Après les annonces du ministère de l’Intérieur laissant entendre que les événements culturels de l’été 2024 pourraient être annulés ou repoussés en raison d’une mobilisation historique des forces de l’ordre, les professionnel·les du secteur sont dans l’expectative et s’inquiètent, à raison. Billet.
Tiens, et si on reportait tous les événements culturels de l’été 2024 en France ? Mieux, annulons-les, ça ira plus vite. Mardi 25 octobre, lors d’une audition au Sénat sur les Jeux olympiques, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin mettait les pieds dans le plat, évoquant ainsi le “principe” du “report ou l’annulation des grands événements sportifs ou culturels mobilisant de nombreuses forces de police et de gendarmes”, le temps que passent les Jeux olympiques qui se tiendront à Paris du 26 juillet au 11 août 2024.
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Paternaliste comme pas deux, le ministre a cru bon d’ajouter que “chacun doit faire des efforts si on veut que le pays soit maintenu en sécurité”, réitérant ces mêmes propos le lendemain sur France Inter, en expliquant au passage que, de mai à septembre, il sera obligé de sucrer les congés payés des gendarmes et des policiers pour assurer la présence de 45 000 représentant·es des forces de l’ordre par jour. Dans le même temps, la mairie de Paris, dans un communiqué de presse succinct, réaffirmait son soutien aux acteurs culturelles pendant la période des JO.
Réalistes, les professionnel·les de la culture, et du secteur du live en particulier, ne blâment pas Gérald Darmanin, dont les missions régaliennes l’obligent à mettre tout en œuvre pour assurer la sécurité des Français·es. Les questions de sécurité publique se posent différemment depuis que la menace terroriste a frappé le territoire à plusieurs reprises ces dernières années. D’ailleurs, Darmanin a depuis précisé que son ministère n’avait pas vocation à annuler quelque événement que ce soit.
D’après une source proche des syndicats représentant les festivals et le spectacle vivant, c’est plutôt un courrier électronique récent de la Préfecture de Police, en réponse à une sollicitation relative à l’organisation d’un événement d’ampleur à l’été 2024, qui aurait vraiment mis le feu aux poudres. Ce mail aurait ainsi laissé entendre qu’il n’y aurait pas d’autorisation délivrée à partir du mois de mai pour des gros événements, incitant par la même occasion les organisateurs de telles manifestations à redéployer leurs activités sur le premier trimestre de l’année.
Absence de concertation
Comment, à seulement 18 mois de l’organisation des Jeux olympiques (attribuée à la ville de Paris en septembre 2017, il y a cinq ans), les autorités compétentes n’ont-elles pas pris en compte la possible organisation de rendez-vous culturels à cette période sans penser à un plan B ?
Du passage de la flamme aux Jeux, en passant par les Jeux paralympiques qui se dérouleront dans la foulée (du 28 août au 8 septembre), et sans oublier la mise en configuration des infrastructures accueillant aussi bien des événements sportifs que culturels (Accor Arena, Stade de France, U Arena), les professionnel·les du live pourraient se retrouver sans autorisation délivrée de la part de la Préfecture pendant une période allant jusqu’à cinq mois. Soit, nous dit-on, l’équivalent de plus de 50 % du chiffre d’affaires annuel de ces acteurs de la culture.
Suite au tollé, relayé dans tous les médias, le ministère de la Culture organisera mercredi 2 novembre une concertation avec nombre de ces acteurs, dont les responsables des grands festivals, ainsi que les syndicats qui les représentent. Et les autres forces concernées, c’est-à-dire le comité olympique, le ministère de l’Intérieur et le préfet désigné pour les JO ? Tout porte à croire que l’État n’a pas pris la mesure de l’urgence pour les industries culturelles à être davantage entendues, après une année blanche due au Covid-19 et une reprise difficile, dans un contexte où les salles et les festivals peinent à atteindre les taux de remplissage d’antan. Au-delà de la grande idée que l’on peut s’en faire, la culture est aussi une économie qui nécessite une logistique et, surtout, de la considération.
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