Plus de trente ans après leur découverte par le Rolling Stone Brian Jones, les musiciens marocains de Jajouka viennent de signer une nouvelle collaboration avec le musicien anglo-indien Talvin Singh. Retour en écoute sur le meilleur de ce que Jajouka a pu produire en tant qu’invité privilégié d’artistes anglo-saxons.
![]() | Brian Jones presents : the pan pipes of Jajouka (Uni) |
C’est par l’intermédiaire de cet authentique album culte réalisé en 1969 par Brian Jones, en congé des Rolling Stones, que ces musiciens virtuoses, ermites des montagnes du Rif marocain, dépositaires d’un art de la transe millénaire, se retrouvèrent projetés du jour au lendemain sous les feux de la rampe. Déjà découverts à la fin des années 50 par la beat generation en exil au Maroc (Paul Bowles et Brion Gysin, notamment), les musiciens de Jajouka retrouvaient d’un coup en pleine période psychédélique une actualité qui ne s’est plus jamais démentie.
![]() | Ornette Coleman Dancing in your head (A&M/Universal) |
Au tournant des années 70, le Maghreb devient le centre stratégique, esthétique et imaginaire du free jazz militant en quête de ses origines et d’un utopique panafricanisme politique. Le saxophoniste Ornette Coleman fait notamment en 1973 un voyage décisif au Maroc qui décidera en grande partie des futures orientations de sa musique. Sa rencontre avec les musiciens Jajouka, immortalisée ici, demeure un des moments forts de ce choc culturel initiatique.
En écoute : Midnight Sunrise
![]() | Howard Shore/Ornette Coleman Naked Lunch (Milan/BMG) |
En 1992, pour illustrer l’adaptation cinématographique de Cronenberg du livre culte de William Burroughs, Naked Lunch (Le festin nu), Howard Shore écrit l’une des plus magistrales « »partitions visuelles » » de ces trente dernières années. Une musique sensuelle et cérébrale, où la sonorité acidulée et plaintive du saxophone d’Ornette Coleman déchire le tissu raffinée des cordes et vient par instants magiques dialoguer de façon subliminale avec un Maroc onirique évoqué notamment par des bribes éparses de musique Jajouka.
En écoute : Interzone Suite
![]() | Randy Weston The Spirits of our ancestors (Verve/Universal) |
Engagé depuis la fin des années 50 dans une quête fantasmatique de ses origines africaines, le pianiste et compositeur Randy Weston invente une musique hybride et savamment archaïque, fusion inspirée entre le jazz (ses harmonies, son sens de l’improvisation) et les rythmes et sonorités des différentes traditions nord-africaines, marocaine notamment. Invité ici à projeter sur un tapis rythmique hallucinatoire, les volutes ascensionnelles de ses improvisations, Pharoah Sanders au gaita, l’instrument traditionnel des musiciens Jajouka, atteint des sommets de lyrisme acide et de spiritualité.
En écoute : Blue Moses
![]() | The Masters Musicians of Jajouka/Bill Laswell Apocalypse across the sky (Axiom/Island) |
Produit au tournant des années 90 par l’incontournable Bill Laswell, ce disque présente enfin les Masters Musicians of Jajouka emmenés par Bachir Attar, tels qu’en eux-mêmes. Pour une fois Laswell se contente d’apporter sa science de l’enregistrement et du mixage (notamment au niveau de l’étagement des plans sonores, capital pour rendre compte de la complexité de la texture sonore du groupe), sans bidouillage excessif, intrusion inopinée et incongrue de guest-stars pop ou autre tentative de fusion post-moderne. La musique proposée ici, brute et magnifique, distille insidieusement sa magie hallucinatoire, servie simplement par la technologie moderne.
En écoute : Memories of my father
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