A l’occasion du coffret consacré à Leonard Bernstein, revue des disques sur lesquels il dirige quelques-uns des maîtres fondateurs de la musique classique américaine (Aaron Copland, Charles Ives). Sélection par l’écoute.
Leonard Bernstein, le surdoué et narcissique Lenny, n’aura pas été que le chef-d’orchestre inspiré, flamboyant et cabotin, s’attaquant avec brio aux grandes machineries symphoniques romantiques, capable de soulever de terre, par la grâce de sa fougue légendaire, la plus empesée des partitions. Non. Derrière le maestro séducteur se dissimulait un autre homme, plus secret, moins sûr de son talent : un musicien savant et populaire, élève attentif de Nadia Boulanger et Elliot Carter ; un compositeur « facile » et raffiné, ayant décidé de s’inscrire à sa façon, désinvolte et mineure, dans la lignée des grands compositeurs américains inaugurée par les pères fondateurs Charles Ives et Aaron Copland, et de mettre son art sophistiqué au service du plus grand nombre, selon les valeurs démocratiques de son pays. C’est cette tradition un peu mésestimée dans l’histoire de la musique du 20e siècle que Bernstein n’aura de cesse de servir et magnifier, toute au long de sa carrière – en tant que compositeur dans son uvre personnelle mais également comme chef-d’orchestre en ne manquant aucune occasion de jouer et enregistrer les partitions méconnues de ses compatriotes. C’est ce Bernstein intime et militant que cette petite sélection entend mettre en valeur.
George Gershwin Rhapsody in Blue Aaron Copland Appalachian Spring Samuel Barber Adagio |
Los Angeles Philarmonic Orchestra
(DG/Universal)
Avec ce disque génial Bernstein offre un condensé saisissant de l’esthétique neo-classique américaine du début du siècle et rend hommage en trois uvres emblématiques aux grands maîtres fondateurs à l’origine de son propre univers. Sa version électrique de Rhapsody in Blue, lyrique et exaltée, traversée des rythmes de la ville et de l’énergie du jazz afro-américain, est d’ores et déjà entrée dans l’histoire du disque. Mais sa vision élégiaque et profondément sensualiste de l’adagio de Barber et la puissance picturale et expressionniste de l’Appalachian Spring d’Aaron Copland, véritable hymne à l’Ouest américain, sont sensiblement du même niveau. L’ensemble donne un parfait aperçu des influences parfois contradictoires souterrainement à l’ uvre dans la musique tendre et vibrante du compositeur Bernstein.
En écoute
Rhapsody in Blue
Appalachian Spring
Adagio
Aaron Copland El Salon Mexico Clarinet Concerto Music for the Theatre |
New York Philarmonic (DG/Universal)
Aaron Copland (1900-1990) est sans doute le compositeur américain dont Bernstein s’est toujours senti le plus proche, celui qu’il n’a cessé tout au long de sa carrière de servir de son talent de directeur d’orchestre. Ce disque qui présente non seulement « la » grande version moderne du concerto pour clarinette, l’une des partitions les plus célèbres de Copland, traverse toutes les dimensions de son inspiration, du ballet « narratif » et haut en couleur (El Salon Mexico) jusqu’à l’ambitieuse pièce pour grand orchestre Music for the Theatre, influencé par le jazz naissant. Dans ce répertoire, l’accompagnement extraordinairement souple de Bernstein, son sens inné du swing, de l’accentuation rythmique, de l’exaltation lyrique, font merveille.
George Bernstein Candide |
London Symphony Orchestra (DG/Universal)
Indéniablement moins célèbre que West Side Story, Candide, librement inspiré du livre de Voltaire, reste pourtant une pièce majeure de l’ uvre de Bernstein. Le compositeur invente là une musique hybride et fascinante hésitant superbement entre l’opérette, la comédie musicale de Broadway et le conte philosophique musical – une partition parfaitement déjantée et loufoque particulièrement réjouissante et jubilatoire, tout à fait représentative de l’art léger et brillant, ironique et lyrique, dramatique et fantasque de Bernstein. Il y a là un style définitivement américain dans cette mise à plat généralisée des genres et de leurs hiérarchies, cette précision maniaque et rigoureuse dans l’art ultra sophistiqué de l’entertainment, ce sens du rythme et de la mise en place.
En écoute
Ouverture
Avec l’aimable autorisation de Universal
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Pour télécharger Real Player
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