I tried to be the Fred Astaire of words.?Et pourquoi pas l’Orson Welles du refrain, le Platon de la pop-song, le Proust de la chanson ?Paddy McAloon est catalogué doux et brave illuminé depuis qu’il a donné la raison de sa venue sur terre : la quête du Graal de la mélodie, tout à la […]
I tried to be the Fred Astaire of words.?
Et pourquoi pas l’Orson Welles du refrain, le Platon de la pop-song, le Proust de la chanson ?
Paddy McAloon est catalogué doux et brave illuminé depuis qu’il a donné la raison de sa venue sur terre : la quête du Graal de la mélodie, tout à la fois insaisissable ? trop haut ? et à portée de main ? vulgairement pop. Pour désamorcer l’accusation de prétention, il joue le modeste : Pourquoi m a-t-on désigné, moi, humble artisan de chansonnettes, pour une tâche aussi noble ?? Se persuadant, du même coup, d’avoir été choisi.
La mission, si tu l’acceptes, n’est pas une partie de plaisir : danger ? des aventuriers tels Brian Wilson ou Phil Spector s’y sont grillé les neurones ? et frustration ? plus tu en approcheras, plus la délivrance s’éloignera ? t’attendent à chaque étape.? McAloon se préserve alors du danger en restant dans sa saine bulle du nord de l’Angleterre mais s’offre, avec un plaisir masochiste, à la frustration inévitable. Swoon, texture nauséeuse, en faisait trop, beaucoup trop chochotte. Protest songs, paupérisme sous prétexte de simplicité, jouait hors concours. From Langley Park to Memphis, mécanique aux huiles luisantes, regardait la chanson en abstraction.
Et Steve McQueen, toute la gamme des bleus, ne cédait qu’à deux doigts de l’invisible sommet.
La frustration, c’est obligé. Elle aurait vite pu se transformer en amertume, voire en cynisme, chez un type doué de savoir-faire, cultivé comme un dictionnaire, qui d’Abba à Cole Porter connaît par cœur la carte pop. Mais à force de persévérance aveugle, McAloon a su séduire le miracle. Frais d’esprit comme un enfant suspendu, regorgeant de sève et d’innocence, il se lance avec les clés et les pouvoirs de Merlin l’Enchanteur dans Jordan : the comeback. Il en fera ce qu’il voudra. L’absolu tant couru ? La totale ? D’accord. Donc l’album rêvé, immédiat et insidieux, travaillé et primaire, sérieusement ridicule, où il se retourne sur un temps et un espace fabriqués de toutes pièces. Entre Ibiza et Harlem, sur un boléro avec bruits de sabots, un Elvis déguisé en Jesse James tombe amoureux d’Agneta Falkstog. Des mots clés (Atlantis, come-back, rollmo, king…) et des noms propres utilisés comme chair à fantasmes. Son monde est édredon, incapable de sentiments négatifs ou de la moindre perversité : il serait vite niais s’il n’était aussi clairement intelligent. A l’intérieur, la musique de Prefab Sprout a maintenant fait le vide. Reprenant les choses où les avait laissées Steve McQueen pour les élever plus haut encore, il a ôté la glue et les assaisonnements pour la laisser balayée, étonnamment transparente et desserrée. Jamais la production ? pourtant omniprésente et déterminante ici ? ne s’est, pour faciliter le règne de la mélodie et de sa cour, mise au service de la chanson avec un tel dévouement. L’aboutissement d’une musique d’une autre cuisine, une musique qui n’a pas le sexe affiché sur la figure, pourtant fatalement sensuelle. Si McAloon se rend compte du pouvoir de cet album, il doit maintenant s’en sentir dépossédé : seul un type sur un nuage olympien a pu laisser sortir un truc pareil. Tu peux bomber le torse, Paddy, tu y étais.
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Archives du n°25 (sept.90)
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