John Dwyer délaisse sa Fender Mustang et réactive OCS aux côtés de Brigid Dawson, sa plus vieille acolyte. Baroque, folk et luxuriant.
On a beaucoup croisé John Dwyer cette année sur la route des festivals, sans toujours pouvoir lui parler. Il est même arrivé que le type retourne furibard dans son van après un show impressionnant de puissance et de maîtrise, à cause d’un pépin scénique que lui seul était en mesure de percevoir. Que ce genre de sautes d’humeur fasse partie du caractère perfectionniste du bonhomme ou qu’il s’agisse de quelques signes de fatigue importe peu, le héraut du revival de la scène psychédélique californienne avait besoin de mettre un frein aux dérives stoner d’Oh Sees et de regarder dans le rétro pour toucher à nouveau du doigt l’essentiel. Ty Segall a mis moins de temps à sortir Sleeper, son album folk, que John Dwyer à revenir à quelque chose de plus calme, lent et introspectif, après des années de tambourinage dont l’objectif ultime semblait être de jouer toujours plus fort, plus vite, quitte à en mourir sur scène un de ces quatre.
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Une surconscience du monde
“Je me réveille tous les jours pour regarder notre monde, nous confie-t-il. Je suis inondé par les mauvaises nouvelles et le stress de la vie quotidienne. Je suis parfois étonné du manque d’empathie des gens, pourtant j’ai aussi conscience de la beauté des choses et je peux être ému par la capacité de l’être humain à compatir. Il y a tant à voir et tant à absorber, je me saisis donc de tous ces bouts de vie et j’en fais mon art.” Des mots prononcés comme on écrit une chanson, révélant une surconscience du monde et des affects qu’il charrie, mais dont il faut exalter la magnificence. Un rapport à l’incandescence des choses qui n’est pas sans rappeler les paroles crépusculaires de The Lens, dernier titre de l’album Drop de Thee Oh Sees, sorti en 2014 : “Je regarde à travers la lentille aujourd’hui/Tout est craquelé et brumeux ici, là/Main dans la main, nous survivrons/Je t’aimerai toujours ici, chérie.”
En réactivant la première monture d’OCS, Dwyer ne renoue pas seulement avec les expérimentations folk et baroques menées au début des années 2000 aux côtés de Brigid Dawson et Patrick Mullins, il offre surtout un disque à la beauté formelle sidérante, lent et contemplatif, de la même urgence vitale et émotionnelle que l’on retrouve sur scène ou au détour d’un riff progressif interminable, porté par les parties rythmiques démentes qui font la marque de fabrique des derniers disques d’Oh Sees : “Tout est connecté et je suis le fil conducteur de tous mes projets, explique-t-il. Cela n’a de sens pour moi que s’il existe un sentiment de cohésion et que cela se ressent à travers chaque disque.” Memory of a Cut Off Head pourrait bien être la dernière pièce à conviction pour résoudre le mystère John Dwyer.
Memory of a Cut Off Head est disponible sur Apple Music.
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