Depuis 1960, Johnny Hallyday hante les scènes parisiennes en s’offrant une “rentrée” en moyenne tous les deux ans. A la louche, le compte est vite fait : 55 ans de scène, 25 come-backs. Dix apparitions sont gravées dans le marbre. TEXTE Jean-François Brieu
L’adieu aux armes
Olympia, 6 février – 15 mars 1964{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Jamais la galaxie des copains ne sera aussi puissante que cette année-là. L’organe de la secte, une revue nommée SLC, tutoie chaque mois le million d’exemplaires. Les Beatles posent leurs valises à l’Olympia en janvier, les Rolling Stones débarquent en octobre. Johnny se glisse entre ces deux tsunamis, mais le cœur n’y est pas. Le ministère des Armées a décidé de gâcher la fête. L’idole Hallyday devra troquer prochainement son costume de dieu du rock descendu sur terre pour l’uniforme moins seyant du deuxième classe Jean-Philippe Smet. Ce passage par la case service militaire est alors un rituel imposé à la jeunesse de France. Avant de partir, on est un gosse. Au retour, on est un homme : on fume, on se marie, on fait des gosses. Johnny H. partage ainsi le sort de la majorité des ados.
Pour ce troisième Olympia de sa carrière (après 1961 et 1962), il se produit sur scène avec cette hypothèse du malheur collée à ses basques. Son répertoire est résolument soul, une première en France. Il chante Johnny “Guitar” Watson (Excuse-moi partenaire), il reprend les Isley Brothers en VO (Shout), Little Richard (C’est fini Miss Molly), Chuck Berry (Rien que huit jours) et Ray Charles (I Got a Woman). Ce répertoire résolument noir traduit intensément son propre état d’esprit : il va falloir tout abandonner, partir en Allemagne, alors que tant d’autres rêvent de s’installer à sa place sur le trône. Le soir de la dernière, en jean, il se donne corps et âme au rhythm and blues, le visage couvert d’eau. Sueur ou larmes ? Les deux, mon capitaine.
Avec Hendrix
Olympia, 18 octobre 1966
Le temps est à l’orage. Il faut absolument réagir. Depuis le retour du service militaire, les choses sont difficiles. Les ventes de disques atteignent des niveaux confortables, mais rien de comparable avec les chiffres impressionnants que l’idole enregistrait avant guerre… Pardon, avant ce satané service. Et il faut bien reconnaître qu’en tournée les salles sont à moitié vides. La journée du 10 septembre 1966 est épouvantable. On attend le rockeur à la Fête de l’Huma. Lui est hagard dans sa salle de bains : il pisse le sang, il s’est ouvert les veines.
Trois semaines plus tard, maigre et pâle, souvent assis et toujours silencieux, il est à Londres pour finir d’enregistrer La Génération perdue, son nouveau 33t. Un soir, dans un club de la ville, il assiste à un bœuf donné par un grand Black nommé Jimi Hendrix. Il l’invite à sa table. Les deux J. H. sympathisent. Johnny invite le voodoo child à Paris. Les voilà ensemble en tournée, ils fument la clope, ils se couchent à 6 heures du matin, ils draguent les filles.
Le 18 octobre, pour un seul soir à l’Olympia, Hendrix ouvre pour un Hallyday tendu comme un arc : il joue sa carrière, et il le sait. Vers 22 heures, on lâche le fauve. Le Français prend tous les risques : la moitié du répertoire est inconnue du public. Mais on s’en fout. Hallyday fait rentrer au forceps cette musique empruntée aux Beatles (Je veux te graver dans ma vie), à Wilson Pickett (Jusqu’à minuit), à Bob Dylan (Maintenant ou jamais), dans le crâne de ses fans, à genoux devant eux, les bras battant l’air comme quelqu’un qui se noie. Le lendemain, la presse prend acte de ce à quoi elle a assisté : on sait maintenant qui est le chef.
Psychédélique
Palais des Sports, 26 avril – 4 mai 1969
Hallyday déteste qu’on le cherche. Il déteste lire dans les journaux qu’à Londres, dans un club nommé l’UFO par exemple, des types nommés Pink Floyd, Pretty Things ou encore Tomorrow font prendre le sol pour le plafond à des mods décalqués, entassés dans la salle. Il déteste cette histoire de festival de Monterey où Hendrix a fait flamber sa guitare comme un plat de gambas arrosées au whisky. Il médite son coup pendant deux ans. Le 26 avril, il est en mesure de présenter la note. Ce sera un show érigé sur une scène en métal, dans un Palais des Sports (PDS) bourré d’encens, de confettis, de fleurs et même de pop-corn. Sur scène, on a installé deux énormes sphères, deux montgolfières dont les courbes vont déformer, pendant deux heures, les images projetées depuis la salle. Le PDS 69, c’est vraiment la totale. Hippies à poil, stroboscopes, habits de fakir, mélopées indiennes…C’est l’Homme qui marche sur la Lune et c’est Woodstock avec quelques semaines d’avance.
des Sports, 1969 © Jean-Pierre Bonnotte/Gamma-Rapho
Johnny fait irruption tout en noir, guitare blanche. Pour cette entrée en matière, il a une botte secrète, une chanson appelée A tout casser dont le thème est emprunté au Purple Haze d’Hendrix. Sur sa scène en aluminium, le père Hallyday n’est pas pressé. Joue à ses côtés un guitariste nommé Mick Jones. A eux deux, ils font monter la sauce pendant que les projecteurs tourbillonnent. On est tout en larsen, en freak out, en sons distordus. Dans la salle, on en voit qui se bouchent les oreilles. Et puis ça part : Rivière… ouvre ton lit, Mal, Voyage au pays des vivants, Je suis né dans la rue. Alerté par ce barouf, Mick Jagger débarque à Paris pour assister au show. Il aime cette “bayte de scine”, comme il dit dans son français approximatif. Johnny, lui, tente de survivre. On n’a pas mesuré qu’une scène en métal est une vraie patinoire pour l’électricité. Chaque soir, le rockeur se prend du 220 volts par la grâce de son micro. Il l’a voulu. Il encaisse.
En marche arrière
Palais des Sports, 28 septembre – 31 octobre 1976
C’est un fait, le rock a horreur du vide. Après le grand ménage de l’année 1970 (mort de Hendrix, de Joplin, séparation des Beatles), il a tout bonnement construit autre chose. Dans ces tendances nouvelles, il y a à boire et à manger. Il y a Bowie, mais il y a Genesis. Il y a Patti Smith, mais il y a Emerson, Lake And Palmer. Bref, la pop a besoin d’une bonne purge. La potion passe par un solide retour aux sources. Le pub rock anglais reprend à la base l’histoire des Animals, des Small Faces. Et les Américains du CBGB tendent la main au Velvet. Les Frenchies ne sont pas épargnés par ce mouvement planétaire. Dont acte.
Johnny Hallyday, qui n’a pas mis les pieds durablement sur une scène à Paris depuis 1971 (la diète la plus importante de sa carrière), décide, lui aussi, de relire à sa manière ses anciennes tendres années. Le show s’appelle Story. On va donc raconter une histoire. Une histoire de retour en arrière, un peu comme dans Le Parrain, 2e partie (six oscars en 1975), le film de Coppola qui, après avoir raconté la Mafia aujourd’hui, raconte celle d’hier. Johnny Hallyday aujourd’hui qui résume celui d’hier, ça commence par une salle plongée dans le noir et par une chanson belle, triste et naïve ; une chanson de 1963 ; une chanson du temps de la splendeur de Phil Spector, le producteur fou : Da Dou Ron Ron. “Quand l’amour s’en va/Que tout est fini…”
Un show qui commence en disant que c’est fini. Tout Hallyday est là-dedans. Puis les années défilent : Elle est terrible (1962), hommage à Eddie Cochran mort en 1960 ; L’Idole des jeunes (1962), hommage à Ricky Nelson décédé en 1985 dans un crash ; Hey Joe (1967), hommage fraternel au pote Jimi H. qui se serait étouffé dans son vomi. On dit toujours d’Hallyday que ses textes sont transparents. On n’écoute pas ce qu’il dit. On n’écoute pas son éternel spleen adolescent. Hallyday chante la solitude depuis qu’il a 17 ans. Comme Piaf chantait les amours impossibles. Ces deux-là sont le miroir l’un de l’autre.
La guerre des étoiles
Pavillon de Paris, 18 octobre – 25 novembre 1979
Repose en paix. Amen. En 1977, le cinéma d’auteur, le cinéma art et essai comme on dit, le cinéma de la Cinémathèque, se prend une grosse balle dans la tête. Le Hollywood, qui a défouraillé, est pris en main par une nouvelle génération de petits génies nommés George Lucas ou Steven Spielberg. Le missile de l’année s’appelle La Guerre des étoiles, Star Wars pour les amateurs de VO. C’est désormais le cinéma du samedi soir qui est le cinéma de référence. Voilà qui fait les affaires de Jean-Philippe Smet, ce cinéphile compulsif qui erre, de nuit blanche en nuit blanche, dans sa salle de projection personnelle où il visionne en boucle des westerns coréens, des films d’horreur malgaches ou des polars iraniens.
Et quand il s’agit de remonter sur scène, une fois de plus, à Paris, la leçon n’est pas perdue pour tout le monde. Le show sera technologique, bricolo, dément, foutraque, rigolo et formidablement cinéma bis. D’abord, l’idole fait un caprice. Il n’y a pas de scène en Ile-de-France qui corresponde à son délire. Qu’à cela ne tienne. L’équipe de production déniche une halle pourrie baptisée Pavillon de Paris. On va la vider de ses boyaux, aménager des estrades, défoncer les rues avoisinantes pour faire passer les câbles, éventrer les murs d’enceinte pour faciliter l’accès aux camions. Le soir de la première, c’est le grand n’importe quoi. La scène est censée pivoter pour livrer l’orchestre au regard du public, mais le mécanisme se bloque.
On entend les cuivres mais le son est celui d’une trompette bouchée. Et le matériel chauffe tellement en coulisses que des nappes d’eau se forment, fruits indésirables de la condensation. Il faut créer en urgence un poste d’écopeur, nouveau métier qui consiste à s’emparer d’un seau et à virer la flotte pour éviter que le dispositif n’explose dans un feu d’artifice. Car ce type d’installation n’a pas d’équivalent en Europe. La salle et la scène dialoguent à travers des rayons laser qui percutent la combinaison spatiale de l’idole. Johnny chante : “Quoi, ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?” Quand on l’interroge sur cette débauche de technologie, le rockeur arbore un sourire d’enfant : “On se marre bien. C’est pas ça l’important ?”
https://www.youtube.com/watch?v=rwJw0QbnEko
Le coup de poing
Zénith, 25 octobre 1984 – 2 février 1985
Ça commence mal. Le soir de la première, une grève des agents d’EDF renvoie tout le monde à la maison. Johnny Hallyday et son producteur, Pierre Billon, ont décidé de dilater le temps et voilà que le temps se rétrécit pour cause de grogne sociale. Dilater le temps, ça veut dire s’installer à Paris pendant plus de trois mois, faire le pari de remplir tous les soirs un Zénith flambant neuf et d’offrir au public un show fleuve de trois heures. Une fois de plus, la réalité va avoir du mal à coller aux bosses du rêve. D’autant plus que la capitale connaît un des hivers les plus rigoureux des deux dernières décennies. Du coup, on a du mal à remplir. Quand on entre dans la salle, on voit des draps censés masquer les sièges qui n’ont pas trouvé preneur.
Mais Johnny H. s’est engagé sur un show de 3 heures et il livre cash, chaque soir, un show de 3 heures, parce qu’on ne remet jamais en cause une décision qu’on a prise. Sauf qu’il finit par arriver ce qui devait arriver : le 8 janvier 1985, le chanteur se donne à fond, torse nu, comme d’habitude, et soudain, il regarde à droite, à gauche, comme perdu, et s’effondre. Direction l’hôpital. Fin de partie, avant résurrection pour quelques dates ultimes et une dernière d’anthologie, début février.
Son show, c’est la VF du “toujours plus” en vogue dans les 80’s. L’idole se met en place, en coulisses, et aspire un grand bol d’air. Il s’installe dans un poing noir, synthétique, trois fois grand comme lui. Le poing se retourne et fonce vers le public. Johnny H. est donc la tête en bas, une dizaine de mètres au-dessus de la scène, et il se trouve que ce rockeur insubmersible est connu pour avoir le vertige. Mais bon, passons. Il ressuscite quand le poing s’ouvre, après s’être remis dans le bon sens. Le show s’achève sur un hommage à Elvis, à Jerry Lee Lewis, à Chuck Berry, à Little Richard. Ceux qui pensent que Johnny Hallyday est une girouette musicale qui tourne avec le vent de la mode devraient se renseigner avant de dire des bêtises.
Avec Tennessee
Bercy, 15 septembre – 4 octobre 1987
Johnny adore les nouvelles structures. Le voici donc visitant la salle dont tout le monde parle, qu’on appelle “Bercy” et qu’on a curieusement soustraite à la vue des curieux en la recouvrant de gazon. Il regarde, il renifle et la sentence tombe : pas mal, mais calibré petit bras pour Johnny. On appelle alors au secours les as du BTP et on fait péter les accès pour que M. Hallyday puisse acheminer les éléments de son décor. Pourtant, pour ce premier Bercy de sa carrière, il s’est un peu calmé. Il a confié les clés de la mise en scène au très réfléchi Michel Berger dont la première décision est de ficher toute l’ancienne équipe à la porte et d’ouvrir le guichet de recrutement. La constitution du groupe est confiée à la discrétion du meilleur directeur d’orchestre sur la place de Paris : l’ex-Magma Jannick Top, un géant mystique et chaleureux dont la culture musicale va du jazz au music-hall, de la musique dodécaphonique aux chants rituels amérindiens.
Berger, lui, planche sur un show en noir et blanc, quelque chose qui ira bien aux nouvelles chansons qui, une fois de plus, ont ramené Johnny Hallyday au premier plan : Je te promets, L’Envie, Laura, Le Chanteur abandonné, J’oublierai ton nom, Quelque chose de Tennessee… Tous des titres extraits de deux albums qui ont dominé la production française des trois dernières années : Rock’n’roll attitude (signé Berger) et Gang (signé Goldman). Le show est d’une infinie grâce, de l’ouverture (un Hallyday en noir, offert en majesté devant un piano et bordé par d’immenses colonnes de lumière blanche) à la conclusion (un Tennessee livré comme une complainte, dans une lumière mauve irréelle). Le morceau de bravoure, c’est L’Envie : deux guitares qui se font la courte échelle et un chanteur qui disparaît sous un immense arc de pluie, un brumisateur géant et ces mots, “Qu’on me donne l’envie de vivre et le désir/Et le plaisir aussi.” L’absence de désir, cet état supérieur de la frustration, carburant éternel et paradoxal de Jean-Philippe Smet.
Bon anniversaire, Johnny !
Parc des Princes, 18, 19 et 20 juin 1993
Depuis le temps qu’il fait le siège de la préfecture de police, voilà enfin qu’il obtient satisfaction. Pour ses 50 ans, Johnny Hallyday arrache l’autorisation de faire plein de bruit au Parc des Princes, trois soirs de suite. Il se passe à ce moment-là quelque chose qui dépasse l’imagination. Les médias s’avisent que le show doit être travesti en date historique. C’est beaucoup pour un concert de rock, ce n’est quand même pas de Gaulle remontant les Champs-Elysées en 1944. Mais comme disait Brassens, “Faites semblant de croire et bientôt vous croirez.” Les kiosques croulent sous les numéros spéciaux des magazines, sous les cahiers détachables des quotidiens, Canal+ invente le concept de Nuit Hallyday et les radios rivalisent de flashs-heure-par-heure pour couvrir l’événement.
Johnny, lui, se la joue faux modeste et se cale sur l’entrée en scène la plus aléatoire de sa carrière : se rendre tranquillos, par un itinéraire discret, au fond de la structure, et remonter la foule avec l’air de celui qui va aux champignons, en partageant en deux 60 000 personnes entassées comme des sardines sous un soleil de plomb. L’entrée en question oscillera de droite à gauche, frisant l’émeute à chaque pas, la chute à chaque cheville tordue, et finira par rejoindre le premier rang pour s’apercevoir qu’on a dérivé de trente mètres à droite de la scène.
Et donc, l’orchestre est prié de remouliner l’intro en attendant que le roi de la fête se mette au boulot. Il est maintenant temps de passer aux choses sérieuses : trois heures et demie de spectacle, des cascadeurs, des chiens, des invités, des motards, une voiture, une réplique du Golden Gate, des chorégraphies de bagarres, un feu d’artifice et toutes les filles du répertoire négociées dans l’urgence : Carole, Sarah, Gabrielle, La Fille de l’été dernier et Laura.
La pluie fait des claquettes
Stade de France, 5, 6 et 11 septembre 1998
Et avant les claquettes, la claque. Johnny Hallyday, qui doit inaugurer (musicalement parlant) le stade des Bleus, le stade de la Coupe du monde, se fait griller la politesse par ce vieux roublard de Mick Jagger flanqué de ses Rolling Stones qui se pointent en juillet. Ce n’est pas mortel, mais avouez que c’est énervant. D’autant plus que pour ce premier stade, Johnny H. a vu grand. A commencer par l’entrée en scène. Une gigantesque pirouette. Un hélico survole l’enceinte. Un Johnny en descend et se pose sur le toit circulaire de la structure. Bravo l’artiste. Sauf que ce Hallyday-là est un faux. Le vrai a cheminé, peinard, par un couloir creusé sous la pelouse, et il apparaît sortant de terre avec le sourire du bon, de la brute et du truand, tout en un, comme il sait si bien le faire. Ça démarre sur Toute la musique que j’aime.
Enfin, plus exactement, ça devrait démarrer. Parce qu’en fait, ce premier soir, on est mort d’inquiétude. La météo n’est pas idéale sur le beau pays de France. Sur Paris, depuis 16 heures, s’amoncellent de gros nuages noirs qui semblent faire la culbute sur La Plaine Saint-Denis. A 19 heures, ils crèvent. S’abattent alors sur les têtes les flèches glacées d’une pluie de novembre de plus en plus intense. Force est de constater que les dégâts sont immenses. Mal ou pas protégé, le matériel est HS. Il faut renvoyer dans leurs foyers 80 000 voyageurs dont beaucoup sont venus de Marseille, Strasbourg, Biarritz, parfois même de Martinique. Un public pas très jeune, pas tellement à la mode, pas vraiment riche, qui a découvert avec lui, grâce à lui, l’Amérique du King, l’Angleterre des Fab Four, les shows “à la James Brown”, “à la Michael Jackson”.
Un public qui n’a pas forcément beaucoup de chance dans la vie mais qui, grâce à Smet l’intrépide, a eu sa part de gâteau rock’n’roll. Le vendredi suivant, Hallyday le retrouve, ce public qu’on a évacué de force une semaine auparavant. Il pleut encore des cordes. Mais le rockeur a assuré ses arrières. Il chante comme si l’enfer allait lui bouffer les jambes. Il chasse l’eau devant ses yeux avec une main qui ressemble à un essuie-glace. Il chante les “mains noires” qui jadis ont “donné le jour” au blues. Même le tonnerre de Zeus ne le fera pas rentrer à la niche.
Toujours vivant
AccorHotels Arena Paris, 27, 28, 29 novembre 2015
Il y a eu, ces deux dernières décennies, comme une accélération du temps. Un show monstre à la tour Eiffel en 2000 ; ses 60 ans en 2003 au Parc des Princes, et puis on n’a plus rien fêté du tout parce que, comme on dit, il commençait à y avoir plus de bougies que de gâteau dans la corbeille d’anniversaire. Un temps, Smet a décidé de ranger Hallyday à la cave, considérant sans doute qu’il avait assez servi. Puis, il s’est retrouvé tout seul et a commencé à s’emmerder comme un rat mort.
Il avait oublié qu’il était sur les routes depuis ses 5 ans et que pour lui, la terre tremble quand on n’est pas au volant d’une voiture, à cheval sur une moto, ou buvant une coupe de champagne dans un avion. Alors, il a bouclé la valise et multiplié les tournées, entre deux séjours à l’hôpital pour cause de hanche fracturée ou de hernie discale. Le moment est en effet venu d’honorer la facture – une facture relative à tellement d’accidents de bagnole, de coups durs en scène ou dans la vie que plus personne n’est capable de tous les recenser.
Et il se trouve qu’en 2015, c’est la grâce retrouvée. Le show s’adosse à un album excellent, baptisé De l’amour, et prend, de manière opportune, pour titre générique l’intitulé du disque précédent, Rester vivant. Le Rester Vivant Tour est une promenade allègre, à la Johnny Hallyday (72 ans à l’époque). On attaque par un Summer Tour durant l’été 2015 : une quinzaine de villes avec un saut en Suisse et au Liban.
On souffle un peu, et ça repart en octobre, une cinquantaine de dates avec un passage à Bruxelles (deux soirs), une halte au Zénith, puis à Bercy, histoire de ne pas perdre la main. Le 16 décembre au soir, on rentre chez soi pour les fêtes. Le 22 janvier 2016, on repart. Bercy, à nouveau, en février. Puis Le Dôme à Marseille, MusikHall à Rennes, et puis Le Mans, Barcelone, Bruxelles, Nouméa, Papeete, l’opéra Garnier, le stade vélodrome d’Arcachon par un cagnard qui fait fondre le goudron sur les routes. Déjà, en 2014, il y avait eu Los Angeles, San Francisco, Toronto, New York, Boston, New Orleans, Dallas, Houston…
Dans le show, il y a un moment qui ennuie un peu Johnny Hallyday. Il chante L’Idole des jeunes et on projette autour de lui des images animées du temps où il avait 20 ans, 25 ans, 40 ans… Ça lui fait mal d’avoir perdu sa “gueule”, d’avoir triomphé de tout sauf des stigmates de la vieillesse. La vérité, c’est qu’il attend chaque soir que la mort vienne le cueillir en scène et ratatine en un instant incandescent une carrière de plus d’un demi-siècle. Il le dit d’ailleurs. Mais cet homme pudique ne s’attarde jamais sur ces inconvénients mineurs. Il fait le job. Le reste n’est pas de sa compétence.
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