La performance du double « holographique » de Tupac, au festival Coachella le mois dernier, a donné des idées à l’industrie musicale. Malgré les contraintes techniques et financières inhérentes à cette technologie, attendez-vous à voir ce phénomène se généraliser.
Les images de sa « résurrection » ont fait le tour du monde. Le 15 avril, devant une foule éberluée, le rappeur légendaire Tupac Shakur s’est produit sur la scène du festival californien Coachella. Assassiné en 1996, le natif de New York n’est évidemment pas revenu du royaume des morts. C’est sous la forme d’un hologramme qu’il s’est fendu d’un duo avec Snoop Dogg sur le titre 2 of Amerikaz Most Wanted, comme au bon vieux temps, avant d’enchaîner sur Hail Mary. Une belle revanche posthume pour celui qui chantait, sur le titre Killuminati : « I’m comin back like Jesus » (Je reviens comme Jésus).
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Chapeautée par l’incontournable Dr. Dre, cette performance a mis le feu à la toile. Pourtant, ce procédé imaginé par la firme Musion Technology est loin d’être une nouveauté. Pour créer ce système de projection, Uwe Maass, s’est inspiré d’une technique vieille de 150 ans connue sous le nom de « Pepper’s ghost » (le fantôme de Pepper). Contrairement à ce qui a été relayé, il ne s’agit donc pas d’un hologramme en trois dimensions, mais d’une image diffusée en 2D. Il s’agit donc d’une illusion d’optique. Un projecteur haute définition, situé au-dessus de la scène, émet une image sur une surface transparente. Celle-ci se reflète alors sur un écran transparent, généralement incliné à 45°, donnant une impression de profondeur. Le rendu est saisissant.
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La première utilisation du Musion Eyeliner est à mettre au crédit du groupe virtuel Gorillaz, lors des MTV Awards de Lisbonne en 2005. La bande de Damon Albarn a remis le couvert en 2006 aux Grammy Awards aux côtés d’un double de Madonna avant d’envisager une tournée holographique mondiale. Ils ont finalement abandonné le projet pour des raisons de budget. Jamie Hewlett, cofondateur du groupe, avouait alors que c’était « extrêmement onéreux, extrêmement difficile, un million et une choses pouvant mal tourner à chaque seconde où ce système fonctionnait ». En France, c’est Lara Fabian qui a inauguré la technique en 2009, chantant avec les « hologrammes » de Véronique Sanson, Françoise Hardy et Maurane. Le Japon, lui, a sa chanteuse 100% virtuelle, Hatsune Miku. Carrément flippant !
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Des avis divergents, des applications multiples
Pour l’instant, ces shows « holographiques » se résument à des performances ponctuelles, assez courtes, comme ce duo improbable réunissant le « King » Elvis et la diva canadienne Céline Dion, enregistré dans le cadre de l’émission American Idol en 2009.
Le double du crooner est ici une réplique exacte du « King » extraite d’un live filmé en 1968. A Coachella, les créateurs ont innové en s’inspirant des caractéristiques physiques et des mouvements de Tupac, observés lors de performances live enregistrées du vivant du rappeur. Cette technique, permettant d’obtenir un rendu plus réaliste, et unique, constitue en fait la véritable nouveauté du show.
Les avis sont partagés sur ce type de performance. Nombre de détracteurs ne sont visiblement pas prêts à dégainer leur porte-monnaie pour contempler une illusion d’optique chanter en playback. D’autres, plus enthousiastes, y voient l’unique opportunité d’assister au concert de leurs rêves. Néanmoins, même si le rendu reste impressionnant, cette technologie ne remplacera jamais la spontanéité, l’exclusivité, l’émotion qui émanent d’une performance live. En revanche, elle offre de nouvelles possibilités aux artistes en chair et en os : tout le monde se souvient de la chorégraphie incroyable de Beyoncé, entourée de doubles virtuels, aux Billboard Awards en 2011. Elle a également permis à Mariah Carey de chanter dans cinq pays différents simultanément, lors d’une campagne publicitaire à Noël dernier.
Les applications de ces « hologrammes » ne se limitent pas au champ musical. Il ont déjà été utilisés pour des défilés, des présentations professionnelles ou commerciales, pour accueillir les passagers de certains aéroports… Pour un lancement de produit, c’est le buzz assuré, comme l’explique Eric Dorocant, responsable de l’événementiel chez IVS, la société française à l’origine du show de Lara Fabian : « Cela permet de frapper la clientèle en offrant une présentation originale, une animation spécifique. Ce qui revient souvent, ce sont les allusions enjouées au film Minority Report. »
Malgré l’apparence d’interactivité, pour ce genre d’exposé comme pour une performance artistique, tout est réglé à l’avance. L’effet de manipulation d’objets flottants s’obtient grâce à un calage très précis des gestes du présentateur avec les images projetées.
Une mode confrontée à des contraintes techniques et financières
Rassurez-vous, la vague holographique ne va quand même pas submerger notre quotidien. Les contraintes techniques et financières inhérentes à cette technologie en limitent encore l’accès. La mise en place de l’installation demande beaucoup de minutie pour un rendu parfait. Le moindre défaut pendant la projection pouvant réduire à néant plusieurs semaines de travail. Mais c’est surtout la barrière budgétaire qui risque de freiner les plus enthousiastes.
« Les coûts sont très variables, selon la durée du show mais aussi le contenu qui y est intégré. Sur le plan du graphisme, il n’y a aucune limite mais cela a une incidence sur la facture, détaille Eric Dorocant. Par exemple, pour un projet d’une dizaine de jours développé récemment, ça a coûté 90 000 euros au client. »
Malgré toutes les entraves à l’expansion de ces « hologrammes », de multiples projets sont actuellement à l’étude. Musion Technology a indiqué qu’elle réfléchissait à la réalisation des doubles « holographiques » de Kurt Cobain, Elvis Presley, Michael Jackson, Withney Houston et Jimi Hendrix. Pire, le responsable de l’antenne musique de la firme, Sanj Surati, a révélé au magazine NME que ramener Elvis sur scène pour un duo avec le prépubère Justin Bieber « serait un truc cool ». Vraiment ?
Les chances de revoir le « King of pop » dans ces conditions se précisent. Interviewé par le tabloïd anglais The Sun, à la suite de la prestation de Tupac à Coachella, le frère aîné de Michael Jackson, Jackie, a déclaré : « Ça aurait très bien pu être Michael à la place de Tupac. Ça ne serait d’ailleurs pas merveilleux ? » Pour le moment, la participation de Michael Jackson à la tournée des Jackson 5 qui débute le 18 juin reste hypothétique. Selon une autre rumeur, lancée par le site Mock Crunch, l’ex-PDG d’Apple Steve Jobs pourrait également faire son come-back pour la keynote de l’iPhone 5. De son côté, Dr. Dre envisagerait une tournée avec Snoop Dogg et le double de Tupac. Amusés par cette frénésie, des internautes ont imaginé l’affiche 2013 de Coachella : Mozart, The Ramones, The Clash, Jésus… A croire que le repos éternel a perdu tout son sens.
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