L’électronicien français Joakim atteind la plénitude
sur un quatrième album pop et raffiné : critique et écoute.
Forever Young chante, en crooner distant et glacé, Joakim en début d’album. La musique, comme le formol, conserve : l’érudition n’a jamais été, chez le Parisien, une chape de poussière qui paralyse, un poids qui cadenasse l’inspiration, mais la clé des champs. Sur ce morceau particulier, il sonne comme LCD Soundsystem et ce n’est pas un hasard : loin de copier le New-Yorkais, Joakim parvient exactement aux mêmes conclusions après une longue enquête, une longue quête dans sa discothèque. Pour danser, d’un pas fluide et élastique, il vaut mieux abandonner au vestiaire ses tonnes de bagages, échouer sur le dance-floor dans le plus simple appareil.
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Cette musique est d’une diabolique simplicité, surtout quand on imagine par quels détours, zigzags et fausses-routes elle a dû passer, à quelles fantastiques soustractions elle a dû se plier pour en arriver là, à quelle décantation de milliers de vinyles, tous chéris, elle s’est soumise.
C’est d’ailleurs la première fois que Joakim, publié ici sur le label qu’il a fondé, atteint cette plénitude, cette cohérence, cette sérénité sur l’un de ses propres albums, comme si les trois précédents avaient participé d’un apprentissage du décorticage. Désormais maître d’une écriture à la fois robotique et sensible, répétitive et évolutive, minimaliste et expansive, Joakim fait également des prodiges à la production : le son ressemble à un tunnel noir et grouillant, aux échos infinis, que ses chansons traversent comme des spectres radieux.
Là où la logique économique d’une industrie indé en reculade voudrait que le musicien électronique ne compose que sur laptop, voire sur iPad, Joakim a choisi à l’inverse la démesure de son capharnaüm, où il entasse depuis des années instruments et effets spéciaux (spaciaux), pour une ampleur, une grandeur assez stupéfiantes.
Cette musique grouille de vie, de désordres, d’incidents, jamais clinique, jamais logique. Constamment mélodique et chantée, elle est alliée mais jamais soumise à la pop. Joakim et la pop vivent une histoire d’amour passionnelle, mais font chambre à part.
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