Second album de l’ancien Calc, Bordelais prodige à sauver d’urgence de l’anonymat. Critique et écoute.
Qui se cache derrière Julien Pras ? Un songwriter à voix d’archange épris d’Elliott Smith ou un canonnier bruitiste du stoner français ? Les deux mon général ! Un tel cas de schizophrénie s’est rarement présenté à nous, mais il n’est pas utile d’en chercher la cohérence ni les étroits rapports qui pourraient exister d’une cellule à l’autre. Un constat cependant : avec son groupe Mars Red Sky, Pras s’est taillé une jolie réputation sur la scène internationale du psychédélisme cosmique, tandis qu’en solo il a écoulé moins de mille exemplaires de son premier album, le pourtant bouleversant Southern Kind of Slang.
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Une injustice cruelle qu’il est impératif de corriger à l’occasion de ce non moins magnifique Shady Hollow Circus, qui déboule aujourd’hui comme un torrent de beauté nacrée à faire pleurer les roches les plus impassibles. Un disque qui tourne autour du thème du cirque mais laisse surtout la part belle aux illusionnistes et aux colombes qui sortent des chapeaux.
L’ancien chanteur de Calc, qui vit pourtant chichement de son art délicat, déploie ici des moyens qui ont l’air d’appartenir à un autre âge, celui des fastes sixties qui habillaient les albums de Harry Nilsson ou de Curt Boettcher et dont Elliott Smith fut de récente mémoire le plus inspiré des disciples.
Jamais prises en défaut de pastiche, les onze chansons qu’il aligne comme d’autres iraient acheter du pain ont pourtant l’air de tomber des cieux, d’apporter avec elles une définition ultime du mot grâce appliquée à la musique. Qu’elles soient gorgées d’arrangements d’inspiration baroque (Seven More Hours) ou presque dénudées (Ghost Patrol, Here on the Moon), poussées par un choeur évanescent (Angel of Mercy) ou perdues dans un nuage (Daily Battles), elles semblent portées par une foi qui n’a rien d’anodin, par ce mysticisme de la pop majeure qui ne désigne que trop peu d’élus, et dont ce Bordelais semble à l’évidence le plus français d’entre eux. Et pas le moins doué.
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