De John Barry, on connaît par c’ur les BO luxuriantes et tordues, de James Bond à Amicalement vôtre. Influence unanimement revendiquée, de Portishead à Divine Comedy, de Pulp à Fatboy Slim, les compositions amples du dandy anglais ne sont effectivement pas nées de la dernière pluie : c’est sous une pluie de bombes, dans le Nord anglais, que s’est dessinée cette écriture mélancolique.
Votre père tenait à York, dans le nord de l’Angleterre, un cinéma. A quoi sont liés vos premiers émois cinématographiques ?
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John Barry : Je revois mon père me prendre dans ses bras, dans le hall du cinéma, et me faire traverser ces magnifiques portes vitrées à tourniquet, j’avais juste 3 ans… Puis je me retrouve dans le noir complet, avec juste, sur l’écran, une gigantesque souris en noir et blanc. Le premier dessin animé de Mickey. J’ai été marqué à vie par ces cinq minutes, par cette musique, par cette joie… Je me souviens exactement, plus de soixante ans après, de tout ce que j’ai ressenti ce jour-là. Notamment de ma fierté en retournant dans le hall, où les gens faisaient la queue pour acheter les tickets… « Wow, mon père tient un endroit où on montre des souris géantes ! » A partir de ce jour-là, j’ai commencé à me glisser en douce, aussi souvent que je le pouvais, dans les salles obscures. J’ai ainsi vu tous les films d’horreur que les enfants de mon âge n’avaient pas le droit de voir, tous ces trucs avec Boris Karloff… Si bien que lorsque je suis parti à l’armée, à 18 ans, je possédais déjà une culture cinématographique unique. J’avais vu tous les films et souvent plusieurs fois. La vraie vie, pour moi, elle se passait dans le cinéma de mon père. York est une jolie ville, très historique, mais ça ne comptait pas. Grâce à la pellicule, je vivais en Amérique.
Vous avez grandi pendant la guerre dans une région, le Yorkshire, touchée par les raids nazis. Le cinéma était-il votre échappatoire ?
C’était une façon d’échapper à tout : à la guerre, bien sûr, mais aussi à la mentalité du Nord de l’Angleterre. Grâce aux films, je voyageais, j’allais en Inde, en Afrique, je traînais avec des gangsters de Chicago, des danseurs à Broadway. Pour un gosse de York, c’était inespéré. La guerre, c’est un vrai traumatisme, une cicatrice : avec ma s’ur, nous avons dû quitter la maison pour nous réfugier dans un couvent. En avril 42, il a été bombardé. Beaucoup de religieuses et de copains à moi ont été tués. Quand la guerre a démarré, j’avais 6 ans, toute mon enfance est liée à des souvenirs de morts, je pensais que c’était la norme…
La mélancolie de votre musique trouve-t-elle ses racines dans ces années-là ?
Cette impression de déchirement m’a rendu, à vie, mélancolique. Et pourtant, en même temps, je m’amusais : je me souviens, avec mes copains, avoir reconstitué le débarquement de Normandie avec nos jouets… Ce mélange d’innocence et de gravité, c’est resté en moi. J’étais complètement paumé, désemparé.
Les premiers souvenirs de musiques sont-ils liés à des corvées, à des cours obligatoires ?
Non, ça a été un choix personnel, car je suis tombé amoureux de la musique de Chopin à 8 ans. J’ai donc été très tôt un snob qui méprisait la musique populaire, le jazz, et ne s’intéressait qu’au classique. Mon grand frère, lui, était un fanatique de jazz, il dévorait tout ce qui venait d’Amérique : Artie Shaw, Ellington, Basie, Hampton… A mon corps défendant, j’ai donc fini par connaître ces big-bands. Pourtant, pour moi, ce n’était pas de la vraie musique. Pourquoi se rabaisser à écouter un type avec une clarinette quand on peut avoir Beethoven ? Et puis, un jour, je me suis rendu compte que le jazz était moins coincé, plus joyeux que le classique. J’ai commencé à m’intéresser à son histoire et j’ai fini par admettre que c’était une autre forme d’expression, qu’il ne pouvait pas y avoir de hiérarchie entre jazz et classique. Je me suis alors mis à la trompette.
Plus tard, vous avez enregistré, pour une BO de James Bond, We Have All the Time in the World avec Louis Armstrong. Lui avez-vous fait part de ces réserves initiales ?
(Très ému)… Au moment de le rencontrer, j’avais changé d’avis sur le jazz, c’était comme obtenir une audience avec Dieu. Il venait de passer un an à l’hôpital, il a vu le film Au service secret de Sa Majesté et adoré ma chanson. Je n’oublierai jamais cet après-midi où nous avons finalement pu enregistrer, à New York. C’était si impressionnant d’entendre cette voix sur ma chanson… A la fin, il est venu me voir et m’a dit « Merci d’avoir pensé à moi pour ce titre. » J’étais en larmes.
Etes-vous un autodidacte ou un obsédé de l’enseignement ?
Jeune homme, je lisais régulièrement le magazine américain Downbeat et j’y ai lu une petite annonce qui disait « Bill Russo a quitté le Stan Kenton Band pour ouvrir à Chicago une école de musique par correspondance. » Moi, j’étais très fan de ce groupe et je me suis inscrit dans les cours de « composition et orchestration au service d’une formation jazz ». J’ai pu le faire car j’étais alors à l’armée à Chypre et grâce à un Arménien, j’ai pu récupérer des dollars, que j’envoyais chaque mois à Chicago. Pendant mes seize mois à Chypre, j’ai donc suivi religieusement mes cours avec Bill Russo. Un complément idéal et cocasse aux cours d’harmonies, de piano et de chant que j’avais reçus, depuis mes 15 ans, de la part du révérend Francis Jackson, le maître de musique de la cathédrale de York. Et pour parfaire mes connaissances du jazz, j’ai suivi d’autres cours par correspondance, donnés par un émigré russe basé à New York, Joseph Schillinger, qui avait baptisé sa méthode révolutionnaire « Système de la musique par les mathématiques ». Je lui dois tout, ce type avait enseigné à des gens comme Gershwin ou Glenn Miller. Et pourtant, j’étais vraiment nul en maths. Mais lui avait déconstruit chaque style de musique grâce aux maths et, en une journée, je pouvais maîtriser, grâce à ses formules scientifiques, tel ou tel aspect de la composition.
Vous avez donc toujours pris la musique avec le plus grand sérieux.
Je n’ai jamais envisagé une seule seconde une autre carrière. Tout petit, j’écoutais déjà La Symphonie numéro un en e mineur de Sibelius et j’inventais des films pour mes petites voitures Dinky Toys (rires)… Très tôt, je me suis retrouvé à jouer, chaque mercredi, vendredi et samedi soir, dans un grand dance-hall de York, avec une formation qui s’appelait les Modernaires. Je passais ma vie à jouer ou à répéter et c’était pour moi le bonheur. J’allais et venais sur mon vélo, avec ma trompette, je faisais danser les filles : que réclamer de plus à la vie ?
Aviez-vous un plan de carrière, un secret désir d’écrire pour le cinéma ?
Je me contentais de me laisser porter par les événements. Ma seule ambition était de profiter de mon service militaire pour apprendre à mieux composer dans l’orchestre du régiment. Quand je suis sorti, en 1956, j’ai signé quelques arrangements pour le jazzman Jack Parnell, qui m’a dit que les big-bands étaient sur le déclin, qu’il fallait que je m’intéresse à cette nouvelle musique qu’il avait entendue aux Etats-Unis, le rock’n’roll. J’ai alors recruté trois copains de l’armée et trois teignes de Scarborough et j’ai formé The John Barry Seven. Dès cet instant, j’ai su que je devais être mon propre boss. Nous écoutions tout ce qui arrivait d’Amérique, comme Bill Haley, et nous l’imitions religieusement. Je suis même le premier, en Angleterre, à avoir possédé une basse électrique Hofner, achetée en Allemagne. C’est là que, pour la première fois, j’ai commencé à composer. Mais pour écrire des BO, il me fallait d’abord faire mes preuves. Je n’allais pas débarquer à Hollywood et dire aux producteurs « Bonjour, je m’appelle John Barry et je voudrais travailler sur votre film. »
Ces premiers groupes n’étaient donc qu’un tremplin ?
Absolument. Et comme mes premiers singles ont obtenu pas mal de succès, je suis vite devenu directeur artistique chez Parlophone, où je prenais en charge l’enregistrement de jeunes artistes, comme Adam Faith, avec lequel j’ai décroché mon premier gros tube, What Do You Want ? C’est seulement à ce moment-là, en 1959, que l’on m’a proposé mon premier film, Beat Girl, la première BO jamais sortie en vinyle en Angleterre. J’ai vite signé deux ou trois autres BO de films anglais, comme Never Let Go. C’est à ce moment-là, au début des sixties, que j’ai songé partir à Hollywood. Mais l’inverse s’est produit : Hollywood est venu à moi. Pour des raisons fiscales, plein de réalisateurs américains sont alors venus tourner en Angleterre. Mon téléphone n’arrêtait pas de sonner, je faisais huit films par an.
Avez-vous bénéficié des Swinging sixties ?
Au niveau de la musique et du cinéma, ça a été un incroyable relâchement. Tous ces groupes du nord de l’Angleterre, tous ces nouveaux réalisateurs ont dynamité les règles. Londres s’est retrouvé au centre du monde, nous avions l’impression d’avoir un truc qui nous appartenait entièrement, qui n’avait pas été décidé pour nous. Jamais je n’aurais pu imaginer me retrouver impliqué dans un truc aussi frais, novateur et porteur. Car grâce à cette euphorie, je me suis très vite retrouvé à composer le premier James Bond, Dr No, puis à travailler pour Hollywood. Avant même de quitter Londres, j’avais déjà récolté deux Oscars.
La liberté et la jubilation des BO de cette époque sidèrent : la libération des mœurs se retrouve dans les musiques, où la pop et les orchestres symphoniques partouzent allégrement.
Tout ça se passait de façon tout à fait naturelle. Moi, j’en profitais pour continuer d’apprendre, notamment les symphonies. J’achetais sans arrêt des partitions et même quand nous étions en tournée, j’exigeais qu’il y ait toujours un piano à ma disposition, pour répéter sans répit. J’en parlais récemment avec un ami écrivain, qui me disait « Comment faisions-nous à l’époque pour tant nous amuser tout en écrivant autant de livres, tout en composant autant de musiques ? Tu sais, ça s’appelle la jeunesse » (rires)… On passait nos journées au restaurant, nos soirées dans les clubs, les nuits avec des filles et pourtant, j’écrivais des BO sans cesse. Ma chance, c’est d’avoir été plus instinctif qu’analytique. Jamais nous n’avons réfléchi à la chance que nous avions d’être pris dans un tel tourbillon.
Quelle est la première BO que vous ayez composée en ayant le sentiment que vous aviez trouvé un ton bien à vous ?
Je n’ai jamais douté de ma capacité à composer une BO. Dès que je voyais les premières images d’un film, la musique me submergeait. Je n’ai jamais demandé à un réalisateur ce qu’il attendait de moi, je fonçais à mon piano. Après tout, j’ai vu plus de films et entendu plus de musiques que tous les réalisateurs, je sais donc ce que je fais. Tout ça, grâce à mon passé unique.
Dans les sixties, les réalisateurs avaient sans doute moins de prétentions et de contrôle qu’aujourd’hui.
C’est pour ça qu’il est devenu aussi difficile de composer pour le cinéma. Car aujourd’hui, tout le monde pense connaître la musique. Même un chien peut faire un disque. Le marketing a pris le dessus sur l’artistique dans toute cette industrie. Quand nous avons enregistré Le Knack, on n’avait pas fait d’études de marché… Pendant que j’enregistrais la BO de Mary Queen of Scott, j’ai eu la chance de travailler avec Hab Wallis, qui avait produit Casablanca. Je lui disais « Quelle excitation il devait y avoir à tourner un tel classique ! » Et lui m’a répondu « Ce n’était qu’un des cinquante-six films tournés par Warner Bros cette année-là, rien de spécial. Bogart s’engueulait sans arrêt avec Ingrid Bergman, nous ne connaissions pas la fin du film quand le tournage a commencé, nous avons même filmé trois fins différentes, au cas où… Le film a finalement été décidé dans la salle de montage. » C’est avec cette légèreté que l’industrie fonctionnait alors, il n’y avait aucune pression, aucun calcul. C’est le casting qui comptait, pas le marketing. Par exemple, le type qui a composé la chanson de Casablanca n’a rien fait avant ou après. Mais au moment du film, il était l’homme providentiel. L’instinct était si important. Je me souviens de mes premiers rendez-vous avec James Hill, qui réalisait le film Born Free : il détestait mes chansons, s’opposait à ce que je compose la musique du film et ça n’a pas empêché la BO d’empocher un Academy Award. Un producteur, Harry Saltzman, détestait ce que j’avais fait pour Goldfinger et l’album a pourtant réussi à détrôner le Hard Day’s Night des Beatles de la première place des charts américains… J’ai donc pris l’habitude de ne pas écouter les professionnels, de ne faire confiance qu’à mon âme. J’aime les bagarres, je déteste céder le moindre pouce de terrain. Je suis certain que je peux apporter un plus aux films. La caméra est à l’extérieur, elle est l’œil qui regarde, mais la musique, elle, est à l’intérieur, dans les personnages. Elle dépeint leurs émotions. Pour chaque BO que je fais, je tente d’entrer dans le personnage. Pour Danse avec les loups, par exemple, j’ai passé des jours à discuter avec Kevin Costner avant de me lancer. J’ai vite compris que, contrairement à ce qu’on m’avait fait comprendre, il ne s’agissait pas d’un western. Mais de l’histoire d’un homme en fuite, qui lutte conte l’hostilité. C’est d’ailleurs la BO préférée du pape (rires)…
Le risque, c’est de recourir aux grosses ficelles pour justement toucher les émotions.
Je déteste les coups tordus, ces recettes pour émouvoir. Je les sens venir de loin, elles ne me touchent pas et me dégoûtent même. Il faut aller plus loin que ces simples tours de passe-passe de surface pour vraiment toucher les gens. C’est pour ça que je trouve que la plupart des BO sont des ramassis de clichés et de recettes éculées. Pour remuer les tripes d’un public, la musique est la plus grande force du cinéma, son allié le plus puissant au niveau émotionnel. C’est pour cela que tant de réalisateurs méprisent la musique : car elle peut être beaucoup plus suggestive et bouleversante que leurs images, éclipser totalement leur travail.
Qu’est-ce qui est entré dans la composition de ce qu’on vénère aujourd’hui sous le nom de « Barry sound » ?
Je ne pense pas posséder un son très caractéristique, je m’adapte. La seule constante, c’est mon pointillisme sur la mélodie, sur les harmonies et sur la texture à obtenir d’un grand orchestre. Sinon, je ne vois aucun point commun, au niveau du son, entre les musiques que j’ai écrites pour Macadam Cowboy, Out of Africa ou Goldfinger. Le seul « son » que j’identifie chez moi, c’est le son des BO que j’ai créées pour James Bond. C’est sans doute les seules BO que j’ai écrites où la mélancolie ne tient pas le premier rôle. Car oui, on peut me décrire comme quelqu’un de mélancolique dans la vie de tous les jours. J’ai toujours été attiré par les films où il y avait un sentiment de perte, d’époque révolue… Macadam Cowboy était l’histoire d’une innocence perdue, Out of Africa d’une période en train de mourir, Danse avec les loups celle d’une nation agonisante…
Que pensez-vous de la vénération dont vous êtes l’objet de la part de groupes comme Pulp, Goldfrapp ou Portishead ?
Je n’arrive honnêtement pas à voir en quoi j’ai pu les influencer. Je pense qu’ils font tous une fixation sur leurs premiers émois cinématographiques souvent des films de James Bond. Je pense qu’ils me voient comme je voyais, à leur âge, des musiciens comme Stan Kenton, Miles Davis ou Gil Evans… Et rien n’est plus flatteur que cette impression, car je vénérais ces gars-là. Et eux reprennent l’esprit de mon travail les harmonies, les contre-mélodies, l’humeur tout en y ajoutant leur science rythmique high-tech. C’est merveilleux pour moi.
Vous êtes-vous parfois senti prisonnier de James Bond ?
C’est, de manière indéniable, le sceau de ma carrière : j’ai composé onze BO de James Bond. Pourtant, à côté, je n’ai pas cessé de travailler, notamment pour des films moins divertissants, plus intimistes, comme Le Rideau de brume ou Les Chuchoteurs de Bryan Forbes… James Bond, le personnage, je n’arrive pas à lui en vouloir. Surtout quand il était incarné par Sean Connery, le James Bond suprême… Lui seul pouvait s’en sortir en récitant des textes aussi atroces et bourrés de clichés. Dans les années 60, on me reprochait de vivre comme James Bond : les filles, les voitures de sport… Pourtant, il ne m’a jamais fait fantasmer.
En France, l’une de vos musiques les plus connues est le générique d’Amicalement vôtre. Vous souvenez-vous dans quelles conditions vous l’avez composé ?
La première BO qui m’ait vraiment bouleversé, ça a été celle composée par Anton Karas pour Le Troisième Homme. Car elle reposait sur un son unique, celui d’une vieille cithare. Pour Amicalement vôtre, c’est aussi un instrument très bizarre, africain, qui a déterminé le son du morceau. Je venais de l’acheter et il possédait une gamme étrange, avec laquelle j’ai composé la mélodie. En plus, contrairement aux chansons pop, construites sur un 4/4, elle est composée en 3/4.
Comme Burt Bacharach, vous êtes un grand chasseur de voix. Regrettez-vous de ne pas avoir pu trouver votre Dionne Warwick, votre interprète attitrée ?
Pour la première fois de ma vie, je pense l’avoir trouvée en la personne de Corina Brouder, une très jeune Irlandaise basée à New York. Sa voix est pure et simple, totalement hors showbiz. Car je déteste le manque de fraîcheur dans la voix de toutes les nouvelles divas. Je l’ai connue par un maçon irlandais qui retapait ma cuisine sur Oyster Bay, à New York. Il m’a dit « Ma fille chante. » Et j’ai aussitôt pensé « Oh merde, encore une ! » Mais la cassette m’a bouleversé et j’attends d’avoir composé des musiques dignes de sa voix. Ça serait la première fois que je travaillerais uniquement sur des chansons, pour une seule voix. Car jusqu’à présent, sur chaque BO, j’ai réalisé des castings, choisissant la bonne voix pour le bon rôle. C’est comme ça que j’ai recruté Shirley Bassey pour Goldfinger, car elle faisait parfaitement l’affaire pour ce titre. Ça a marché à nouveau sur Diamonds are Forever et Moonraker, mais ça ne m’a jamais intéressé de composer plus pour sa voix. J’ai eu besoin d’elle trois fois et ça a fonctionné.
Vous avez sorti en 1998 The Beyondness of Things, une pièce ambitieuse et symphonique. Avez-vous alors ressenti le complexe du compositeur de cinéma par rapport au compositeur classique ?
Il n’y a pas de hiérarchie pour moi entre grande musique et BO, je n’ai pas de complexe de compositeur « mineur »… D’ailleurs, le disque était classé en même temps, assez haut, dans les charts « pop » et « classique » une situation idéale pour moi. Je suis aussi très fier d’avoir signé un contrat avec Decca, une maison de disques classiques, qui n’attend pas de moi les sempiternelles BO. Ça permet à mon cerveau de fonctionner différemment. La grande différence, c’est que pour une fois, j’avais le contrôle absolu sur ce que j’enregistrais. Car même si j’adore composer pour le cinéma, je découvre enfin la liberté. C’est un disque que j’avais besoin de faire, le plus personnel de ma carrière. Comme je ne suis pas poète ou écrivain, il me fallait trouver un moyen pour évacuer des souvenirs douloureux. Il ne faut pas oublier que je viens du Nord, où ça ne se fait pas, pour un garçon, d’exprimer ses sentiments, ses doutes, ses faiblesses. C’est un trait de mon caractère que je déteste, je voudrais être plus capable de m’exprimer, de m’ouvrir aux autres… Mais pour ça, je n’ai que ma musique. Après avoir composé la BO d’une multitude de films, j’ai décidé qu’il était temps de composer la BO de ma propre vie.
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