Projeté dans 150 salles en France ce jeudi 29 août, le film Iris: A Space Opera renouvelle l’expérience de la captation live et montre Justice comme on ne l’a jamais vu. Interview avec Gaspard Augé, moitié moustachue du duo electro.
Alors que débute le morceau Safe and Sound, on croit voir apparaître un vaisseau spatial. Il s’agit juste des machines des deux membres de Justice, filmés de dessus. Pour mettre un point final à la tournée Woman Worldwide, Gaspard Augé et Xavier de Rosnay ont décidé d’immortaliser l’incroyable scénographie mise en place lors de ces concerts qui ont marqué l’histoire de la musique électronique. Iris, réalisé par André Chémetoff et Armand Béraud, constitue ainsi plus qu’une simple captation, il s’agit d’un film à l’esthétique influencée par la science-fiction (il est sous-titré A Space Opera) qui montre Justice comme on n’a jamais pu le voir, soit en concert mais sans public. Projeté jeudi 29 août dans près de 500 salles dans le monde – 150 en France –, cet objet visuel retranscrit le live de Justice dans un tourbillon de lumières et d’images psychédéliques.
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Quel est le point de départ d’Iris ?
Gaspard Augé : Depuis que l’on donne des concerts, on en a filmé beaucoup mais on n’a sorti aucune de ces captations, elles n’étaient pas satisfaisantes. En réfléchissant, on s’est dit que l’expérience live avec le public est seulement intéressante à vivre, pas à regarder. Quand tu vas à un concert ou à un festival, tu as souvent une vision très morcelée du show soit parce que tu vas acheter une bière au bar ou que tu regardes les gens à côté de toi. La seule façon d’arriver à capter un concert, c’était de se passer de public et de jouer dans un environnement complètement contrôlé, un studio. Ainsi, on pouvait montrer exactement ce que l’on voulait au moment où on le voulait. Autant les disques, on les conçoit de manière assez égoïste, autant dans les concerts, on fait tout pour que les gens passent le meilleur moment possible. Dans le cas d’Iris, il y a eu la volonté égoïste de garder la trace d’un spectacle que l’on estimait valable. Evidemment, on est contents de partager le film avec le plus grand nombre.
Il fallait se couper de l’interaction avec le public pour que l’énergie n’occulte pas tout le reste ?
Il ne s’agissait pas d’enlever l’énergie à tout prix. C’est la symbiose entre la musique que l’on fait et la réaction du public qui rend l’expérience concert intéressante. Pour le film, on a choisi de ne pas avoir de public pour des questions techniques. Dans un festival ou un concert normal, tu n’as qu’une seule chance de capturer les trucs au bon moment. Filmer dans un environnement contrôlé – la Cité du cinéma – nous a donné une flexibilité, l’opportunité de rejouer les morceaux. On a dû refaire le concert près d’une cinquantaine de fois en deux jours.
Qui sont les deux réalisateurs d’Iris ?
André Chémetoff, c’est le chef opérateur de Romain Gavras, il avait déjà travaillé sur le clip de Stress. De l’autre côté, on a Armand Béraud qui est plus dans l’animation et la 3D. Les deux ont amené leur vision dans l’écriture en termes de mise en place dans les caméras, les angles de vue…
Comment la scénographie de la tournée Woman Worldwide avait-t-elle été conçue ?
Ça a vraiment été un travail d’équipe avec l’éclairagiste Vincent Lérisson et notre tour-manager Marc-Emmanuel Mouton. Nous n’avions pas leur expertise technique, on leur disait : “On voudrait ceci, cela” et ils faisaient en sorte de nous trouver des solutions. La plupart des live électroniques montrent un homme-tronc coincé entre deux écrans LED, un devant, un derrière. On trouvait ça un peu pénible et surtout pas très adapté au format des scènes. On n’avait pas envie d’être comme des speakers de télé ! On voulait exploser ce côté contraint en ayant une scénographie très versatile et un peu Transformers, qui pouvait évoluer et ramener de la profondeur.
Quel était votre état d’esprit en jouant en studio sans autre public que l’équipe de tournage ?
D’abord, on a plus de fois joué la musique de nos concerts sans public qu’avec ! A chaque fois que l’on allait en festival, on répétait le show sur un coin de la scène. Il y a eu un long travail de mémorisation. Donc l’anomalie, c’est plus de jouer en public. Pendant les deux jours de tournage, on a essayé d’être très concentré vu que l’on enregistrait aussi la musique. Comme il n’y avait pas de spectateurs, on a décidé de ne pas être super expansifs physiquement – pas que l’on le soit beaucoup, de toute façon. L’idée a été de faire le concert de la manière la plus chirurgicale et sereine possible.
Aviez-vous avant le tournage des références en termes de films musicaux ?
Evidemment, on peut y voir un petit clin d’œil avec le Live à Pompéi de Pink Floyd comme il s’agit du premier film de concert sans public. Après, on adore Pink Floyd mais ça n’a rien à voir. Parce qu’Iris est pour nous une expérience sensorielle, notre film se rapproche plus de Koyaanisqatsi (film expérimental de Godfrey Reggio sorti en 1982, ndlr) même si ce n’est pas du tout la même chose. On aime ce côté un peu psychédélique qui va à l’inverse de nos concerts très épileptiques. Je n’ai pas envie d’employer le mot trippant, mais Il y a quand même cette idée d’un film pour stoner.
Oui, malgré l’énergie inhérente à votre musique, Iris est plutôt contemplatif.
Parce qu’il a été filmé de manière très douce avec des longs travellings. On voulait vraiment éviter le montage à la Taratata avec des cuts dans tous les sens. Pour la façon de filmer, des moments peuvent évoquer des documentaires sur l’espace. Sinon, visuellement, concernant l’esthétique de l’installation, on a été marqué par Blade Runner, Rencontre du 3e type et surtout Alien où tu as des machineries très lentes.
Pourquoi avoir sous-titré Iris: A Space Opera ?
L’idée d’un space opera s’est imposée à nous en raison de cette esthétique rétro-futuriste. Le concert a été filmé sur une surface réfléchissante noire que l’on voulait un petit peu infinie – quelques moments font d’ailleurs penser à Under The Skin, on s’en est rendu compte après coup. Ajouter ce sous-titre titillait l’imagination, on trouvait ça plus fidèle au film et plus sexy comme manière de le présenter. L’intérêt du projet est de proposer une vision complètement différente de ce que les gens ont pu mater en concert, avec des perspectives que tu ne peux pas voir normalement. C’est une sorte d’opéra spatial construit en plusieurs mouvements avec une narration qui n’est pas traditionnelle mais reprend cette idée de crescendo de nos concerts. Après, tu as des espèces de coup de théâtre, les cadres bougent, tournent, il y a des tours de magie que l’on aime bien.
Surprise : dans le film, il y a aussi des vraies séquences spatiales.
Oui, il s’agit de la 3D, des images de synthèse. Ça nous a permis des petites parenthèses, pour ne pas être que dans le concert. Ce sont vraiment les séquences qui nous ont pris le plus de temps : dans l’espace, comme il y a assez peu de gens qui y sont allés, tu ne sais pas vraiment à quoi ça ressemble. Quand on estimait que ce qui se passait visuellement dans le concert était déjà connu, ces séquences dans l’espace permettaient de s’envoler, d’aller dans un autre univers.
Iris constitue-t-elle votre réponse artistique à toutes les captations faites par des spectateurs qui pullulent sur le Net ?
J’y pense depuis plusieurs jours, le côté ultra-démocratique est génial mais on s’est trop habitué à consommer du contenu fait par des “amateurs”, des vidéos en qualité de pourrie avec une image en 250 pixels. Je dis ça sans aucune condescendance et je ne prétends pas qu’on ait plus de légitimité que d’autres. Mais c’est aussi pour ça qu’Iris sort au cinéma et pas tout de suite en streaming. Il faut faire l’effort pour aller le voir.
Iris est-il une grosse production ?
Oui, financièrement et humainement, ça a été assez lourd. C’est pour ça qu’on s’est posé la question : est-ce que ça vaut le coup de dépenser autant d’argent et d’énergie ? Au final, on est content de l’avoir fait.
Propos recueillis par Vincent Brunner
Pour réserver sa place : https://fr.justice-iris.film/
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