Au bout de trois disques enregistrés à Tucson, les Little Rabbits ont fini par trouver la formule idoine et leur nouvel album, La Grande musique s’avère un disque rempli à doses égales d’insouciance et d’amertume, fourmillant de détails, de détournements, de clichés habilement superposés et jouissant néanmoins d’une fluidité et d’une légèreté fabuleusement séduisante, résolument […]
Au bout de trois disques enregistrés à Tucson, les Little Rabbits ont fini par trouver la formule idoine et leur nouvel album, La Grande musique s’avère un disque rempli à doses égales d’insouciance et d’amertume, fourmillant de détails, de détournements, de clichés habilement superposés et jouissant néanmoins d’une fluidité et d’une légèreté fabuleusement séduisante, résolument nouvelle dans le paysage du rock en français.
Hormis le coup de grisou du single La Grande musique, leur surenchère nihiliste au Je vous emmerde de Katerine, le reste de l’album est beaucoup moins écorché niveau langage et beaucoup plus véloce musicalement que les précédents.
L’ingérance des bandes originales de films Blaxploitation (les flûtes déjantées, les cuivres assassins, les percussions sous pression, la wah wah enragée) en territoire Nantais, déjà en incubation sur Yeah!, aboutit ici à l’élaboration d’un pacte d’entente cordiale entre l’univers blanc blafard des textes et la pulsion noire des musiques. Leur Simca 1000 double sans complexe la Ford Mustang customisée de Gainsbourg, Une belle fille comme toi reprend les choses là où Jaqueline Taïeb (immortelle interprète de 7 h du matin, scie rock’n roll yéyé qui tournait en boucle dans la salle de repos du studio) les avaient larguées à la fin des sixties.
Quant au rose de la pochette, on ne peut s’empêcher de le marier à celui d’Obsolète, disque méga-culte de Dashiell Hedayat, où il était déjà pas mal question à l’époque (71) de bagnoles (Chrysler) et de filles, de dérapages affectifs sans contrôle et d’insoumission musicale. Signe du changement opéré en douceur : l’orgue glouton et abrasif d’Olivier Champain mène souvent la farandole là où jadis les guitares traçaient seules la voie à suivre, avec interdiction d’embrasser les platanes et d’embraser trop ardemment le cœur des pop-songs.
En chantier depuis plus d’un an et demi, La Grande musique était voué dès l’origine à la perméabilité, aux expériences venues de partout à la fois, à l’abolition du cadre dans lequel s’étaient sagement terrés les Rabbits jusqu’à présent. A l’arrivée, ce nouvel album, à l’ impressionnante étoffe musicale, se révèle comme un sacré disque de rock’n’roll pétulant et jouisseur.
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