Le nouvel homme fort du rap français s’apprête à publier une réédition musclée de son premier album « Or Noir ». Pour en parler, Kaaris nous a reçu dans son QG à Bondy où il prépare déjà son prochain album (prévu pour la fin de l’année). Au coté de Therapy, producteur de l’album (et infatigable beatmaker de Booba), Kaaris commente cette réédition morceau par morceau, en évoquant Sevran, Pablo Escobar et même Salvador Dali.
Intro
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Kaaris – Ce n’est pas vraiment un morceau, c’est un hors-d’œuvre, sans structure, sans refrain. Un peu comme Bison sur la première partie d’Or Noir. Pour entrer dedans, faut que ça percute. Sur certains albums, il faut attendre trois ou quatre tracks avant d’avoir du lourd. Nous, on aime bien mettre une gifle dès le début. J’aime bien faire des morceaux sans refrain, où ça kicke pendant trois minutes. Cette intro est un genre de medley de tout ce que je pense. Ce n’est pas vraiment focalisé sur la politique, mais j’étais obligé de glisser une petite phrase sur le mauvais travail de la gauche. Mais ce n’est pas vraiment du rap conscient, même si je n’ai contre ce genre de rap. J’ai beaucoup écouté Kery James, Fabe… C’est du très lourd.
Sombre
Kaaris – C’est un freestyle que j’ai fait à Planète Rap, sur Skyrock. On s’est dit que les gens voudraient peut-être redécouvrir ce morceau mixé et masterisé. Les gens qui n’ont pas suivi croiront que maintenant je fais des foutaises sans refrain, mais tant pis.
Therapy – On s’est rendu compte qu’il y avait une forte demande de ce morceau pendant les concerts. On a estimé que c’était celui qu’il fallait balancer en premier pour annoncer la réédition d’Or Noir. Mais il faut vraiment le prendre pour ce qu’il est à la base : un freestyle.
S.E.V.R.A.N.
Kaaris – Encore une fois c’est de l’ego trip, de la punchline. Ce morceau veut montrer qu’à Sevran, on fait ce qu’on veut. Quand je dis « La police n’y peut rien, même l’armée n’y peut rien », c’est une référence à Gatignon quand il avait dit avoir besoin de casques bleus. Je voulais faire ce rappel. Tout le monde pense que sa cité est la meilleure, mais ce qui se passe dans mon morceau peut être mis à toutes les sauces, pour tous les quartiers. C’est l’anarchie. Sortir de cette vie relève de la volonté de chacun, mais c’est difficile d’échapper aux modèles qu’on nous propose en grandissant. Ça fait plaisir de faire ce morceau sur scène avec mes potes qui sont de Sevran. Mais je ne porte aucun étendard, au quartier on est tous pareils. Il n’y a que sur scène que je me démarque des autres.
Therapy – Sur les instrus, on a travaillé comme d’habitude. On est quatre à bosser : moi et 2031, qui formons Therapy, et aussi Loxon et Phantom. On ne s’est pas dit « tiens, c’est la réédition, donc on va bosser spécialement de telle manière ». On s’envoie des choses, on échange. Ensuite il y a une petite adaptation par rapport aux textes de Kaaris. Cette réédition reste fidèle à ce qu’on fait. On ne se pose pas de questions. Quand on crée, on crée. C’est tout. Je vais où la vibe me mène.
Comment je fais
Therapy – Ce morceau fait partie de ceux tirés de Planète Rap.
Kaaris – Ici je chantonne sur le refrain, parfois j’aime bien étirer les notes pour tomber sur le beat. Mais je ne suis pas chanteur, même si je suis capable de le faire. Aujourd’hui il faut savoir maitriser le vocoder pour faire de bons refrains, qui ne soient pas toujours rappés. Je mentionne Luke Skywalker dans ce morceaux, mais je n’ai même pas besoin d’expliquer : Star Wars est un des plus grands classiques de tous les temps. Luke, c’est le chevalier par excellence. Je mentionne aussi Dodo la Saumure… c’est une sorte de Jedi des temps modernes (rires).
A l’heure
Therapy – Une intro de morceau, ça commence toujours par une mélodie principale, ou bien une harmonie du morceau, pour ensuite arriver avec plus de patate. Mais je ne me pose même pas de questions sur ma manière de faire.
Kaaris – Cette instru m’a inspiré un morceau avec du vocoder. Les premières notes donnent envie de planer. Ça faisait longtemps qu’on voulait faire un morceau avec à la fois des parties rappées, et avec du vocoder qui reviendrait tout le temps. Ce sont les instrus qui m’inspirent. Il n’y a pas de volonté d’équilibrer entre morceaux violents et morceaux plus doux. Surtout que la violence ne s’exprime pas toujours de la même façon. A l’heure, pour moi, c’est un morceau violent, même s’il y a du vocoder. Ce morceau parle de la douleur, de mélancolie, d’un certain mal être. A un moment, je dis « leurs démons sont fait de feu, je sens leur chaleur » puis « mon armure résiste », c’est une allusion à la difficulté de rencontrer le succès dans le milieu du rap également. Quand tu n’es pas dans ce jeu là, tu ne t’en rends pas compte. Le succès apporte son lot de mauvaises nouvelles. Chaque journée charrie de nouveaux détracteurs. Par exemple, il y a eu une polémique autour d’une interview ancienne que j’avais donnée au magazine R.A.P. Le journaliste me demandait si je respectais davantage Dre ou Therapy. C’est une question bizarre. Musicalement, je considère que Dre est le meilleur mais je préfère Therapy car il m’a beaucoup aidé dans mon cheminement musical. La phrase a été exhumée et sortie de son contexte. Du coup sur le net, des gens ont commencé à m’accuser d’avoir pris la grosse tête. C’est n’importe quoi.
Juste
Kaaris – C’est sans doute le morceau le plus violent que j’ai écrit. On avait balancé un petit extrait de 30 secondes sur Instagram et ça avait fait un gros boucan sur le net. Du coup, on a décidé de le mettre sur cette réédition. Dans ce morceau, je dis que je fonctionne en « autarcie » parce que j’ai parfois le sentiment d’être un peu en marge au sein du rap français. Je sais que j’ai perdu beaucoup de temps et aujourd’hui j’ai envie de rattraper le temps perdu. J’ai des choses à dire. Quand je n’aurai plus rien à balancer, j’arrêterai.
Chargé
Kaaris – Je martèle « Kalash, chargé » dans le refrain pour montrer que cette suite est encore plus violente que le morceau que j’avais fait avec Booba. Je considère ma musique comme du crack qui rentre dans la tête. La répétition sonne comme une addiction. A un moment, je dis que je suis plus fort que Salvador Dali mais c’est juste de la frime. Je ne serai jamais au niveau du maître du surréalisme mais ça me faisait marrer de citer son nom ! Je ne cherche pas à balayer l’héritage culturel du passé, c’est plus une façon de rendre hommage à un grand artiste.
Pablito
Kaaris – C’est un hommage à Pablo Escobar. Cet homme incarne parfaitement la frénésie, le jusqu’auboutisme. Je m’interroge sur les ressorts de sa folie, de ses crimes. Et d’un autre coté, j’essaye dans ma musique de dégager une forme d’absolutisme. Sa vie est loin d’être admirable, c’est même la déchéance à l’état pur mais il y a quelque chose de fascinant et de mystérieux chez lui. Pour moi, c’est le meilleur morceau de la réédition. Quand il va sortir, il va faire très mal mais Therapy ne me croit pas (rires).
Killé
Kaaris – À part Pablito et le morceau A l’heure, tous les titres de cette réédition sont ultra hardcore. On ne réfléchit pas en termes de diffusion radio ou de disque d’or, on essaye de kicker et de faire ce que l’on aime. Pour l’instant, ça marche plutôt bien…
Seront également présent deux freestyles réenregistrés : Je remplis l’sac et À la barrière.
Concert le 28 février à Paris (Cabaret Sauvage) puis en tournée en France
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