L’ensemble rock le plus prolifique de son époque s’immerge dans un océan de synthétiseurs et hypnotise toujours, même en version extended.
Vous avez déjà imaginé Blur pondre un disque de hard rock sataniste ? Led Zeppelin coaché par Brian Wilson ? Megadeth sortir un album-hommage à Kraftwerk ? Il semblerait que la pléthorique discographie de King Gizzard and the Lizard Wizard se soit donné pour mission de répondre à toutes les questions de ce genre.
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The Silver Cord, vingt-cinquième album des Australiens (en à peine treize ans d’existence) après l’ouvertement thrash metal PetroDragonic Apocalypse (issu cette année de la même effusion inspiratrice), vient ajouter une nouvelle couleur à leur palette. Car la bande de Stu Mackenzie s’en remet cette fois entièrement aux pads des batteries électroniques et aux enchevêtrements programmés des synthétiseurs modulaires.
Une tension vers la trance hardcore ou progressive
Les deux premiers titres font la part belle aux boucles ensorcelantes et à une synthpop teintée de Kraut accrocheur, puis le ton se durcit avant de se mêler aux incursions rap de Swan Song – au son proche du Primal Scream de Vanishing Point (1997) et XTRMNTR (2000) – ou de Gilgamesh qui, par ailleurs, retrouve le tropisme orientalisant de l’indispensable Flying Microtonal Banana (2017). Le groupe raconte s’être retrouvé “en pleine mer” avec l’envie essentielle de “se terrifier soi-même”. En guise de bouée sur l’océan synthétique, il s’accroche joyeusement au plaisir du bidouillage.
Fondamentalement généreux, les Gizz redoublent The Silver Cord d’une version intégrale trois fois plus longue, où les mêmes titres s’étirent jusqu’à épuisement physique – ce que comprendra quiconque a un jour extatiquement sué sur un extended mix voué aux dancefloors. Cette tension vers la trance, qu’elle soit hardcore ou progressive, fond les morceaux en un magma d’où les hooks jaillissent en geysers au flux continu.
Dans une autre galaxie
Le conclusif Extinction est ainsi bien meilleur dans sa version XXL que sur l’album court qui, outre une acclimatation catchy bienvenue, offre à penser que tout morceau pop pourrait être la partie émergée d’un continent englouti, beaucoup plus vaste et étrange.
Pour reprendre Sam Prekop (The Sea and Cake) à propos du Sound and Vision de Bowie : on capte un instant d’un morceau qui, peut-être, dans une autre galaxie, émet à l’infini. Restant l’un des très rares groupes à appliquer à la musique pop la technicité virtuose et un brin obsessionnelle que partagent les musiciens du jazz et du metal, KG&LW continue de faire de son propre amusement un moteur d’exploration.
The Silver Cord (KGLW/Virgin Music/Universal). Sortie le 27 octobre.
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