marque le triomphe du travail, du talent, et de la beauté aussi un peu.
2. Le corps de Beyoncé
Figure solaire, Beyoncé n’a jamais vraiment souffert de la concurrence des autres pop-stars. Alors que Britney peine à se remettre de son nervous breakdown, que Rihanna s’englue dans l’eurodance, elle, intouchable, écrase ses collègues à chaque fois. Aux côtés de Lady Gaga dans leur clip commun Telephone, elle faisait passer la chanteuse de Poker Face pour une septuagénaire en bustier. Ici, elle met en scène son corps plus travaillé que jamais – mince et dépourvu des gros cuissots qui faisaient sa marque de fabrique – au centre d’une installation vidéo. Devant un écran blanc, Beyoncé joue avec les projections créées par Kenzo Digital, interagissant avec des danseurs, des formes géométriques ou ses clones dans une chorégraphie très maîtrisée.
http://youtu.be/NPP10z9nz8I
Une mise en scène experte au même titre que les pas de Beyoncé, qui met ici à l’amende toutes ses consoeurs. Sublimée, démultipliée, Beyoncé joue avec la projection de son image définitivement entrée dans les annales de la pop culture avec le clip de Single Ladies (Put a Ring on It) – vidéo et chorégraphie reprises par des milliers d’anonymes sur le net.
3. Ses projections
Quelques jours après la cérémonie, des esprits chagrins ont reproché à Beyoncé d’avoir copié le live d’une artiste italienne un peu has been (Lorella Cuccarini) au festival de San Remo en 2010.
Si le pompage est indiscutable, il n’entre pas moins dans le processus de récupération perpétuel caractéristique de la pop culture, processus que Beyoncé maîtrise à merveille. Par exemple, le titre interprété ici, Run the World (Girl), est construit sur un sample d’un morceau déjà existant (Pon de Floor de Major Lazer). De même, le propos mi-guerrier mi-girl power n’est qu’une réappropriation tiédasse et commerciale du discours féministe. Pourtant, le tout interprété tel quel n’en reste pas moins fascinant et signifiant. Ainsi, sur l’écran, difficile de distinguer l’authentique de la copie.
Symbole de la société américaine et du système capitaliste dont elle est une des icônes, avec son mari Jay-Z, Beyoncé déploie de formidables aptitudes à surmonter les contradictions qu’elle génère. Sur l’image, il y a le corps de Beyoncé, terrestre et périssable, et ses projections immortelles. Un spectacle fascinant, où le vrai est un moment du faux, comparable à une sorte de cérémonie mystique donnée au royaume de la pop culture.
Diane Lisarelli
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