Le duo bordelais Kap Bambino signe un troisième album corrosif, qui pénètre l’épiderme en profondeur. Critique et écoute.
Parce qu’elle racle les pores de la peau et décrasse les tympans, la musique de Kap Bambino se voudrait hygiénique, nettoyant au passage les a priori maladroits qui ternissent encore, dans l’industrie, l’image de trop de groupes pareillement jusqu’au-boutistes.
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“En 2002, quand on a commencé, les gens avaient peur de notre musique, on était complètement en dehors de la French Touch. On savait d’entrée qu’on ne pourrait pas se placer dans une famille musicale particulière. Et ça nous plaisait bien.”
Dix ans plus tard, après trois albums rageurs et des dizaines de concerts en France, en Angleterre, aux Etats-Unis ou en Amérique du Sud, la paire formée par Caroline Martial et Orion Bouvier revient avec Devotion, l’aventure sinueuse d’une musique brutale, sombre et violente, parsemée de belles éclaircies. “Je vois ce disque comme une dévotion à la connerie, à notre art, aux trucs chiants, à tout quoi, se plaît à rappeler la jeune chanteuse. Ça résume assez bien notre état d’esprit et notre intention. C’est une dévotion totale à ce monstre.”
Un monstre qu’ils seront parvenus à dompter, au point d’évoluer sans se trahir dans les méandres de l’industrie du disque, dont les deux Bordelais se fichent pas mal. “Au départ, on faisait nos albums via notre propre label, puis on a commencé à être chroniqués à New York, à Mexico, à Londres et ça a fait circuler le truc.”
S’ils revendiquent une certaine autonomie, conservée après une signature chez Because il y a trois ans, les deux Bordelais estiment avoir créé quelque chose de neuf. “Notre dogme était artisanal, c’est sûr, mais surtout précurseur. Parce qu’en 2002, quand tu te montais une tournée tout seul, les gens prenaient la fuite. Aujourd’hui, tout le monde est en train de faire ça.” Une infaillible débrouillardise qui colle à la peau d’une formation plus proche de la rue que des carrés VIP. “Dans l’est de Londres, on a vécu dans le ghetto de Clapton pendant pratiquement un an. Nous sommes revenus en France un mois avant les révoltes.”
Combattre, lutter, rêver : tels pourraient être les maîtres verbes qui font de Devotion un album historique, au passif évident et, pour ne rien arranger, diablement poétique. Instinctif et ténébreux, viscéral et baroudeur, le disque déroule son lot de titres grandiloquents, du venimeux et acide King Cobra à l’entêtant et colérique Burning.
Désormais paré pour vivre sa première véritable tournée française, le duo a conscience du chemin parcouru et tente légitimement de représenter les artistes laissés pour compte par les programmateurs. “J’espère que des groupes comme nous pourront continuer à évoluer en dehors des réseaux, insiste Caroline. Si nous parvenons à nous amuser cette année avec Devotion, à faire des concerts et à nous balader avec notre musique, je me dis qu’il y a de l’espoir pour la scène qui est avec nous et pour les musiciens qui la rejoindront.” Un dévouement donc, aux allures missionnaires.
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