Devant une andouillette pour Joeystarr et une bavette pour Katerine, la pop a rencontré le hip-hop. Un beau repas d’anniversaire pour les 25 ans des Inrocks.
Philippe, tu viens de finir un disque avec un groupe : cinquante-deux reprises…
Katerine – J’ai fait un disque seul à la guitare, ça m’a suffi. Je préfère bosser avec des gens. Ça ne fonctionne pas forcément comme un duo mais je recherche sans cesse de nouveaux interlocuteurs, j’aime bien changer. Comme Joey je pense.
Joeystarr – Sur cet album, j’ai bossé avec Kimfu. C’est le seul qui a réussi à m’envoyer de la musique en prison. C’est la conjoncture qui a fait que. Mais j’adore l’idée de voir des énergies qui déboulent de partout, j’adore recevoir des prods, c’est super grisant.
Katerine – Ce que j’aime bien avec Joey, c’est que ça va vite. On n’a pas le sentiment que le mec a bossé pendant une semaine sur un texte. J’ai l’impression, peut-être qu’il me contredira, que ça vient d’un jet. Souvent dans le hip-hop en France, on sent de la sueur. On sent qu’il a fallu changer de stylo plusieurs fois, on sent que les poubelles sont pleines, on sent qu’il y a eu du labeur. Chez Joey, non.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Tu envies le côté punchline ?
Katerine – Je ne sais pas du tout faire ça. Mais je n’aime pas non plus le côté mot d’auteur. Je n’aime pas l’idée d’être content d’une phrase bien tournée, on n’est pas là pour se caresser avec de l’huile solaire. Ce que j’aime, c’est l’urgence. J’aimerais bien être quelqu’un d’autre que moi. J’aimerais bien être un jaguar, comme Joey, mais je ne suis qu’un ours polaire.
Joey, tu aimerais être un ours polaire ?
Joeystarr – J’y arrive bien, t’inquiète.
Tous les deux, vous vous mettez en scène, vous jouez avec votre ego en vous cachant derrière des pseudos…
Katerine – Oui, on ne chante pas avec nos noms. Pour moi, Katerine, c’est un personnage qui est moi aussi, qui est celui que j’aimerais bien être, d’où des échecs parfois cuisants. Quand on travaille sous un pseudo ça n’a rien à voir, on peut se permettre de dire « je » en veux-tu, en voilà sans que cela passe pour de l’égocentrisme maladif.
Joeystarr – Je trouve qu’en musique, dire « je », c’est la formule la plus polie. C’est aussi être fier de ce qu’on dit, même si on sort des conneries. Au final, je crois que je ne sais pas faire autre chose que parler de moi ou voir les choses à travers moi.
Katerine – C’est quoi la pochette d’Egomaniac ?
Joeystarr – La tête de mon fils.
Toi, Philippe, tu t’es pris en photo avec tes parents sur la pochette de ton dernier album.
Katerine – C’est ça dire « je ». « Je », c’est « nous » aussi.
Joeystarr – On renie personne, tu crois quoi ?
Vous êtes tous les deux arrivés assez tard au cinéma. Pourquoi ?
Joeystarr – Quand tu chantes devant les gens, tu sais pas l’aura que t’as, même si tu imagines un peu. C’est simplement quand quelqu’un vient te voir pour te dire qu’il a envie de te mettre dans son film que ça devient réel. Moi, je déteste mon image par exemple, je déteste faire des photos. Si je me suis retrouvé à faire du cinéma, c’est parce que Maïwenn m’a demandé d’écrire une chanson pour Charlotte Rampling. C’est comme ça que je me suis fait cueillir, sachez-le.
Toi, Philippe, tu t’es fait cueillir comment ?
Katerine – Par Thierry Jousse, qui m’a filé un rôle où je devais être amoureux d’une stripteaseuse. J’ai dit oui, évidemment. Au cinéma, on fait des trucs qu’on ne fait pas dans la vie. Pour Thierry Jousse, on m’a aussi demandé de faire de la mob, j’en avais jamais fait.
{"type":"Banniere-Basse"}