En solo ou avec Palace, Will Oldham ne sait faire qu’une chose : le bien beau. Il se porte ici avec distinction et volupté. L’homme des hautes peines est de retour. La vie du chroniqueur adoptant parfois un peu trop l’allure d’un fleuve tranquille, on va s’efforcer de se la compliquer un peu dans l’espoir […]
En solo ou avec Palace, Will Oldham ne sait faire qu’une chose : le bien beau. Il se porte ici avec distinction et volupté.
L’homme des hautes peines est de retour. La vie du chroniqueur adoptant parfois un peu trop l’allure d’un fleuve tranquille, on va s’efforcer de se la compliquer un peu dans l’espoir fatalement illusoire d’être à la hauteur d’un événement pareil. Ainsi, on s’astreindra au respect de quelques impératifs draconiens : ne pas piocher dans la malle aux superlatifs qui, en présence de Will Oldham, régressent d’ailleurs au statut de pléonasmes ; se constituer une liste noire de vocables prohibés car toquant de manière trop insistante au cerveau : essentiel, lumineux, indispensable. C’est la moindre des prévenances à l’égard d’un auteur-compositeur avec qui l’on a atteint des altitudes que l’on n’avait auparavant soupçonnées que chez Nick Drake et à qui l’on doit tant et tant d’émotions depuis le fondamental There’s no one what will take care of you que la simple perspective d’en faire la comptabilité fatigue déjà. En tout état de cause (gagnée d’avance), notre sort demeure mille fois plus enviable que celui d’éventuels pinailleurs. Franchement, qui aura assez de temps à perdre pour traquer à la loupe d’hypothétiques négligences ou chutes de tension aura intérêt à se coucher de bonne heure et longtemps de préférence. Car, fidèle aux riches habitudes de la maison qui, jusqu’à maintenant, ne s’appelait pas Palace pour rien, à l’intérieur de Joya tout n’est que luxe, calme et volupté.
Ce sixième album regorge de motifs d’enthousiasme, enfilant les perles avec une distinction rare, qui laisse pantois et presque incrédule. Et ce n’est pas Will Oldham qui va nous aider à percer le mystère de ses chavirantes créations. Tout juste concède-t-il une information : God has given me no gift, nous voilà bien avancés, tiens. Après la radicalisation d’Arise therefore, le grand Will est revenu, pour cet enchanteur Joya, à une architecture plus classique (des semblants de refrains réapparaissent même), s’adjoignant les services de trois musiciens lestes et précis, dont le frémissant batteur David Pajo (l’un des membres du cartel de Louisville, entendu chez Slint) qui succède à la boîte à rythmes malade du précédent disque et agrémente de son jeu aérien des chansons fébriles et infiniment pénétrantes. On citera en priorité l’étincelante quinte formée par O let it be, Antagonism, Rider, Bolden boke boy et Idea and deed. Dans la lignée des résolutions énoncées plus haut, on s’était pourtant promis d’essayer de résister le plus longtemps possible mais dès qu’apparaît cette voix tremblante, adorable entre toutes, l’on mesure l’inanité d’un tel défi et l’on rend bien volontiers les armes. Ne reste plus alors qu’à constater l’évidence : comme ses prédécesseurs, Joya est un album lumineux, essentiel, en un mot : indispensable. Et merde.
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