Le premier album de l’Anglais Adam Bainbridge ressemble à un ovni qui recèle plein de surprises. Critique et écoute.
World, You Need a Change of Mind” (“Monde, tu as besoin d’un changement d’état d’esprit”) : voilà un titre à mi-chemin entre une blague golmon de Pierre La Police et un chapitre de guide pratique pour secte en quête de quinquas fragilisés par l’existence ; mais voilà surtout la punchline en forme de mantra coolos d’un des disques les plus attachants de l’année, celui d’Adam Bainbridge, grand échalas briton qui ressemblerait à une sorte de Bobby Gillespie période post-Screamadelica et qui se fait appeler Kindness – “gentillesse” en français, autant dire injouable.
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Nonchalance aimable, vêtements de secte, cheveux sur les épaules (la pochette vous donne un aperçu des dégâts), Bainbridge expose ses intentions dès le premier morceau du disque, Seod, intro new age et décontractée : Kindness, c’est de la musique pour ceux qui ont usé jusqu’à la corde le rock et ses guitares, qui sont revenus (défoncés) de la minimale de Berlin, qui sont trop feignants (ou trop pauvres) pour aller jusqu’à Ibiza, qui aiment la soul mais avant 1978 – sauf Boyz II Men –, qui aiment les joints mais pas le reggae et qui écoutent du hip-hop en cachette.
Autant dire une espèce de kermesse sans foi ni loi où les ordinateurs tiennent le haut du pavé, mais sans jamais oublier de solliciter par endroits des émotions proto-humaines – Bainbridge est fan de Daft Punk, écoutez donc pour vous en convaincre les deux morceaux phares du disque, Swinging Party et Anyone Can Fall in Love, pleins d’une espèce de générosité lyophilisée 2.0, tout droit sortie de Discovery et qui réchauffe tour à tour le cœur et les barres de mémoire.
Entre boucles et incantations à la Raël – oui oui, le prophète pilote de course –, refrains sous acides et beats bancals, riffs chaloupés à la Nile Rodgers ou encore synthés et chœurs de meufs ambiance Leonard Cohen, Bainbridge a refusé de choisir. Dans son coin, il a d’abord élaboré sa petite cathédrale particulière, réceptacle privilégié de ses expérimentations sauvages et modernes, avant d’aller solliciter, pour éviter de se perdre (la drogue, tout ça), l’aide et la sollicitude musicale du grand Philippe Zdar, qui l’a aidé, de Paris, à monter ce beau bâtiment bizarre qu’est devenu World, You Need a Change of Mind, disque surprenant qui peut très vite devenir un compagnon. Et qui propulse Bainbridge parmi les talents à suivre de très près dans les années qui viennent. Entendez : on n’est pas à l’abri d’un exploit, ni d’une catastrophe. Avouez que l’entre-deux est assez excitant.
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