De rééditions luxueuses en compilations thématiques, toute une génération redécouvre les musiques de films : normal qu’elles soient devenues, pour de nombreux musiciens, une source d’inspiration voire de vol qualifié. Témoignages.
– Anja Garbarek
« Je perçois les BO comme des ambiances qui uvrent pour ou contre le climat d’un film. Et parfois, certaines de ces musiques semblent avoir une vie propre, même quand elles sont déconnectées des images. Il y a beaucoup de compositeurs que j’admire, mais en ce moment j’aime tout particulièrement Toru Takemitsu et Nino Rota. Je ne pense pas que les BO que j’écoute influencent directement ma musique, mais je suis certaine qu’elles le font de façon inconsciente. Parfois, elles suggèrent des images dans ma tête qui vont déclencher des idées de texte. Tout ce qui rentre finit par sortir un jour ou l’autre. Ma musique est certainement une BO imaginaire, elle raconte mes propres images intérieures. »
– Bang Bang (Xavier Jamaux)
« La musique de film est le seul genre de musique dont je ne me lasserai jamais (avec la bossa-nova). J’ai découvert beaucoup de mes BO préférées en voyant d’abord les films pour lesquels elles ont été faites : Casanova, Les Félins, The Anderson Tapes, Un homme est mort, L’Héritier, The Assault… Il y en a d’autres pour lesquelles je n’ai pas vu le film et je suis partagé entre la curiosité de découvrir le film et l’envie de garder intacte la vision personnelle que je m’en suis faite. Sans se la jouer trop nostalgique, avant, il sortait un nombre incroyable de films cultes pourvus d’une musique qui était elle-même culte. C’est sans doute moins vrai aujourd’hui. Mes compositeurs préférés restent ceux des années 60-70 : Morricone, Schifrin (Les Félins, Bullitt), Legrand (L’Affaire Thomas Crown, Polly Maggoo, Le Sauvage), Pierre Jansen, Hubert Giraud (Le Tueur), Quincy Jones… Ils avaient tous la volonté de combiner instrumentation orchestrale et expérimentations sonores dans un format pop. Peu d’entre eux d’ailleurs ont passé avec bonheur le cap des années 80 et l’arrivée des synthés. Mes deux préférés sont Morricone et Quincy Jones. Le premier parce qu’il a un son unique et immédiatement reconnaissable, quoi qu’il fasse. Le second parce qu’il est avant tout un arrangeur et que lui, au contraire, change de style à chaque fois en restant extrêmement cohérent (John & Mary, In Cold Blood, The Anderson Tapes). J’achète beaucoup de BO, essentiellement en vinyles, car la plupart ne sont pas rééditées. Récemment je suis tombé sur un 33t d’illustration sonore de Vladimir Cosma de 1969 : prodigieux ! Tous ces disques ont sûrement eu une influence sur mon travail, de façon inconsciente pour les thèmes, et de façon beaucoup plus analytique pour les orchestrations employées. La musique électronique instrumentale doit beaucoup aux BO et pas seulement à cause des samples ! Plusieurs de mes morceaux ont été utilisés dans des films avant que je compose ma première BO (Tokyo Eyes). Et paradoxalement, je considère qu’il y a moins de contrainte quand on compose une musique de film. D’abord d’ordre commercial : la musique est intimement liée à la vie du film, elle n’a pas à rentrer dans un « format » pour être exploitée. Ensuite, les images sont une source d’inspiration infinie et suggèrent d’emblée un climat, un tempo et une couleur musicale… Le plus dur est déjà fait ! »
Tokyo Eyes (Naïve).
– Bertrand Burgalat
« La musique de film me passionne et m’intimide. Les compositeurs qui y excellent ont souvent un bagage technique que je n’ai pas, un côté premier prix de conservatoire défroqué qui leur donne une grande adresse. J’envie l’agilité d’un Alexandre Desplats. On trouve souvent que Philippe Sarde, à l’inverse, doit beaucoup à ses orchestrateurs, pourtant il y a une mélancolie assez unique dans ce qu’il fait. Au cinéma, la musique comme les acteurs doivent être justes, ce qui veut dire que le compositeur doit faire passer son ego au second plan. Une BO réussie n’est pas nécessairement époustouflante. Mais il arrive aussi que la musique me paraisse plus intéressante que le film : j’avais adoré Providence de Resnais, sans y avoir rien compris, parce que la partition de Miklós Rózsa m’avait subjugué. Je pense aussi à La Faute de l’abbé Mouret de Franju, dont la musique de Jean Wiener n’existe malheureusement pas sur disque. A ce propos, il faut saluer le travail de réédition entrepris en France par Stéphane Lerouge. La musique de film est un genre où la plupart des compositeurs consensuels méritent de l’être : Delerue, Morricone, Schifrin… Mais j’aime aussi certains pionniers comme Jacques Ibert, Prokofiev, Honegger, des exilés comme Korngold qui ont apporté beaucoup à Hollywood. Puis Nelson Riddle, Dimitri Tiomkin, Antoine Duhamel, Pierre Jansen pour La 317e Section, Popol Vuh sur Aguirre, et je ne méprise pas Vangelis. Quant à Michel Magne, j’ai pour lui une affection qui va au-delà de la musique. Curieusement, l’influence la plus décelable dans ma musique vient peut-être des compositeurs qui m’ont le moins marqué, comme Vladimir Cosma. Ils ne me fascinent pas pour leur côté lounge à la con mais pour la tristesse de leur musique, que j’ai parfois tenté d’exorciser. Si je considérais ma musique comme une BO de films imaginaires, ce ne serait pas forcément un bon film : lorsque je fais de la musique, j’ai à l’esprit des images et des sensations qui me hantent, souvent liées à certains lieux, que je serais encore plus incapable de traduire en images ou en mots. Ma première expérience avec le cinéma a été difficile : il s’agissait d’arranger et de produire les chansons du film Les Nuits fauves… J’ai ensuite composé la musique d’un court métrage de Philippe Parreno, puis celle de Quadrille. C’était la première fois que j’écrivais pour vingt-huit musiciens … L’univers de Guitry, comme celui de Cyril Collard, est assez éloigné de mes centres d’intérêt, mais j’avais la chance d’être soutenu par la réalisatrice : Valérie Lemercier m’a imposé sur cette production initialement destinée à la télé quand d’autres se seraient contentés de trois notes de violoncelle. J’aimerais faire des choses pour Rozier ou Philippe Harel. Cela dit, le public de Luc Besson ou Francis Veber m’écoute sans le savoir puisque j’ai composé la musique du générique de la Gaumont qui passe depuis 1995… »
Quadrille (Tricatel).
– Dan The Automator
« Les compositeurs les plus intéressants, comme Morricone, rendent vraiment exceptionnels les films pour lesquels ils composent. Certaines musiques de film ont cette capacité à changer l’état émotionnel des gens : elles font remonter à la surface, au premier plan d’une scène, de la tension, de la peur, du tragique, de l’amour… Quelques-uns de mes albums ont une intrigue, un scénario : on peut donc les considérer comme des films imaginaires. J’ai composé des chansons qui ont été incluses dans des films, la première BO entière que j’essaie de faire est pour le film Gorillaz qui n’est pas encore en travaux. Finalement, je pense que c’est plus facile de faire des musiques pour un film, parce qu’il faut faire avec un autre stimulus, une autre dimension et cette contrainte permet à la créativité d’avoir une impulsion de départ. J’achète beaucoup de BO, mais j’achète de toute façon beaucoup de disques. La meilleure BO récente que j’ai achetée, c’était celle de Ghost Dog. »
– Eric Neveux alias mR Neveux
« Mon rapport avec les BO est assez violent. La musique de film a un statut particulier : c’est une commande qui peut être amenée à prendre énormément de place dans la narration et dans la construction de l’atmosphère d’un film. Mes compositeurs de BO préférés ? Avant tout, Bernard Herrmann. Pas uniquement pour les films d’Hitchcock mais aussi pour les plus anciens, Citizen Kane et Jason and the Argonauts, magnifiques ! Nino Rota, John Barry (seulement la période Swinging London), Morricone (surtout les séries Z), Dany Elfman (pour les Tim Burton, surtout Edouard aux mains d’argent), Carter Burwell (pour Fargo, entre autres). Egalement Randy Newman (en particulier la musique de L’Eveil ) qui, de temps à autre, recycle magnifiquement les racines de la musique de l’Amérique profonde. En travaillant sur Intimité, je pensais à des films qui m’avaient cloué comme Dead Man de Jarmusch ou Une femme sous influence de Cassavetes, dont la musique apparemment très anodine m’était restée dans la tête très longtemps, comme une sensation plus que comme un thème musical.
On sent dans un paquet de films que la musique n’a pas été pensée par le réalisateur, que les compositeurs sont en roue libre, voire en pilotage automatique. Parallèlement à mon intérêt quasi exclusif pour la musique, je suis fasciné par le cinéma. J’ai su très vite que je voulais mettre de la musique sur des images. Après quelques musiques de courts métrages, j’ai commencé par écrire des choses courtes ou des titres isolés pour les premiers films de François Ozon (Regarde la mer et Sitcom). Plus récemment, j’ai signé ma première musique originale intégrale pour Intimité de Patrice Chéreau et ce fut une expérience inoubliable. Il faut arriver à se couler dans l’ambiance du film. Ça paraît évident mais ce n’est pas si facile, surtout quand on arrive à un stade de prémontage où les réalisateurs cherchent encore leur direction. Une autre difficulté tient à la peur de certains réalisateurs face au pouvoir de la musique à l’écran : ils craignent qu’elle détourne ou écrase leur propos. Ils souffrent de ne pas parler le langage musical. Ils se retrouvent avec le pouvoir ultime de refuser une musique sans être parfois parvenu à expliciter ce qu’ils voulaient réellement. »
Intimité (Virgin).
– Jay-Jay Johanson
« Le tout premier disque que j’ai acheté était la bande-son du dessin animé de Walt Disney Le Livre de la jungle, par les frères Sherman, qui est aujourd’hui encore un de mes disques préférés de tous les temps. Depuis, la musique de films est devenue de plus en plus importante pour moi et aujourd’hui, elle représente la plus grande partie de ma collection de disques. Ce qui m’a toujours passionné dans les BO, c’est le ressort dramatique et les contrastes, dans la composition et les arrangements. Là où on s’en rend compte le mieux, c’est dans les BO que Bernard Herrmann a composées pour les films d’Hitchcock. Et souvent, les musiques de films comportent une tension incroyable dont manque la pop surtout la musique de films d’horreur et de films d’espionnage. De la même manière qu’Herrmann a réussi à capturer une ambiance spéciale avec son orchestre symphonique flamboyant dans des films comme Psychose, Sueurs froides, La Mort aux trousses, John Carpenter a réussi à créer une ambiance, avec ses synthés minimalistes, dans ses films comme Halloween ou Escape from New York. J’ai été inspiré par l’un et par l’autre quand j’ai enregistré mon troisième album Poison. Je dois aussi citer John Barry. Ipcress File, quelques James Bond et Vendetta sont des BO qui ont eu une grande importance pour moi vers le milieu des années 90 quand je faisais mon premier album Whiskey. Après Whiskey, j’ai commencé à passer du temps en France et j’ai eu l’occasion de faire connaissance avec des compositeurs comme Francis Lai et Michel Legrand et tous deux m’ont beaucoup influencé pour mon deuxième album Tattoo. Mais je n’ai toujours pas vu un seul des films pour lesquels ils ont composé leurs BO ! L’été dernier, j’ai reçu une copie de travail, sans sous-titres, d’un film appelé La Confusion des genres d’Ilan Duran Cohen, dont on m’a demandé d’écrire la BO. J’ai fait un plan schématique, choisi des scènes, écrit des thèmes différents pour chacun des personnages importants et j’ai fait plusieurs versions correspondant aux ambiances de l’intrigue. Certains morceaux ont été laissés de côté parce qu’ils étaient trop « dépressifs » et je n’avais peut-être pas compris l’ironie de certaines scènes. Mais finalement, ça fonctionnait assez bien. »
La Confusion des genres (BMG).
– Julee Cruise
« J’ai fait des études classiques de cor d’harmonie et je viens de la comédie musicale. En tant qu’actrice et chanteuse, je pense que la musique de film ne doit pas faire intrusion dans un film, doit mettre en valeur l’émotion et l’exaltation dégagées par le film et mettre en place le drame, le script et les intentions du réalisateur. Je veux que les deux se mêlent, comme un acteur et le scénario le font. Mes compositeurs préférés sont Angelo Badalamenti, Stewart Copeland, Bernard Herrmann, Nino Rota, Henry Mancini et John Williams. J’ai composé des musiques de films et chanté dans un bon nombre de BO. Mais par exemple, la musique de Twin Peaks avait été écrite bien avant que l’idée même de Twin Peaks ne soit évoquée. Elle a été ensuite utilisée dans la série et le film. Parmi les chansons que j’ai écrites pour des films, il y en avait une pour Johnny Mnemonic, un film avec Keanu Reeves, que j’avais faite avec Moby. Elle n’est pas sortie dans le film mais a été utilisée dans la BO de Scream. Le plus difficile pour écrire une BO, c’est en fait de décrocher le contrat ! Ma BO préférée du moment est celle de Révélations (The Insider de Michael Mann, BO composée par Lisa Gerrard et Pieter Bourke), la chose la plus belle que j’aie jamais entendue. »
– The Little Rabbits (Laurent Allinger)
« Les BO, je m’y intéresse depuis pas très longtemps. Je pense qu’elles ont travaillé dans mon esprit depuis l’enfance, avec tous les films que j’ai vus. Le déclic a eu lieu avec la BO de Pulp Fiction, je connaissais la moitié des morceaux, ça se prête vraiment au film. Ce sont celles des années 60-70 qui m’intéressent le plus, parce qu’on a affaire à des vrais musiciens, avec de vrais groupes derrière et un chef d’orchestre qui dirige, comme Bernstein dans West Side Story. Dans ces films, il y a toujours une espèce de clip psychédélique. Par exemple dans Le Pacha, il y a un passage avec sitar complètement psyché, dans Bullitt aussi, Blow Up avec les Yardbirds. La musique était bien mise en valeur à cette époque-là. Mes compositeurs préférés, c’est Schifrin, Morricone ou John Barry, pour le thème de Macadam Cowboy ce film est pour moi un grand clip vidéo, avec une vitesse… Depuis trois ans, je cherche désespérément la musique de The Party en vinyle, super dur à trouver. »
– Cardigans (Nina Persson)
« C’est intéressant de voir combien la musique peut apporter à des images. Quand c’est bien fait, dans les films, on la sent à peine. La bonne musique de film n’est pas faite pour être remarquée sinon, elle peut complètement ruiner une scène. Faire de la musique pour un film signifie qu’on peut oublier tous les formats de chansons songwriting et production appris jusque-là : pas besoin de voix et s’il en faut, elles n’ont pas à être nécessairement humaines. On a un peu plus de liberté et de courage que quand on fait des disques sous son propre nom. J’aime les classiques, comme Morricone, Nyman, Herrmann, mais j’aime aussi quand des rockers font des BO et oublient un peu le côté groupe, comme Nathan Larson, Aimee Mann et Neil Young. Les chansons de mon prochain projet, Camp, pourraient illustrer un film, ils sont assez cinématiques et intenses. En tant qu’assistante de mon mari Nathan Larson qui fait des musiques de films , j’ai un peu participé à la composition de BO. Je l’ai laissé faire les choses difficiles, je me suis contentée de participer aux trucs faciles. »
– Perry Blake
« La musique de film a toujours été importante pour moi par elle-même ou dans le contexte d’un film. L’auditeur et le compositeur ont accès à une plus grande liberté. Dans la mesure où la musique de film possède son monde propre, avec des images et des dialogues forts, elle est un outil très puissant. Mes compositeurs préférés sont Gabriel Yared, Morricone, Barry et Zbigniew Preisner (La Double Vie de Véronique, un de mes derniers achats). Comme de nombreux compositeurs, je suis totalement influencé par Barry, de façon presque inconsciente. Mais ce que je fais possède son propre monde. Pour le moment, je travaille sur le scénario d’un thriller qui s’appelle The Zero Principle, d’Anthony O’Keefe. J’ai aussi fait la musique d’un film français, Presque rien (de Sébastien Lifshitz). Pas mal des musiques que j’ai composées pour ce film n’ont pas été utilisées, mais c’était une super expérience. La difficulté majeure était de s’adapter aux trucs du genre « On a besoin d’un morceau de trente secondes pour la deuxième séquence. » Normal : le film reste la partie la plus importante de l’équation et, dans mon esprit, la musique doit lui rendre hommage, en étant comme un gardien invisible pour les scènes clés. »
– Pete Yorn
« Au cours de concerts, je suis devenu ami avec le producteur des frères Farrelly. Quelques années après notre rencontre, j’avais commencé mon album et je lui ai envoyé quelques morceaux, juste parce que je pensais qu’il aimerait. Une semaine après, il m’a appelé avec Pete Farrelly qui hurlait en fond « Ouais, c’est super, on adore ta chanson, mec. » Ils voulaient utiliser quelques chansons pour le film Fous d’Irène, je leur ai dit de prendre ce qu’ils voulaient. Deux semaines après, ils me proposaient de faire le score du film. J’ai accepté, mais je n’avais jamais composé pour un film, je me demandais bien comment j’allais faire. Je ne pouvais pas reculer : je suis un grand fan des Farrelly et de Jim Carrey. Quand je fais mes chansons pour un album, je ne me dis pas « Je vais écrire une chanson sur ceci, cela », ça vient juste naturellement. Quand on fait une BO, c’est très calculé, réfléchi. On sait qu’il faut créer telle ou telle sorte d’atmosphère, d’ambiance. Il faut un rythme qui corresponde à chaque scène, construire l’intrigue en suivant les mouvements. Ça aurait été plus difficile encore si les réalisateurs ne m’avaient pas donné de directives bien précises. Bosser avec les Farrelly, en plus, c’est très marrant. »
– Tindersticks (Stuart Staples)
« Quand on a commencé, tout le monde disait qu’on était « cinématographiques ». C’est lié à notre attrait pour les grands espaces. Et peut-être parce qu’on écoutait pas mal de BO. On a travaillé avec Claire Denis sur des BO, notre travail avec elle est devenu de plus en plus important, c’est une relation très personnelle. Le résultat est une récompense pour nous. Parfois, on respectait trop ce que Claire avait à l’esprit. Comme on avait un point de vue précis nous aussi, c’était difficile de combiner nos deux conceptions. Il y a parfois eu des malentendus parce que les mots ne transcrivent pas forcément ce qu’on a en tête. Pour Trouble Every Day, nous avons eu le script avant et nous avons beaucoup travaillé. Dickon et Dave, mes camarades, ont des idées très arrêtées. Pour ma part, je retiens surtout les moments, la façon dont certaines scènes me touchent. Sinon, oui, j’achète des BO. J’apprécie particulièrement celle d’Il était une fois dans l’Ouest. Et j’aime bien les classiques, Quincy Jones, John Barry, etc. »
Trouble Every Day (Naïve).
– Tommy Hools
« Nous ne faisons jamais de différence entre une BO de film et un album de rock, rap, reggae ou tout autre genre de musique. Pour nous, toutes les musiques sont des musiques de films. La liste de nos compositeurs préférés pourrait être assez longue et composée de toutes sortes de choses : The Who, Morricone, Ryuichi Sakamoto, Wagner, RZA, Polnareff, Portishead, Massive Attack, Curtis Mayfield… Certains de ces choix peuvent paraître curieux mais ils sont en phase avec ce que nous recherchons en musique, c’est-à-dire le truc qui fait rêver et qui déroule un film (réel ou imaginaire). Que cela s’entende ou pas, ces compositeurs ont tous eu une influence sur notre travail. On n’a jamais composé de BO et nous rêvons bien évidemment de faire de la musique pour un film, au sens classique. Mais l’aboutissement le plus logique, vu notre démarche, serait que l’on fasse tout, c’est-à-dire scénario, image et son en travaillant spécifiquement sur la fusion entre ces trois éléments. »
– Yann Tiersen
« Chaque fois que j’ai fait des musiques de films, c’est parce qu’on me l’a demandé. Moi, je n’ai pas plus envie que ça de faire des musiques de films. Mais les deux dernières, j’en suis très content. Il y a Trois huit de Philippe Le Guay. Pour ce film, je suis parti de l’idée de morceaux que je prévoyais pour l’album mais je les ai énormément détournés et on ne les reconnaît plus trop. Sinon, Amélie Poulain, le film de Jeunet, ça s’est fait par hasard. Je bossais en juillet dernier sur mon album, j’étais en train de finir les maquettes. Son assistante lui a fait écouter ma musique dans sa voiture. Alors qu’il devait à l’origine bosser avec Nyman, il a appelé mon label Ici D’Ailleurs, un dimanche, à Nancy. J’étais content, j’avais adoré Delicatessen, je trouvais que les musiques dans ses films étaient parfaites. Ce qui m’a particulièrement touché chez lui, c’est qu’au montage, il était très enthousiaste, simple : il avait un rapport à la musique très enfantin, sans se poser dix milliards de questions ce que je déteste. Je n’aime pas trop les réalisateurs qui essaient de trouver un lien, ça me gonfle. Je ne peux pas faire une musique pour illustrer, pour renforcer une émotion dans un film. Lui n’était pas du tout comme ça, il n’en avait rien à foutre du lien. Il s’est contenté de piocher dans ma musique en se disant, tiens, là ça va servir le personnage, ça va faire un truc. J’aime bien filer une musique et après, qu’elle soit charcutée ou pas, je m’en fous. De toute façon, les BO, je n’en achète jamais, je dois en avoir deux. Je me fous de la musique quand je vais voir un film. »
Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (Virgin).
– Cousteau (Davey Ray Moor)
« Il y a eu un âge d’or de la BO, dans les années 60-70, avec des compositeurs qui écrivaient des chansons, des thèmes récurrents pour les films. Maintenant, la musique souligne l’action, indique où est le moment dangereux par des roulements de tambour, la scène d’amour avec des violons, etc. C’est plus grossier, plus simplet qu’avant, où il y avait une atmosphère, où tout se passait dans l’inconscient. J’espère que cette tendance va revenir. Mon compositeur préféré est Ennio Morricone ou John Barry. Et j’aime bien Peter Gabriel, sa BO pour La Dernière Tentation du Christ de Scorsese est une des plus belles musiques instrumentales que j’aie jamais entendues. D’Ennio Morricone, j’aime particulièrement la musique orchestrale qu’il a faite pour The Mission. Et j’adore les atmosphères de ses musiques pour les westerns-spaghettis. Il a réussi à faire des BO économiques et amples avec une guitare et un bruit bizarre de guitare dans le lointain. Il arrive très bien à faire les choses atmosphériques et simples, complexes et organiques à la fois. En même temps, c’est opaque, ténébreux. J’aime aussi beaucoup Henry Mancini, qui a fait de très beaux thèmes, la BO de Breakfast at Tiffany’s, avec Moon River de Johnny Mercer. J’aime bien aussi André Previn et Francis Lai. La dernière BO qui m’a vraiment impressionné, c’était Dead Man de Neil Young, extraordinaire. J’aime également Paris Texas de Ry Cooder aussi, One from the Heart par Tom Waits et la BO de Magnolia. J’ai fait pas mal de BO pour des documentaires pour Channel 4 et la BBC, j’ai même eu un prix, pour un documentaire sur les droits des animaux. Le guitariste et moi, on a fait ça pendant des années pour gagner notre vie, avant Cousteau. »
– Anjali
« Dans le film de Kubrick Full Metal Jacket, la scène où l’un des personnages principaux pète les plombs dans le camp d’entraînement est glaçante et saisissante. La scène n’aurait pas été aussi choquante s’il y avait eu du silence. Quand je pense à cette scène, l’image et la musique sont toutes les deux présentes dans ma tête et la musique, avec ses accords sombres à la Eno, est plus forte que l’image. Morricone est probablement mon compositeur de BO préféré, pour ce vrai coup de poignard qu’il impose au c’ur. Mais j’aime aussi beaucoup de compositeurs non crédités, qu’on entend dans des séries B, des films underground ou indiens. Leur musique est parfois irréelle. Une de mes préférées est la BO de Vampiros Lesbos pour son côté complètement miteux. J’aime aussi la musique des films italiens. J’ai des tonnes de compilations intitulées Easy Tempo, qui regroupent des musiques funky et incroyables de films italiens, de compositeurs peu connus comme Nino De Luca. Ces compilations, ainsi que ce qui sort de Bollywood, ont eu une influence certaine sur moi. Je trouve en général que ma musique est riche en textures et images et j’aimerais bien voir mon morceau Lazy Lagoon utilisé dans une scène de porno soft où il serait question de chocolat. »
– Goldfrapp (Will Gregory)
« La musique de film a pénétré en moi par les films à la télévision, comme pour beaucoup de gens de ma génération. Les compositeurs de BO, quand ils sont bons, impriment en nous quelque chose d’inoubliable. Pour moi, il y a eu cinq grands compositeurs dans les années 50 et 60 : John Barry, Nino Rota, Lalo Schifrin, Bernard Herrmann, plus Morricone. Ces cinq personnes ont eu une influence incroyable dans l’histoire de la musique, bien au-delà des films : leur impact est d’ailleurs beaucoup plus ressenti aujourd’hui qu’à l’époque. Le truc avec la musique de films, c’est que ça doit être très simple, mémorable, avec une personnalité, une ambiance, on ne peut pas faire n’importe quoi. C’est dur de gérer tout ça. En plus, les BO sont des espaces d’expérimentations pour les compositeurs, des bases sur lesquelles créer de formidables musiques. J’ai commencé à percevoir la musique de films avec Morricone et les westerns-spaghettis. Morricone est un génie, très simple, qui parle à toutes les générations. Il a le truc pour trouver le son qu’il faut, c’est très intelligent. J’ai entendu des histoires racontées par des gens qui ont bossé avec Morricone, il paraît qu’il hurle sur ses musiciens, il les bouscule carrément pour obtenir l’interprétation qu’il veut. Cette intensité s’entend. Je veux que notre musique soit aussi intéressante, directe et simple que celle de ces compositeurs. Faire une musique qui parle aux gens sans insulter leur intelligence ni être trop maligne. Les compositeurs de BO ont été très novateurs dans leur approche du son, ont créé de nouveaux sons. Ils ont tous leurs marques de fabrique, comme Badalamenti et ses cordes Twin Peaks. Une ligne de basse et c’est Lalo Schifrin, des cordes qui s’envolent dans la stratosphère et c’est John Barry. Tout ensemble, c’est Nino Rota. Ces types ont défriché du terrain. Ce que j’aime bien aussi dans les BO on le constate quand on voit des photos de sessions d’enregistrement , c’est que les orchestres sont composés d’une foule de gens éclectiques, qui n’auraient jamais joué ensemble autrement : une chorale, un jazz-band, une formation rock avec un guitariste psyché, des percussions, des joueurs africains… Tout ça ensemble donne à la musique une âme, c’est génial. A côté de ça, il y a des compositeurs que je déteste vraiment, comme Hans Zimmer. Il ne fait pas de la musique, il paie à manger aux réalisateurs. Il ne contribuera pas beaucoup à l’héritage des musiques de film. »
– Autour De Lucie (Valérie Leulliot)
« La première BO qui m’ait marquée, c’était Peau d’âne, je devais avoir 4 ans et j’ai demandé à mes parents de m’emmener dix fois voir ce film. Après coup, j’ai compris que ce n’était pas tant les images qui m’avaient touchée, mais la musique. Jeune, j’étais allée voir West Side Story au cinéma, qui m’avait complètement bouleversée. Puis, je me suis rendu compte, à l’adolescence, que les souvenirs que j’avais des films, c’était jamais les acteurs, l’histoire ou les images, mais toujours la musique. Dans la liste des films qui m’ont énormément marquée comme ça, il y avait L’Etrange Noël de Mr Jack parce que la BO était magnifique, les films de Greenaway, Carrington avec la musique de Michael Nyman. Puis j’ai revu tous les films que j’avais vus quand j’étais plus jeune, avec des musiques de Lalo Schifrin, John Barry, comme Bullitt, L’Affaire Thomas Crown. Sur le film de Wong Kar-wai, In the Mood for Love, c’est la première fois que je trouvais que la musique était mieux avec les images. C’est comme un grand clip : si on enlève les images, la musique est belle mais elle perd son sens. Un de mes compositeurs préférés est François de Roubaix, qui a fait notamment la musique des Aventuriers, celle du Vieux Fusil. Chaque fois que j’entends cette musique, toutes les émotions remontent. Sinon j’aime beaucoup John Barry, Georges Delerue, Michael Nyman, Danny Elfman, Ryuichi Sakamoto avec Furyo, Henry Mancini. Et Jacques Demy-Michel Legrand même si je n’aime pas tout. Sur le dernier album,je me suis beaucoup inspirée de musiques de films. Quand on sample des petits bouts de musiques de films, on se rend tout de suite compte qu’il existe une ambiance. Avant, la somme des instruments créait l’ambiance et là, un sample en boucle et on est baigné dans un univers. On s’est dit qu’on allait travailler chaque chanson comme un court métrage. »
– Air
« On a un rapport intime avec les BO. Nos compositeurs préférés sont Michel Colombier et François de Roubaix. Ils n’ont pas d’influence sur notre travail, mais ils sont des références. Nous ne considérons pas du tout notre musique comme une BO de films imaginaires, ce sont des rêves fantasmagoriques. On n’achète pas souvent de musiques de films. Notre dernier achat, c’est La Planète sauvage d’Alain Goraguer. »
Virgin Suicides (Source/Virgin).
– Zero 7
« Dans la musique de films, il y a quelques joyaux et beaucoup de déchets. Au mieux,il y a une synergie entre les aspects visuels et musicaux, ce qui peut créer une véritable expérience à plusieurs niveaux. On a toujours apprécié les qualités atmosphériques des BO en général. Nos compositeurs préférés sont John Barry, Lalo Schifrin, Michel Legrand, Tom Scott, Quincy Jones, Marvin Gaye, John Williams, Roy Budd… Comme on en écoute beaucoup, on peut dire qu’ils ont eu une influence sur notre travail, surtout instrumental. »