Un chef-d’oeuvre de pop contemplative et apaisante,
par un Anglais à voix de diable. Critique et écoute.
Depuis plus d’un an, son single Tomorrow est la BO rassurante des aubes qui traînent, qui hésitent, qui narguent. Une chanson absolument merveilleuse, qui suspend le temps et le tempo, égrenée d’abord en une musique de chambre tragique, puis en un folk spatial aux contours usés comme du bois flotté, avant d’être tendrement malmenée par un de ces beats dans le cirage qu’affectionnent Burial ou James Blake.
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En version écourtée malheureusement, Tomorrow reste un des sommets de ce premier album qui affectionne les altitudes : genre d’electro unplugged, cette musique contemplative chuchote des bienfaits au système nerveux. Elle lui ordonne le recueillement, mais sans décorum couillon d’encens, bougies ou caillasses d’Islande, suggérant un genre de pop songeuse, jamais boudeuse, à peine perturbée de basses en volutes, de beats amples et libres.
“It’s a wonderful life”, susurre d’ailleurs, avec culot et volupté, une reprise très réussie du miniclassique du groupe Black : et on approuve, en dodelinant comme un koala sous tranquillisants, se disant que sous ses airs de designer sonique surdoué, McCleery est aussi un prodigieux songwriter de peu de choses, maestro des silences et des soupirs. Sa voix fait également merveille sur ces textures flottantes, d’une majesté qui renvoie beaucoup d’apprentis crooners et pseudo-chanteurs cascadeurs à leurs albums ostensiblement rangés et à peine écoutés de Nina Simone, Gil Scott- Heron ou Jeff Buckley.
Une voix pareille, qui redéfinit la soul sans la moindre frime, sans la moindre volonté de le faire sans doute, peut même se permettre de chanter sur trois fois rien, sur des nappes évasives, des accalmies entre mer d’huile et sombres tourbillons. Elle accepte le désordre, l’inconnu, s’y laisse emporter, caresser, malaxer : le chant de McCleery atteint ainsi un détachement, une jubilation, une gravité ou une légèreté qui font de There Is une expérience rare et intense. Typiquement le genre d’album impossible à découper à la tranche sur iTunes, tant chaque chanson achève les desseins de la précédente, anticipe les désirs et besoins de la suivante, en un plan-séquence vertigineux.
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