JP Nataf, l’ancien chanteur des Innocents, sort de l’ombre et dévoile un album à la beauté fulgurante, invitant au passage une poignée d’amis. En écoute intégrale ici.
Que les choses soient écrites d’emblée, tant pis si la pirouette est facile : d’offrir sa plus élégante fulgurance musicale au songwriting français cet automne, JP Nataf est magnifiquement coupable. Cinq ans ont passé depuis Plus de sucre – un quinquennat durant lequel l’ex-Innocents n’a pas pour autant musardé : participant, avec Helena Noguerra, Barbara Carlotti ou Philippe Katerine, à la comédie musicale Imbécile, Nataf a également prêté sa plume à Hubert-Félix Thiéfaine et collaboré avec Holden. “Ces dix ans depuis la fin du groupe ont vraiment été comme une nouvelle vie, et ça ne veut pas dire que ça n’a pas compté avant, au contraire. D’autant plus que j’ai fait ce nouveau disque avec Jean-Chri (Jean-Christophe Urbain, ex- Innocents – ndlr). Tous les deux, on sait à quel point on a eu une chance dingue. Quand je repense aux Innocents, il n’y a pas une once d’amertume, on en a profité jusqu’à la dernière goutte. J’ai mis longtemps à comprendre que tout ce qu’on nous reprochait était une force. Etre entre deux, entre rock et variété. On n’était nulle part mais notre musique aujourd’hui est encore quelque part.”
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Atypique parcours en effet que celui de Nataf : gravitant au sein de la scène musicale française depuis le début des eighties, hissé à la cime des charts au bout de dix ans, à une époque où les disques se vendaient par centaines de milliers (Fous à lier en 1992 et Post-partum en 1995), Nataf, depuis la séparation de son groupe, évolue dans l’ombre. Ce retour à la discrétion aura ainsi poussé le songwriter à faire ses preuves à nouveau, lui offrant en outre une liberté inédite dans la démarche. “Le déclic c’est quand Jean-Chri a quitté Les Innocents. Dans le groupe, pour schématiser, il était celui qui pisse la musique spontanément. J’ai vécu la grande aventure de ma vie à côté d’un mec qui avait une espèce de facilité déconcertante. Alors je me disais que pour être à la hauteur, il fallait que je travaille comme un dingue. Quand il est parti, je me suis senti quitté, en désamour, abandonné. Ce qui est marrant c’est que très vite, j’ai voulu non pas le remplacer par quelqu’un d’autre, mais avec la partie de moi qui pouvait le faire. J’ai commencé à faire du picking, à chanter plus aigu, à trouver une voix plus féminine en moi. C’était inconscient bien sûr.”
Inconscientes également, les nouvelles influences que laisse deviner aujourd’hui Nataf, notamment sur le fantastique morceau éponyme de l’album : Clair ressemble à l’improbable rencontre entre la voix éminente de Polnareff, le sens mélodique de John Lennon période Woman et l’orgue d’église langoureux du Whiter Shade of Pale de Procol Harum. Résultat : un titre à la beauté désarmante, qui s’offre une place de luxe sur le podium des chansons de l’année en quatre minutes à peine. On en comptera deux fois plus sur Seul Alone, chef-d’oeuvre bavard du disque situé en son milieu : composé de huit couplets, durant près de dix minutes, il est à la fois la colonne vertébrale, la charpente et le coeur de l’album.
[attachment id=298]“Au départ, je n’avais pas la prétention de faire un titre de dix minutes. J’adore Hurricane de Dylan, j’adore la musique de Mahmoud Ahmed et j’adore l’idée de faire des morceaux aussi longs, mais je trouve ça prétentieux de faire ça tout seul. Ce morceau dit quelque chose sur ma façon de travailler : quand je trouve un riff de guitare, je peux le jouer trois heures sans m’ennuyer. Je l’ai écrit à un moment où je travaillais seul sur une falaise. Je devais croiser deux ou trois personnes qui promenaient leur chien sur la plage chaque jour. C’était à Saint-Aubin-sur- Mer, pas loin de Dieppe, un petit village en plein hiver. Ça caillait, donc je ne sortais pas beaucoup. Mais je n’arrivais pas à finir une seule chanson et surtout je n’arrivais pas à enregistrer. Sur Seul Alone, j’ai vraiment lâché prise. Le fait d’écrire en prose et de multiplier les couplets m’a permis de m’affranchir de la dictature de la mélodie, du format.”
Une insoumission qui résume brillamment la beauté de Clair, album-patchwork aux multiples facettes, sur lequel on pensera parfois au minimalisme bricolo de Damon Albarn (Monkey), au songwriting discret d’Yves Simon (Après toi) – autant de titres à la mine légère mais qui laissent deviner de longues heures d’ouvrage, un vrai travail d’orfèvre. “Je n’ai jamais l’impression de travailler. Avant, j’avais un complexe par rapport à mes amis qui avaient de vrais jobs, des horaires. De mon côté, c’était presque une gêne, l’impression d’avoir échappé à toutes les contraintes. Je pense même que je me suis fait réformer du service militaire parce que j’avais un groupe. Je vois ça comme les mômes qui sont dans des jeux de rôle : ne pas vouloir sortir de sa bulle, ne pas vouloir grandir, jusqu’à 30 ans échanger des disques, chercher des faces B introuvables… Ce sont quand même des trucs un peu futiles par rapport au reste du monde.” Futiles mais jamais superflus : Clair sera même essentiel pour sauver l’automne.
Album : Clair (Tôt ou tard)
Concerts : les 20 & 21/11 à Lyon, le 23/11 à Paris (Boule Noire), le 28 à Lens, le 30 à Paris (Boule Noire), le 3/12 à Metz, le 12 à Lignières, le 18 à Nantes, le 15/1 à Meaux
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