Trop souvent réduit à l’univers excentrique de Die Antwoord, le rap sud-africain connaît un véritable renouveau, et pourrait bien finir par dépasser les frontières de la nation arc-en-ciel.
Lorsqu’on évoque le rap sud-africain, les noms de Ninja et Yolandi Visser se manifestent instantanément à nos esprits. Et pour cause : avec leur musique déjantée et leur image trash, inspirée de la contre-culture zef, ces artistes originaires du Cap ont, au début des années 2010, attiré les yeux du monde sur un pays jusqu’alors largement absent des ondes mainstream.
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Mais le rap d’Afrique du Sud ne saurait se réduire au seul nom de Die Antwoord. Depuis quelques mois en effet, une jeune génération d’artistes élevée aux albums de Kanye West, Jay Z et autres Kendrick Lamar s’érige comme la nouvelle école du hip-hop à la sauce sud-af’. À la tête de cette ligue de justiciers prometteurs : DJ Speedsta, un DJ et présentateur télé originaire de Johannesburg.
Fasciné par le hip-hop US, avec lequel il a grandi, ce touche-à-tout de 24 ans s’est fait le chef de file d’une scène locale aussi moderne qu’ambitieuse.
“En fait, je me suis rendu compte qu’on ne passait jamais de hip-hop sud-africain en club, tout simplement parce que nous n’en produisions quasiment pas, » nous confie-t-il au téléphone. « On jouait exclusivement des sons américains… À un moment donné, je me suis dit que ce n’était plus possible. C’est comme ça que tout a commencé”.
https://www.youtube.com/watch?v=1Gykfd6zeWk
Frank Casino, nouvelle figure de cette scène émergente
Fort de ce constat, DJ Speedsta qui, malgré son jeune âge, a déjà une carrière bien remplie au pays de Madiba, a décidé de prendre sous son aile un petit groupe de rappeurs audacieux. “Mon but, c’est vraiment de les aider à se développer, à s’améliorer, décrypte-t-il. Je suis un peu leur guide, leur mentor.” À l’été 2016, sa mission s’est concrétisée avec la sortie de Mayo, un tube en puissance (qui n’a d’ailleurs toujours pas quitté les ondes sud-africaines), sur lequel on retrouve la crème de cette scène émergente : le chanteur Tellaman, et les rappeurs Yung Swiss, Shane Eagle et Frank Casino.
Au côté d’autres jeunes MCs comme Nasty C, Frank Casino est aujourd’hui considéré comme l’un des grands espoirs du hip-hop sud-africain. Et pour cause : en l’espace de six mois (entre septembre 2015 et mai 2016), ce natif de Kempton Park à Johannesburg a été à l’origine de deux des titres qui ont le plus œuvré pour la reconnaissance de cette scène : Just Before The Riches, qui n’est pas sans rappeler le flow d’un certain A$AP Rocky et surtout Whole Thing, dont le clip cumule près d’un demi million de vues sur YouTube.
“Mais il n’y a pas que les mecs qui façonnent ce nouveau hip-hop, poursuit DJ Speedsta. Nous travaillons aussi avec plusieurs rappeuses, tout aussi talentueuses.” Parmi elles, Nadia Nakai, remarquée pour son titre Money Back, Rouge, dont le puissant flow s’expose sur Mbongo-Zaka ; ou encore Moozlie, qui a récemment collaboré avec notre DJ sur l’entraînant Don’t Panic.
Un hip-hop sud-africain à proprement parler ?
Si on ne peut que se réjouir de cette effervescence nouvelle, on relèvera tout de même qu’à l’image d’autres pays où l’émergence de la culture hip-hop est relativement récente (comme le Japon ou la Corée du Sud), le hip-hop d’Afrique du Sud se calque littéralement sur la scène américaine, à tel point qu’il est difficile d’identifier un “hip-hop sud-africain”. “Il a existé, par le passé, un hip-hop qu’on a pu qualifier de fondamentalement propre à l’Afrique du Sud, » commente DJ Speedsta, « notamment par le biais du mouvement CashTime Life.” Ce dernier a en effet donné vie au “Skhanda”, un genre de fusion entre le hip-hop et le kwaito, souvent rappé en zoulou, et incarné par le titre Caracara du rappeur K.O (un des plus gros succès de 2014 en Afrique du Sud).
Dans un entretien accordé au magazine IOL, K.O sous-entendait d’ailleurs que le fait d’imiter de trop près le hip-hop US avait tendance à dénaturer l’ADN du hip-hop sud-africain.
“[Au début], on a pris des beats US et on y a ajouté nos propres paroles, en zoulou. Mais le son ne sonnait pas correctement, ce n’était pas nous, » affirme-t-il. « Notre pays est motivé par la musique. Tu auras beau mettre les paroles les plus intellectuelles sur ton morceau, si ce dernier n’entre pas en connexion directe avec les gens de ton pays, tu ferais mieux de la fermer.”
https://www.youtube.com/watch?v=tgYrQSdtM7Y
Mais pour DJ Speedsta, la musique produite par ses poulains, qui rompt clairement avec celle de ses aînés, résonne plus que jamais dans le cœur de la jeunesse sud-africaine. Et surtout, elle parviendra à s’exporter de par le monde.
“Je ne vois pas pourquoi notre musique ne serait pas considérée comme du ‘hip-hop sud-africain’. Et puis, qu’est-ce que ça veut dire exactement ? Le fait de chanter en zoulou [une des onze langues officielles du pays, au même titre que l’anglais] ne fait pas forcément de toi un ‘artiste sud-africain’ !, » s’exclame-t-il. « En ce qui me concerne, je ne souhaite pas me restreindre, parce que je veux que cette scène s’exporte, et soit comprise de tous. Pour moi et cette nouvelle génération, il s’agit de faire de la musique pour le monde.”
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