Du haut de ses 17 printemps, l’ex-Zoo Kid King Krule a déjà enrôlé
une armée de fans transis. Son bluffant second ep, qui invente la “blue-wave”,
ne laisse planer aucun doute : Archy Marshall sera bientôt roi d’Angleterre.
« On n’est pas sérieux quand on a 17 ans”, disait Rimbaud. King Krule – Archy Marshall pour l’état civil – n’est pas tout à fait de ceux-là. S’il a mis ses parents en pétard cet été en emmenant sans leur dire sa petite copine au MIDI Festival de Hyères et avoue s’être fait virer de quelques établissements avant d’intégrer une prestigieuse école d’art londonienne, le jeune Anglais analyse posément sa plongée sans filet dans l’industrie de la musique lorsqu’il répondait encore au doux nom de Zoo Kid.
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“Je trouve que c’est une expérience très intéressante. La plupart des paroles de cet ep parlent de ça justement, cette impression étrange d’être jeté dans un immense océan. Je suis sorti de l’école pour entrer sans aucune sécurité dans ce monde. C’était assez violent, d’autant plus que ce n’est pas normal : je ne devrais pas être là aussi jeune j’imagine, mais je ne préfère pas y penser”, dit-il d’une voix à peine audible, la tête rentrée dans les épaules.
Celles-ci, aussi frêles soient-elles, portent un poids de dix tonnes : l’emballement médiatique. A peine sorti du nid, Marshall a grandi sous l’oeil affolé de labels qui voyaient déjà en lui la fière relève des retraités The Streets et de leur meneur de jeu, Mike Skinner, héros absolu de l’adolescent. Il faut dire que King Krule est né avec un médiator en argent dans la bouche : ses parents, musiciens, l’ont biberonné aux disques de leur immense collection. Son frère, peintre, lui a fait explorer l’underground et son oncle musicien a produit à ses côtés son second ep.
Sa première chanson, Marshall l’a écrite à 8 ans et, s’il ne préfère pas se souvenir de son titre, il avoue s’être toujours laissé emporter par le songwriting, un besoin naturel pour un gamin qui a préféré l’intimité de sa chambre aux terrains de foot. “Plus jeune, j’étais fasciné par la composition, explique-t-il. La musique est la façon la plus adaptée et la plus légale que j’ai trouvée pour exprimer ma colère. C’est très libérateur.”
Enregistré entre un studio de Londres et la maison de ses parents, où il vit encore, King Krule transpire l’agressivité retenue. Marshall y dompte en direct sa fougue adolescente, sa voix aussi qui, il n’y a pas si longtemps, a mué pour devenir ce timbre sans âge aussi sucré que profond. S’il s’avoue rêveur – “j’utilise des mots pour donner vie à des images, des scènes, des couleurs que j’ai en tête” –, Archy a aussi le sens de la formulation lorsqu’il s’agit de donner un nom à sa musique. “J’appelle ça de la blue-wave. Ça résume bien ce que je fais : il y a le côté agressif du post-punk et de la no-wave et celui, plus doux, du blues et du jazz”, lâche-t- il en tirant sur une clope maladroitement roulée. A-t-il peur de la suite ? “Dans ma musique, j’ai envie d’être le plus honnête possible, de lâcher tout ce que j’ai et pour cela je ne peux pas me protéger.” Espérons que le jeune Anglais y gagnera en (a)plomb et n’y perdra pas de plumes.
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