Judee Sill

Originellement publié en 1971, Judee Sill, l’album, dévoile l’incroyable ampleur expressive de sa chanteuse, son génie sophistiqué et ses dons hypertrophiés de mélodiste et d’arrangeuse. Sorte de McCartney au féminin, Judee Sill s’y révèle capable d’embraser des fétus de chansons, berceuses élégiaques ou airs passablement sucrés, sous un feu ardent d’arrangements impeccablement ordonnés, méticuleusement choisis, menés à la baguette du chef d’orchestre ou travaillés au corps à corps avec piano ou guitare. Ce disque, dont les compositions s’étalent de 69 à 71, évoque ainsi souvent les plus subtiles boiseries des Byrds passées au vernis fruité des Carpenters. Popularisée par les Turtles, sa Lady-O figure même au premier rang de ces merveilles dont on pestait de n’avoir jamais trouvé la trace originelle. Il en va ainsi pour les onze hallucinantes compositions de Judee Sill, d’un bout à l’autre enluminé par un orchestre de chambre docile, lequel n’appuie jamais ses effets mais se limite à un papillonnage élégant de hautbois et de flûtiaux sur un nuage de cordes et d’oxygène, cadencé par des gâteries d’arpèges suspendus et un aréopage de voix séraphines. Deux ans plus tard voyait le jour Heart food, second disque plus rêche que son prédécesseur, plus country-folk aussi, même si y subsistent quelques fresques orchestrées, dont un grandiose requiem final de neuf minutes intitulé The Donor. Ainsi rééditée, Judee Sill peut aujourd’hui légitimement prétendre à cette postérité qui l’a jusqu’ici snobée. On veut même croire que le genre de ferveur qui accompagna la redécouverte de Nick Drake peut aujourd’hui recommencer à vibrer pour elle.

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