Toujours aussi fascinante, la Californienne publie son sixième album, “Something in the Room She Moves”, où instrumentation feutrée et minimalisme cohabitent à merveille.
Aucune règle, aucune limite. Les compositions de Julia Holter échappent à tout contrôle. De ses premiers albums officiels, publiés à un rythme effréné au début des années 2010, au plantureux Aviary (2018), la chanteuse et multi-instrumentiste américaine explore sans contrainte une musique expérimentale et idiosyncratique, amalgame de folk, de jazz et de pop de chambre, mêlé à l’écriture de la musique contemporaine et aux procédés à l’œuvre dans la musique concrète.
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Il y a pourtant bien une composante tacite et indéfectible qui ne cesse d’accompagner chacune de ses sorties : derrière l’émerveillement et la sidération immédiate des premières écoutes, les disques de la Californienne impliquent de s’en éloigner pour mieux y revenir, multiplier les allers-retours et prendre le temps de les entendre grandir. Something in the Room She Moves respecte cette dynamique. Il ne demande qu’à infuser pour faire éclore toute sa beauté.
Une forme d’épure propice à de nouvelles expérimentations
Imaginé en 2020 dans un monde confiné, ce nouvel album renoue avec une forme d’épure propice à de nouvelles expérimentations. Contrairement à certains de ses disques qui reposaient dès l’origine sur des œuvres poétiques et concepts définis – la pièce Hippolyte du dramaturge grec Euripide sur Tragedy (2011), Gigi de Colette et son adaptation hollywoodienne en 1958 sur Loud City Song (2013) –, Julia Holter se laisse davantage porter par ses explorations nocturnes, où vient s’imposer un thème hérité d’une maternité récente, vécue en parallèle de la perte de proches. “Ce disque traite de vie et de mort, de tout un processus de transformation du corps. J’ai donc essayé de créer un monde aqueux, évoquant les sons de ce monde corporel intérieur”, résume l’Américaine.
Qu’elles soient minimalistes (le piano-voix These Morning, l’impressionnant Meyou et son chœur polyphonique a cappella, Ocean et ses plages de synthés) ou construites autour d’une instrumentation feutrée faite de claviers, vents, lignes de basse et percussions liquides (le morceau-titre sous influence Kate Bush, le superbe Talking to the Whisper et son finale free à la Sun Ra), les dix chansons de Something in the Room She Moves donnent à entendre une matière organique en perpétuelle floraison. Tel un “bodysnatcher” apparu un jour de pluie qui se développe pour métamorphoser les corps. De quoi en sortir transformé·e.
Something in the Room She Moves (Domino/Sony Music). Sortie le 22 mars.
En concert le 7 avril au festival Variations (Nantes)
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