Cette figure culte de la scène de Los Angeles vient de disparaître à l’âge de 75 ans. Kim Fowley aura traversé toutes les époques en éternel outsider.
Sa dernière heure de gloire, Kim Fowley l’aura connue en 2010 sous les traits, bluffants de mimétisme, de Michael Shannon. Dans le biopic des Runaways, signé Floria Sigismondi, Shannon parvenait à imiter à la perfection la folie exubérante et la tyrannie bouffonne de celui qui fut dans les années 70 le mentor/impresario/compositeur/parolier/producteur du groupe féminin le plus pétaradant de l’histoire du rock.
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Une trajectoire fascinante dans la pop culture
Les nécros expéditives de cette figure culte de la scène de Los Angeles, qui vient de disparaître à l’âge de 75 ans, réduisent d’ailleurs la carrière de Fowley à ce coup de maître, qui ombrage l’ensemble d’une trajectoire parmi les plus sinueuses, singulières et fascinantes de la pop culture. Ce fils d’un couple d’acteurs hollywoodiens de seconds rôles aura – par atavisme involontaire – traversé toutes les époques en éternel outsider, trimballant de Sunset Strip jusqu’à Londres sa longue carcasse émaciée et son visage canin surmonté d’un front immense derrière lequel tambourinaient un milliard d’idées.
Co-auteur de plusieurs hits à l’entame des années 60 (Cherry Pie de Skip & Flip et surtout le numéro 1 Alley Oop de The Hollywood Argyles), cet hyperactif qui avait auparavant été attaché de presse pour Tamla fournira régulièrement des chansons aux teen-idols qui passaient dans son radar. Mais c’est en rejoignant PJ Proby en Angleterre en 64 qu’il enclenchera sa propre machine sensorielle, notamment avec le single The Trip qui préfigure de plusieurs coudées la grande parade psychédélique.
Repéré par Zappa (il est invité à faire des bruits étranges sur Freak Out), il traîne des deux côtés de l’Atlantique aux côtés de tous les frondeurs échevelés, de Jimmy Page à Sly Saxon des Seeds et de Hendrix à Jim Morrison, qui, sans doute un peu plus saoul qu’à l’accoutumée, le désigne comme son « poète favori ». Jamais à l’arrêt, il écrit à la chaîne des instantanés turbulents et libertaires qui lui valent de se faire inviter par John Lennon en personne à rejoindre le Plastic Ono Band sur scène au Toronto Peace Festival en 69, pour une performance entièrement… silencieuse.
Il tente également de remettre en selle Gene Vincent et participe à la B.O. d’American Graffiti, claque des chansons pour les idoles des flippers seventies (Alice Cooper, Kiss…), découvre les Modern Lovers de Jonathan Richman et produit à la diable ses propres albums où la pop bubblegum, le garage, le folk et le trash-folk burlesque (liste non exhaustive) se carambolent avec fracas, humour, poésie et dérision.
« Lord of the garbage »
Idole underground de toute une faune de freaks qui doit beaucoup à sa démesure (des Cramps à Ariel Pink, qui l’a invité à collaborer sur plusieurs titres du tout chaud Pom Pom), Kim Fowley n’a jamais ralenti sa cadence folle, malgré des cancers à répétition, dont le dernier aura fini par le vaincre.
En 2012, on l’avait rencontré en marge d’un concert-performance dans le cadre du festival Sonic Protest. Il était flanqué d’une jeune adepte du bondage, Snow Mercy, dont il préférait vanter les pigeonnants mérites au lieu de s’attarder sur sa propre légende.
Nomade incurable, il recrutait des musiciens sur place et dormait chez l’habitant, ressemblait de plus en plus à un Frankenstein de cartoon et faisait des selfies avec tous ses interlocuteurs pour nourrir son site internet. Son autobiographie, parue cette année-là, s’intitulait à dessein Lord of the garbage.
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