C’est le dernier après-midi des Solidays : l’ambiance est détendue, et la fontaine à eau désaltère à tout va. L’excellent duo londonien John & Jehn nous accueille entre deux stands, tout juste remis de son concert. Interview à chaud, et 2 titres en écoute ici-même.
John & Jehn – Fear, fear, fear (extrait de l’album John & Jehn)
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John & Jehn – 20L01 (extrait de l’album John & Jehn)
Interview John & Jehn :
Comment avez-vous décidé de faire de la musique ensemble ?
John : Très simplement, nous avions des goûts musicaux en commun. J’avais déjà quelques morceaux en réserve et Jehn chantait dans un groupe qui s’appelait Motel…mais bon, elle a pas envie de dire Motel (rires). Je connaissais le potentiel de Jehn car je l’avais vue chanter. On avait envie de s’éclater par rapport à nos goûts musicaux, comme on écoutait les mêmes disques, on avait les mêmes envies, c’est venu assez naturellement de faire de la musique ensemble. Je crois que c’était par amour de la musique qu’on écoutait à ce moment là.
Jehn : Oui il y a plein de raisons en fait, on savait pas trop quoi faire de nos vies à ce moment là aussi…On n’avait rien d’autre qui nous faisait vraiment kiffer, donc c’était aussi un coup de poker en se disant « on n’a qu’à s’enfermer pendant un mois à enregistrer des morceaux, alors essayons », et il s’est trouvé que ça nous a vachement plu.
John : On est sorti avec un cinq titres qu’on a pressé et sérigraphié nous-mêmes. A l’époque, on avait un petit objet intéressant qui tapait bien à l’œil.
Jehn : C’était d’une belle essence, très frais.
John : Ca ressortira peut-être un jour (rires). On n’avait fait que 200 copies, mais avec un bel artwork.
La pochette de votre nouvel album est plutôt chouette aussi…
John : Ouais, en fait c’est le même artiste. On avait envoyé la première démo au magasin Rough Trade à Londres et ils avaient adoré.
Jehn : C’est grâce à cette maquette qu’on est partis à Londres. Notre manageuse nous a pris et nous a mis dans sa « serre à artistes » en pensant : « grandissez, grandissez !» (rires).
Vous vous sentiez attirés par la scène londonienne ?
Jehn : A l’époque on savait pas bien ce qu’elle était. On écoutait surtout des groupes de post-punk des années 80…Mais aujourd’hui notre musique s’en éloigne de plus en plus.
John : On est petit à petit devenus partie intégrante aussi. On joue dans tous les clubs de Londres possibles, et on s’est fait amis avec plein de groupes là-bas.
Jehn : On a toujours été intéressés par les groupes anglais. A l’époque John était batteur, et il a appris la guitare en faisant John et Jehn. De mon côté, moi qui n’était pas bassiste ai appris la basse. On avait envie d’être très instinctifs avec nos instruments, et un groupe comme Gang of Four nous parlait beaucoup du point de vue rythmique, car ils ont une façon très différente de jouer de la guitare.
John : C’est en partant du punk et de ne pas savoir jouer de ses instruments que le post-punk a contribué à lui donner une forme artistique plus « intellectuelle ». C’est dans cette optique qu’on est restés très instinctifs avec notre musique.
On parle souvent de votre influence Velvet…
Jehn : Oui c’est drôle…Mais de moins en moins je crois.
John : Notre son a très vite été identifié au Velvet parce qu’il y a dedans une esthétique assez lo-fi. On a enregistré notre album dans notre chambre à Londres avec un micro, avec la méthode do it yourself. L’esthétique sonore vient du fait qu’on avait pas d’autre choix. On a pas fait du lo-fi pour faire du lo-fi…
Jehn : On n’avait pas non plus envie d’attendre que les gens nous mettent dans un studio, on n’avait pas de contact dans le milieu, mis à part notre manageuse qui a toujours été là et nous a toujours respecté.
Jehn : On n’est pas non plus obsédés par le Velvet.
John : Ah on s’en est quand même bien gavé (rires). Encore une fois, tu ne peux pas faire du rock et prétendre ne pas aimer le Velvet. En termes d’écriture, c’est la base…
Jehn : On écrit en anglais, et la simplicité de leur textes est très évocatrice pour nous.
Comment est venue l’idée de séparer votre premier album en 2 parties ?
John : On avait 5 titres de prêt, puis dans la foulée on en a écrit 5 autres, et on s’est dit pourquoi pas garder l’idée de l’EP pour avoir deux EP collés l’un à l’autre, pour avoir deux pochettes qui se répondent, un John et un Jehn.
Jehn : L’idée était aussi de présenter un objet un peu différent.
Vous vous revendiquez appartenir au format pop ?
John : Ah tout à fait, pour nous le format pop est une base sûre.
Jehn : Dans les groupes plus récents, on serait plus influencés par un Pulp que par un White Stripes, pour ce côté pop justement.
John : Ouais et puis la pop a ce côté fun. Tu dois t’ouvrir aux gens, tu dois communiquer avec eux et ça devient super intéressant. Heureusement que Bowie a voulu être pop, heureusement que tous ces gens-là ont voulu ouvrir leur musique au monde, car je pense que c’est l’exercice le plus dur à faire.
Jehn : Les Kills par exemple, ce n’est pas du tout une démarche qu’ils ont, ils cherchent à reproduire leur style à eux, mais ce n’est pas la nôtre.
John : Même si on peut dire qu’ils évoluent dans une sphère pop, parce qu’ils génèrent énormément de gens en concert. On est assez fascinés par des artistes comme David Bowie : c’est un caméléon. Il a toujours ses racines, sa voix, mais sur chaque album il va avoir une exploration différente, comme Beck par exemple. Ils sont expérimentaux mais toujours dans la pop, à essayer de séduire les gens : c’est ce qui nous fascine. Là on va sortir un album qui va être totalement différent du premier. Si on a des fans absolus de l’esthétique du premier album, le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils vont être surpris. On a été chercher dans une direction nouvelle.
Donc votre nouvel album est bientôt prêt ?
John : On a enregistré déjà la moitié, qu’on a produit nous-même encore une fois, mais dans de meilleures conditions. On enregistrera la suite cet été.
Une dernière question, pouvez-vous me parler du ciné-concert que vous avez-fait récemment sur le film Diary of A Lost Girl, sorti dans les années 30 avec Louise Brooks ?
Jehn : C’est le film allemand qui a fait connaître Louise Brooks en Allemagne.lle n’en a pas fait beaucoup, c’est le plus connu avec Loulou et Prix de beauté. Dans ce film le personnage principal est fascinant. C’est un film muet d’1h45, su lequel on nous a demandé de créer de la musique. C’était très riche comme expérience, et on a mis beaucoup d’énergie. Il y avait une part d’improvisation qu’on a géré avec notre boîte à rythme qui nous sert lors des concerts.
John : C’est Rodolphe Burger qui a pris l’initiative. Il fait ce festival à côté de Strasbourg qui s’appelle « C’est dans la vallée ».
Jehn : L’idée nous intéressait parce que le fait de composer pour quelqu’un était pour nous un exercice…et aussi la première fois pour nous.
John : Le processus de composition est une obsession, on a envie de mûrir et surtout d’avoir du fun, comme le font les plus grands de la pop. Bon maintenant il est mort (rires), mais on voudrait arriver à des choses léchées, intéressantes. Pas de reproduire un style indéfiniment.
Jehn : La musique qu’on a fait sur ce film était assez classique, et les sentiments qui s’en dégagent sont très…
John : …manichéens.
Jehn : Oui, c’est très manichéen. Mais c’est aussi un film très humain, qui parle d’adolescence.
John : On a fait comme un mélange des Cramps et de Suicide sur un film des années 30, quelque chose d’assez rock’n’roll. On avait carte blanche et on s’est éclaté à faire un film de teenager version années 30 (rires).
Jehn : On peut voir le concert, qui a été filmé intégralement par Arte.
Propos recueillis par Julien Coquet
La vidéo du concert de John & Jehn au festival « C’est dans la vallée » :
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