La Mécanique Ondulatoire est suspendue de concerts après 10 ans de rock et de fêtes. On a donc rencontré le programmateur du lieu, Antoine Gicquel, pour en savoir plus.
Pendant dix ans, la Méca a été un point de rendez-vous incontournable de la scène rock parisienne. Avec une programmation allant du punk au garage, en passant par le shoegaze, le psychédélisme et le blues (entre beaucoup d’autres), le bar du 11è arrondissement a défendu « au gré des difficultés, et sans concession depuis 2007, sa passion pour le rock et le roll« , comme l’annonce son site. Le couperet est pourtant tristement tombé en début de semaine, puisque le bar-concert a annoncé l’annulation de toutes ses dates et la suspension de ses concerts, après une décision de justice. On a donc décidé d’aller poser quelques questions à Antoine Gicquel, le programmateur du lieu, pour en savoir plus. Rendez-vous à Bastille, forcément, pour se remémorer quelques chouettes souvenirs de la salle, et essayer de comprendre le pourquoi du comment de ce point (presque) final.
Dans le vif du sujet, tu peux m’expliquer ce qui s’est passé ?
Oui, allons-y pour cette année.
Alors en gros, avant Noël on m’a demandé d’annuler ma programmation. On est loin d’être les seuls à s’être pris des coups sur les doigts, et ça part du fait que la Mairie de Paris, depuis le récent drame de Rouen, veut renforcer la sécurité dans les salles. Actuellement, certains mauvais esprits supposent que si tout ça arrive maintenant, c’est qu’il y a une volonté d’envoyer les lieux de fête en banlieue… Mais je ne rentrerai pas dans ce débat là.
Et du coup, plus précisément c’est quoi les normes de sécurité ?
Je sais que tu n’as pas envie de rentrer dans ce débat mais tu crois vraiment que la mairie veut exporter les lieux de fête en banlieue ?
Très sincèrement, moi ce qui m’intéresse avant tout c’est mon lieu. Rien d’autre. Après, je connais aussi d’autres personnes qui travaillent dans le même genre d’endroit et il y a un alignement des planètes qui fait que se poser la question est légitime. Mais bon, je ne suis pas en mode complotiste à dire que tout le monde se ligue contre ces bars-concerts, hein… En tout cas, ce qui est clair et net c’est qu’il y a une question qui va se poser quant à la défense de la musique underground. Personne ne veut qu’il n’y ait de drame, ça va de soi, mais les problèmes de normes, les caves biscornues, c’est aussi ce qui fait le cachet de ces endroits. Et il va falloir se demander si on ne veut vraiment que des salles lisses et uniformisées. Aujourd’hui, on sent finalement un nouveau vent de liberté, mais au-delà du périph, chez la Station par exemple…. Moi pour l’instant je suis dans mon truc, dans l’action… Et ce qui est aussi important à notifier, c’est que les déclarations de soutien nous ont énormément touché.
Certains ont proposé des cagnottes, vous y avez pensé ?
Oui, très bien. Il y a tellement d’endroits à Paris, qu’on s’est bien débrouillés. Et il y a eu une super entraide, du Gibus à l’Espace B, en passant par l’Olympic… Non, ça pour le coup c’était chouette.
Au niveau de la prog justement, vous étiez libres de faire ce que vous vouliez ?
Ah oui très clairement. Pendant dix ans, on a eu une liberté totale. Parfois c’était le bordel, mais on invitait un groupe, on découvrait un collectif, un label, on se mettait en relation… Et on a fait passer des trucs archi importants à Paris.
Oui, j’ai vu des trucs assez mémorables chez vous.
Si tu es déjà venu à des concerts chez nous tu sais donc qu’on aime bien les choses qui envoient un peu. Et se pose donc aussi le souci des décibels, vu qu’aujourd’hui on va sûrement nous imposer une limite de 102 décibels, contre 105 auparavant.
Ah oui, c’est peu…
Oui, et ça va finir par poser un vrai problème. Bientôt les concerts au casque !
(The Fleshtones le 16 janvier 2009, un moment historique dans l’histoire de la Méca, alors toute jeune)
Histoire de chercher du positif là-dedans, c’est quoi tes meilleurs souvenirs de concerts ?
Ils ont joué chez vous ? Je savais pas.
Oui oui, à leurs débuts ! Grand concert, le bar était plein à craquer, y’avait une atmosphère de dingue, c’était fou. Et puis il y a aussi des personnalités archi marquantes qui sont passées à la Méca.
Je me souviens surtout de Reverend Beat Man qui, pour une interview à Trax, s’est mis à bénir tous les journalistes. Le mec était complètement fou. Il y a eu un bluesman à l’article de la mort qu’on a dû porter pour le descendre sur scène, des Australiens, Six Ft Hick, qui s’éclataient des pintes de bière sur la gueule… C’étaient des karatékas hein, ils maitrisaient (rires). Enfin voilà, c’est pour ça que ta question est compliquée, c’est pratiquement impossible de choisir des gens parmi tous ceux qui sont passés chez nous.
Oui je comprends.
Ah, si, en fait, autre grand souvenir : Willis Earl Beal, un mec qui mélange hip hop et soul, et qui joue avec des cassettes. La salle est pleine, il n’est pas là, tout le monde le cherche et on finit par le trouver au fond, adossé à un mur en train d’écouter son walkman pour se concentrer… Le personnage était totalement atypique, il nous a ensuite raconté qu’il chassait des lapins pour se nourrir. Et puis on a aussi reçu Geoff Barrow, de Portishead. Il était venu avec Beak, et j’ai beau ne pas croire en Dieu j’ai vécu un vrai moment christique. Enfin voilà, après encore une fois c’est super dur de choisir. Mais pour résumer, même s’il y a eu beaucoup beaucoup d’emmerdes, on s’est bien marrés.
La Mécanique Ondulatoire, 8 passage Thieré, Paris.