Le producteur américain, à nouveau en solitaire, célébre les disparus qui l’ont inspiré avec le libérateur “For Who the Bell Tolls For”.
Jonathan Rado est de ces artistes qui carburent à l’instinct. Et peu importe qu’il opère en solitaire, à quatre mains avec Sam France au sein de Foxygen ou pour les autres : ses faits et gestes en portent toujours la marque.
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Se lancer dans un premier album solo branlant à la limite de l’audible (Law and Order, 2013), alors que son groupe vient tout juste d’être couvert d’éloges grâce à l’excellent We Are the 21st Century Ambassadors of Peace & Magic (2013) ? Banco ! Reprendre dans son coin l’intégralité du Born to Run de Bruce Springsteen pour le plaisir ? Vendu ! Enregistrer et produire les disques de Weyes Blood, The Lemon Twigs ou Father John Misty sans ouvrir le mode d’emploi d’un multipistes à bandes ? Et comment !
Richard Swift, l’éternel mentor
Si cette propension au laisser-aller intuitif n’a eu de cesse d’orienter la créativité du musicien échevelé, elle résulte en grande partie de l’héritage laissé par Richard Swift, chantre du DIY à qui l’on doit entre autres la production des premiers LP de Foxygen et figure de l’ombre de l’indie américain, décédé en 2018 à l’âge de 41 ans.
Jonathan Rado l’a toujours revendiqué : “Swift est mon héros, mon père musical. Il m’a tout appris.” Mais alors, comment traduire en musique une telle perte, tout en évitant les écueils que la démarche pourrait susciter, qui plus est lorsque, à la mort du mentor, s’ajoute celle d’un autre proche à quelques mois d’intervalle ?
Laisser le flux de sa conscience agir sur la construction des chansons
Ni véritable disque hommage, ni totalement album de deuil, For Who the Bell Tolls For apporte une réponse simple qui sonne comme une célébration. Plutôt que de trop rationaliser, Jonathan Rado préfère laisser le flux de sa conscience agir sur la construction des chansons, élaborées au long cours depuis 2018 autour de chutes de sessions d’enregistrement entre ami·es.
Il en ressort une certaine liberté musicale, bricolée et bien produite, qui permet au Californien d’entretenir ses traditionnelles références seventies, de maîtriser sa voix et d’expérimenter comme nulle part ailleurs en s’inspirant surtout d’Another Green World de Brian Eno. Entre commémoration collective (l’introductif For Who the Bell Tolls For), groove azimuté (Blue Moon, Farther Away) et élégie ambient (Yer Funeral), la magie de l’instant se confond avec celle de l’instinct.
For Who the Bell Tolls For (Western Vinyl/Modulor). Sortie le 1er décembre.
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