Un album tranquille, tendance folk-rock, qui transporte dans une autre époque et un autre pays, les Etats Unis.
Keren Ann témoigne dans sa musique d’une liberté qui sans être transgenre (son truc, finalement, c’est principalement le songwriting à l’américaine, quelque part entre Lee Hazlewood et Lou Reed) est essentiellement transfrontalière, établissant les plus solides ponts jamais traversés entre la France et les Etats-Unis. Il suffit d’écouter les premières notes de son nouvel album pour être instantanément transporté vers une autre époque et un autre pays, l’Amérique. Keren Ann recrée un univers qui se situe à la fois dans les sillons sixties et seventies des disques de Neil Young et Buffalo Springfield, mais aussi dans ceux de groupes plus proches comme Mazzy Star et sa chanteuse Hope Sandoval. Toutes deux possèdent un timbre éthéré, mais aussi étrangement enraciné, jamais fluet.
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Se plonger dans les chansons de Keren Ann est une expérience d’apnée totale. Ses morceaux s’imposent d’un coup et font dériver l’esprit. A les écouter de si près, on comprend un peu que Keren Ann aime les situations un brin tendues, les moments brinquebalants où l’on se sent un peu plus vivre que d’habitude. Est-ce pour cela qu’elle était en plein cœur des combats l’été dernier au moment même où l’armée d’Israël bombardait le Liban voisin et que le Hezbollah tirait des roquettes sur les habitations du nord du pays ? Partie en tournée, elle a passé quelques jours dans les abris des villages israéliens, vivant de près la guerre, mais sans jamais en faire son propre commerce. Refusant de laisser la guerre dicter la suite de sa carrière, elle n’en a pas moins laissé le conflit habiter les chansons écrites depuis et surtout infiltrer l’atmosphère générale de son album.
Sous de faux airs de mélancolie agréable, celle-ci est surtout hantée par des airs sombres, de longs moments de dérive narcoleptique qui évoqueraient presque les longues minutes qui succèdent à un bombardement et durant lesquelles on s’interroge sur ce qui vient de se dérouler, où l’on se demande si l’on est encore (un peu) en vie. Il y a chez Keren Ann (et surtout dans son Keren Ann) une forme contagieuse de désespoir, belle et mordante.
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