Le Printemps de Cahors réunit deux éléments jugés inconciliables : le grand public et une création contemporaine exigeante.
Du monde plein les rues et les salles d’expo, des installations réalisées en pleine ville, des parcours lumineux conçus par Jean Lelièvre ou par l’architecte Sylvain Dubuisson, la venue dansante de Loïc Touzé ou du Bal Moderne, une soirée Mix avec les DJ’s de la scène toulousaine : vu de loin, le Printemps de Cahors ressemble à tout sauf à une manifestation d’art contemporain. Mais voilà, ça existe pour la huitième édition, ça draine en deux semaines plus de 100 000 personnes chaque année et ça sonne comme une preuve : contre ceux qui prétendent que la création contemporaine est inaccessible, ennuyeuse et élitiste, et contre ceux, les pires, qui préféreraient négliger le grand public et nous laisser entre nous, le Printemps de Cahors est une véritable claque, la preuve que l’on peut faire une manifestation d’art contemporain ouverte, ludique, et pour autant sans concession, populaire sans populisme.
Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’oeil sur le programme pour se rendre compte du sérieux de l’entreprise : élaboré par le critique d’art Jérôme Sans, le thème choisi cette année est la sphère de l’intime. On y verra donc les journaux intimes et photographiques de Nan Goldin, Araki ou Annelies Strba, l’album familial de Richard Billingham, mais aussi les vidéos intimes de Sadie Benning, Rodney Graham ou Rebecca Bournigault, les Post-it sur lesquels Serge Comte imprime son portrait en super-héros, un dispositif voyeuriste de Noritoshi Hirakawa, et j’en passe (dont plusieurs photos inédites de Sophie Calle, extraites de la série L’Hôtel ).
Avec Wim Wenders en invité d’honneur et une programmation de films (Jonas Mekas, Larry Clark, Dominique Cabrera…), le Printemps de Cahors montre surtout son ouverture d’esprit : consacré initialement à la photographie, il s’est très vite attaché à en ouvrir le spectre, à confronter photographie « pure » (si elle existe), « plasticienne » et autres images (cinéma, vidéo, installation…).
A l’inverse, la prochaine édition du Festival d’Arles, qui avait pourtant essayé l’an dernier de s’ouvrir à une conception élargie de la pratique photographique, se resserre sur une photographie comprise comme l’enregistrement du réel et la définition d’un « nouveau paysage humain ». On reste dans les limites du genre, et on ne remet surtout pas en question le médium photographique : dans ses plus mauvais moments, le Festival d’Arles ressemble à un pèlerinage fréquenté par les dévots de la stricte photographie, par les ultra-orthodoxes du cadre et de la pellicule. Pour voir vraiment ce « nouveau paysage humain » dans toute sa « nouveauté », pour en avoir une vue réellement panoramique, cette année il faudra donc aller à Cahors.