Découvert par Booba, Kaaris est le nouvel homme fort du hip-hop français. Au programme : « Dragon Ball », Frédéric Taddeï, « Le Livre de la jungle » et Wong Kar-wai.
Tu travailles beaucoup sur tes clips ? Il y a parfois un vrai fil scénaristique, entre 63 et Zoo par exemple.
On essaye de penser les clips comme des films. C’est vrai que le début du clip de Zoo répond à la fin de 63. C’est super important, un clip. 63, ce n’est pas mon meilleur. C’est un des morceaux que je préfère, mais le clip… Je préfère celui de Binks, par exemple. Il a d’ailleurs été censuré le premier jour. Il a galéré pour monter à un million de vues. Zoo, je n’en parle même pas. C’est mon petit bébé. Or noir aussi, je l’aime bien.
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Ton clip Or noir est rempli de références cachées. Tu participes à l’écriture de tes clips ?
Bien sûr. En fait, le squelette, c’est moi. Mais sur Or noir, je n’ai pas participé. Il a été réalisé par Greg & Lio. Le “666” sur la plaque, l’image de Freezer, ils l’ont fait d’eux même. Ils avaient peut-être remarqué que je parlait de Freezer dans un autre morceau… Ils m’ont envoyé le clip deux jours avant sa sortie. J’ai kiffé mais je n’ai pas fait attention à tous ces messages cachés.
Il y a de nombreuses références à la culture manga dans ce clip. On aperçoit un pin’s d’Ikki, le Chevalier du Phoenix, par exemple.
C’est propre à la génération 80.
Tu regardais Dragon Ball ?
Bah ouais, le mercredi…
Tu ressembles à Broly, un peu d’ailleurs.
Tu trouves ? (rires) Je me sens plus proche de Cell ou Freezer. Cell, pour moi, c’est le personnage le plus abouti de Dragon Ball. Tu te rappelles l’épisode où il lance un tournoi d’arts martiaux ? Franchement, c’est le meilleur.
Et Conan le Barbare ?
Bien sûr, je regardais. Comme tout le monde. Dans Conan, il y a des têtes qui explosent, un peu comme dans mes morceaux. J’essaye de recourir au maximum d’images et de métaphores. C’est du son pour donner la pêche aux gens. Je sais qu’on m’écoute beaucoup dans les salles de sport. Les gens m’écoutent aussi le matin, avant d’aller au travail. Du gros Ris-kaa, ça donne envie de réussir, de tout niquer.
Dans Or noir, tu évoques le racisme en banlieue. C’est quelque chose que tu as connu ?
Bien sûr. Quand j’avais 12 ans, je me souviens, j’étais avec un pote reubeu. Des keufs qui sont arrivé, et ont commencé à nous embrouiller, à nous demander si on mangeait du porc… Et ce n’est qu’un exemple parmi un milliard d’autres.
Tu as l’impression que la France est un pays raciste ?
Non, parce que tout le monde n’est pas raciste. Il y en a beaucoup, mais il y en a aussi en Côte d’Ivoire, entre ethnies. Par exemple, je connais un mec qui a refusé que sa sœur se marie avec un Béninois.
Tu connais bien la Côte d’Ivoire. Quand tu vois la France intervenir au Mali, en Centrafrique, tu te dis quoi ?
La France est toujours le gendarme de l’Afrique. Ils ciblent des frères qui sont contents de les avoir arriver mais on ne connaît pas les vrais buts. Pourquoi la France y va ? Parce que la France aime les gens ? Il y a déjà beaucoup de gens qui souffrent ici. La France devrait utiliser ses thunes pour s’occuper de ses SDF, de ses retraités… C’est trop facile de tomber dans la théorie du complot, mais si elle se déplace là-bas, c’est qu’elle a des intérêts économiques…
En 2010, le footballeur Didier Drogba a lancé plusieurs appels à l’unité nationale lors de la guerre civile qui agitait le pays. Maintenant que tu es célèbre, tu envisagerais de t’investir politiquement toi aussi ?
Didier Drogba est l’artiste Ivoirien le plus connu au monde. Il a lancé des appels au calme mais je ne connais pas son degré d’implication politique. Moi la politique, ce n’est pas mon truc. En Côte d’ivoire, je suis peu connu même si j’aimerais faire un concert là-bas. En tant qu’artiste, je peux lancer des messages de paix mais je ne peux pas régler les vrais problèmes sociaux.
On voit que le geste de la force que tu fais au début de tes clips est aujourd’hui repris par des footballeurs comme Pogba ou Anelka. Ça te fait plaisir ?
Les jeunes des cités s’identifient plus aux footballeurs qu’à un rappeur comme moi. Donc voir des joueurs que je ne connais pas, reprendre ce geste, m’a fait plaisir, évidemment.
Tu suis un peu le football ?
Non pas trop même si je soutiens Paris quelle que soit l’équipe. Mais je suis pas un dingue comme Therapy qui est inscrit dans un club de supporter. Il va à tous les matchs, c’est limite s’il ne les suit pas en car. (rires)
Tu vas suivre la Coupe du Monde ?
Bien sûr, je vais soutenir la France et la Côte d’Ivoire même si je sais qu’aucune des deux équipes ne gagnera jamais. Même si les deux équipes sont dans un groupe assez facile, elles trouvent toujours le moyen d’éprouver des difficultés.
S’il y a une finale France – Cote d’Ivoire ?
Peu importe, qu’ils fassent une passe à 10. Je kiffe les deux pays. Je me sens autant Français qu’Ivoirien. J’ai dit tout à l’heure qu’il y avait des racistes en France mais il y en a tout autant en Côte d’Ivoire, dans les ethnies.
Quel regard portes-tu sur le traitement médiatique des rappeurs ? Booba s’est plaint récemment de l’accueil qu’il a reçu au Grand Journal.
Il y a pas mal d’a priori ancrés chez les gens de la télé et c’est dur de les combattre. Après, Canal+ reste la chaîne qui met le plus le rap en avant. Mais souvent le chroniqueur veut faire son malin quand il y a un rappeur. Je trouve qu’ils se sont comportés de manière caricaturale avec Booba. Moi, je n’ai pas eu à me plaindre, chez Clique et le Before, on m’a bien reçu, c’était cool.
Ton album dégage une certaine noirceur. Malgré le succès, tu penses garder cette mélancolie ?
Même si un jour je nage dans l’opulence, je pense que je resterai comme ça. Mes albums seront toujours un peu sombres. Ça se retrouve dans mes goûts cinématographiques…
Tu regardes quels types de films ?
Même quand ce sont des films d’amour, ce sont des films sombres. J’aime beaucoup Wong Kar-wai, par exemple. In the Mood for Love est l’un de mes films préférés. Cette histoire d’un amour impossible entre deux personnes qui ont chacune un conjoint, je trouve ça ouf. Il y a une sorte de pudeur que je n’aurai jamais dans ma musique. Moi, j’extériorise ça différemment. (rires)
propos recueillis par Maxime de Abreu et David Doucet
Album Or Noir disponible
Tournée en France à partir du 24 janvier
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