À force de fusionner avec audace rap et musiques électroniques, le rappeur originaire de Grenoble emporte l’adhésion d’un public de plus en plus friand de ce genre d’hybridation musicale. La sortie imminente d’un nouvel EP et sa présence à la prochaine soirée Inrocks Super Club, le 16 novembre à Paris, tombe à pic pour rencontrer ce jeune avant-gardiste.
Si certain·es auditeur·rices de rap se sont fait la remarque d’un essoufflement dans le genre dernièrement, en France, mais surtout aux États-Unis, dû à un manque certain de renouvellement des têtes d’affiche (Coucou Drake), c’est probablement qu’elles et ils ne sont pas encore tombé·es sur Kaba.
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À 28 ans, le rappeur et producteur souffle un vent d’air frais tout droit venu de Grenoble, s’élançant par-delà les montagnes qui encerclent la ville, pour mieux venir stimuler la scène rap française. Après quelques balbutiements dans le rap il y a dix ans, alors qu’il est en terminale, aux côtés de figures importantes de la cité isèroise : de Karmen (anciennement Tortoz) à Juice, sans oublier sa première session studio chez Yvick alias Mister V, célèbre Youtubeur reconverti rappeur, Kaba est venu s’émanciper artistiquement en s’installant dans la capitale il y a quatre ans.
Des créations savamment inspirées
Avant cette émancipation qui l’a vu éclore de manière particulièrement enthousiasmante depuis 2021 et son EP 3.3 Magnitude en collaboration avec le producteur Vouiz, Kaba s’est construit une identité artistique bien trempée à l’aide d’une solide culture musicale, travaillée depuis son plus jeune âge. D’abord sur les bancs du conservatoire, où il s’initie au saxophone, sans aller au bout, avant de tomber rapidement dans le rap, où son appétence pour les sonorités organiques et jazz trouve son bonheur dans les boucles de samples : “Les premiers tracks que j’ai écouté, c’est Rohff, Booba, etc. Je suis un 1995, j’ai grandi avec ça. Et j’ai été piqué direct. Après avec la télé, les clips sur MCM m’ont ouvert au rap US, et c’est là ou je me suis dit : ‘Ok j’aime beaucoup trop ce qu’il se passe ici.’ Donc là, je me prends des Pac, Biggie, Big L, Nas, que des grands noms.” Le jeune Kaba ne le sait pas encore, mais cette exposition précoce et intensive aux classiques du genre, français comme américain, le mettra sur des rails pour imaginer son futur, dont il ne déviera jamais par la suite.
Cultiver sa singularité
En plus de côtoyer “les mecs en place de la ville“ au moment où il commence à enregistrer ses premières démos autour de 2012, Kaba étend davantage son cercle et entame un long chemin afin de creuser son propre sillon. “En parallèle, je rencontre mes bêtes de potes de la CDF, quelque chose que je ne peux pas dévoiler et qui, eux, viennent un peu plus du rock. Ils m’ont donné le goût de l’underground“, raconte-t-il, tout en restant mystérieux sur la nature de ce sigle et de ceux qui se cachent derrière. “Je découvre des vibes du genre de BONES à l’époque, le Raider Klan. En fait, ils me forcent à digger et à sortir de mon scope rap boom bap, parce que je viens vraiment de là : les kickeurs, les rimeurs, 90 BPM. J’étais lyriciste, mais dans l’ego trip, j’ai toujours été plus là dedans que dans le conscient. J’essaye quand même de doser, j’aime bien avoir deux, trois phases conscientes histoire de rappeler aux gens qu’on réfléchit aussi. Mais ce qui m’a toujours fait kiffer c’est l’ego trip et la nonchalance.”
Peu de temps après, il “commence à aller en teuf“ et c’est là qu’une sorte de révélation s’opère pour lui. “Je prends une claque avec la house”, avoue-t-il avec entrain rien qu’à l’évocation du genre révolutionnaire né à Chicago. “Notamment avec un gars de ma ville que je recroise qui s’appelle Vouiz, avec lequel j’ai collaboré et sorti mon premier projet 3.3 Magnitude. On était dans le même collège, même nos darons se connaissent. Au collège, on ne se calculait pas trop et, en fait, on l’a réinvité pour une soirée Squadra (nom de l’association qui précède la création du label de Kaba, H3 Records), parce que lui mixait beaucoup sur Grenoble à l’époque. C’est là que je me dis : ‘C’est ça que je veux faire. Je veux mélanger rap et house’. À ce moment-là j’ai l’impression de m’être trouvé, j’ai le déclic. Je prends une claque par son set, je danse toute la soirée et je me dis : ‘Je pourrais kicker là-dessus en fait’. Je le recapte et je lui dit qu’on devrait faire du son ensemble, parce que je savais que lui produisait aussi. Il m’envoie la prod de ‘HDG’ et ça part ! Premier classique !“ L’histoire est lancée.
Et il n’y a pas à dire, l’effet rafraîchissant que procure ce “Hoe Du Game“ pour tout·e auditeur·rice de rap, et même au-delà, sonne comme une évidence. Après plusieurs essais encourageants s’inscrivant dans l’esthétique cloud rap et trap juxtaposées entre 2019 et 2020, Kaba profite donc de la pause instaurée par le Covid pour initier sa mue et peaufiner sa vision d’un son hip-house 2.0 avec l’aide de ses précieux producteurs.
Vitesse grand K
Tout devient clair dans l’esprit de Kaba avec la sortie de 3.3 Magnitude : il veut explorer davantage ce croisement entre rap et musiques électroniques, afin de goûter à ces exaltantes possibilités. Il s’attèle ainsi à un nouveau court format qu’il confectionne cette fois-ci avec Hyas, jeune producteur lyonnais ultra-talentueux, aujourd’hui DJ résident sur Rinse FM. La teneur de ce projet supersonique de six titres, débarqué au printemps dernier, tient en un drôle de nom pour le moins évocateur : Music 4 Tesla. “L’origine du titre du projet vient d’une prod de Hyas qui s’appelait comme ça,“ se remémore Kaba, avant de rajouter avec malice : “Et je lui ai dit : ‘Ça, c’est le nom du projet.’ Parce que Tesla, ça incarne l’innovation, le futur, c’est la rapidité et en termes de tempo c’est un projet qui est rapide. On est entre du 135 et 145 BPM et je trouvais que ça allait bien avec l’identité futuriste. Ça claque.“
Il nous prévient, le second volume débarquera d’ici la fin de l’année et donne quelques prémices sur la direction empruntée : “Dans Music 4 Tesla Vol. 2, on sent une influence UK Bass, il y a des wobbles, des basses presque dubstep.“ En ce qui concerne cette nouvelle collaboration avec Hyas, Kaba tient à souligner l’importance de cette relation, et par extension toutes celles avec ses producteurs : “C’est une autre connexion très forte, autant humainement qu’artistiquement. Il m’a fait découvrir plein de choses, justement il m’a sensibilisé à la Bass Music. Cette vibe de l’électro que j’appréhendais un peu quand j’ai commencé, je trouvais ça chelou, j’aimais pas trop la dubstep, etc. Jusqu’à comprendre d’où est-ce que ça venait vraiment. Il y a eu tout un travail de recherches historiques. Les producteurs avec lesquels je travaille m’éduquent en quelque sorte. C’est pour ça que ce sont tout le temps des collaborations très riches.“
Et parce qu’il est comme ça, Kaba sort spontanément ses écouteurs en fin d’interview pour nous faire découvrir en avant-première un banger sautillant, en collaboration avec un prometteur trio américain de Détroit, qui n’est ni plus, ni moins qu’une pépite taillée pour le club. Rendez-vous dans quelques semaines pour l’entendre résonner comme il se doit lors de la soirée dédiée à H3 Records, soit le label cofondé par Kaba, Vouiz et leur label manager Elio, prévu le 16 décembre au Point Éphémère. Mais avant ce Take Over All Night Long qui s’annonce dément, il faudra forcément venir s’échauffer du côté de la Boule Noire pour s’imprégner de son énergie contagieuse le 16 novembre aux Inrocks Super Club. Prêt·es à retourner le club ?
Kaba en concert le 16 novembre aux Inrocks Super Club à La Boule Noire, à Paris, avec Salome et Le Kaiju. Vous pouvez déjà réserver vos billets à cette adresse.
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