Ex-représentants de la nu-rave, les Klaxons reviennent avec « Love Frequency », album extravagant et monstrueux hanté par le dance-floor et la peur du vide. Rencontre, critique et écoute.
L’annonce d’un nouvel album des Klaxons avait de quoi décontenancer, surtout lorsque qu’on se souvient que leur deuxième album, Surfing the Void (2010), avait été accouché dans la douleur et diversement reçu. Le premier single dévoilé, There Is No Other Time, morceau d’eurodance à la fois hilarant et effrayant de putasserie éhontée, avait de quoi décourager et exciter notre curiosité dans le même élan, tant il semblait témoigner d’intentions extrêmes.
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« Nous voulions être énormes, c’était notre objectif absolu.”
Soyons clairs, le but des Klaxons a toujours été de se retrouver tout en haut des charts. James Righton, chanteur et claviériste : “Je pense que notre démarche est assez subversive. Dès le début, nous avons dit à notre maison de disques que nous voulions être énormes, que c’était notre objectif absolu.” Y voir du cynisme serait néanmoins aller un peu vite en besogne. Le groupe a toujours assumé ses intentions commerciales, mais a peut-être le courage et l’assurance nécessaires aujourd’hui pour les clamer plus fort que jamais.
Groupe pop total (les visuels, tenues, coupes de cheveux s’adaptent en fonction de chaque nouvel album), les Klaxons ont toujours eu le souci du détail et reconnaissent entre autres avoir passé plusieurs mois à plancher ne serait-ce que sur le nouveau logo. La présentation d’une chanson aussi impensable que There Is No Other Time en premier single de l’album est donc tout sauf le fruit du hasard :
“Cette chanson est un peu comme une lettre d’intention, une manière de nous projeter en avant sans filet, affirme Jamie Reynolds chanteur et bassiste. Il dit très clairement ce que nous sommes : un groupe pop, et voilà la chose la plus pop que nous ayons. C’est la chose la plus courageuse que nous ayons faite jusqu’ici, nous en sommes très fiers. Mais nous avons toujours été un groupe provocateur, de toute façon.”
De la nu-rave à la « pitchforkisation » des esprits
Souvenons-nous qu’à leur apparition sur le circuit il y a près de huit ans avec l’album Myths of the Near Future (qui leur valut en Angleterre l’obtention du prestigieux Mercury Prize), les Klaxons se faisaient le porte-étendard d’un nouveau microphénomène musical, la nu-rave (terme affreux s’il en est). Style vestimentaire fluo, basses surgonflées mises en avant, guitares tranchantes : en gros un mélange des cultures rave et indie pour un résultat aussi efficace qu’éphémère.
Depuis, énormément de choses ont changé, aussi bien dans la teneur de la scène anglaise que dans la typographie des groupes à succès. Avec la “pitchforkisation” des esprits notamment, les groupes anglais à guitares n’ont plus l’apanage de la hype internationale. De même, les charts britanniques ont radicalement évolué. Il serait presque impossible d’entendre sur les ondes de Radio 1 des chansons comme Atlantis to Interzone ou Echoes si elles sortaient aujourd’hui.
La surenchère comme arme de guerre
Klaxons, comme les autres, a choisi de changer pour survivre, avec pour arme principale la surenchère. La première écoute de Love Frequency est, à ce titre, assez éprouvante physiquement : New Reality ouvre le bal d’entrée avec des voix vocodées, des riffs de synthétiseurs (ou de guitares ?) remplis d’écho et de distorsion, et une structure à tiroirs qui passe du coq à l’âne sans jamais reprendre son souffle. Ce morceau à lui seul est à l’image d’un album aux influences club qui explose dans tous les sens, alterne les styles et les effets de manche, et témoigne globalement d’une peur abyssale du vide. Jamie Reynolds acquiesce d’ailleurs lorsqu’on lui suggère que la musique de Klaxons est plus hédoniste que jamais :
“Oui, c’est une musique hédoniste, ‘escapist’, où l’auditeur est censé laisser ses problèmes de côté pour se concentrer sur ce qu’il écoute. Nous cherchons à provoquer une expérience universelle, et surtout partagée. La musique que nous faisons s’appréhende dans le but d’un ressenti collectif, pas individuel.”
On ne peut lui donner tort, tant les chansons qui composent Love Frequency se révèlent sur scène. Le groupe a le mérite du panache : qu’il le veuille ou non, il reste enraciné dans ses origines indie, et le fait de figurer aux côtés de Flo Rida, Pitbull ou Lily Allen dans le Top 40 n’en fait pas moins une anomalie, au contraire. Il faut oser sortir un disque comme ça, prendre le risque énorme de s’aliéner une bonne partie de son public. Avec Love Frequency, les Klaxons ont donc réussi leur complétude (et non leur album de la maturité, il sont bien trop malpolis pour cela) de groupe monstrueux, en livrant un disque tout aussi monstrueux. On salue la démarche.
Concerts le 15 août au Sziget Festival (Budapest), le 10 novembre à Paris (Gaîté Lyrique)
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