Jimmy Scott, chanteur de jazz au timbre unique, vient de disparaître. Madonna et Lou Reed avaient tiré de l’oubli ce personnage éminemment lynchien, marqué par la maladie et le drame.
Un vieil enfant vient de s’éteindre. A 88 ans, Jimmy Scott est mort à Las Vegas le 12 juin. Ce chanteur de jazz, légende à éclipses, était une sorte d’ange puisqu’à l’écoute de sa voix il était difficile de discerner si on avait affaire à un homme ou une femme, si l’on entendait un vieillard ou un adolescent. Pourtant, cette voix au timbre énigmatique était chargée de toute l’émotion du blues, d’une vie plombée par la tragédie ordinaire de la pauvreté et du racisme, aggravée dans son cas par la maladie.
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Jimmy Scott avait été atteint dans son enfance du syndrome de Kallmann, maladie génétique rare qui avait stoppé sa croissance et la mue de sa voix. Il était alors devenu pour toujours Little Jimmy Scott. Un être transgenre avant la lettre, dont le corps chétif et le visage étrangement juvénile le faisaient ressembler, avec l’âge et les rides, à une sorte de Yoda. Ce qui ne l’avait pas empêché de se marier plusieurs fois.
Jimmy Scott a révélé très jeune ses exceptionnelles qualités vocales, ce qui l’a amené à croiser des géants du jazz qui sont devenus des légendes, de Charlie Parker à Frank Sinatra, ainsi que des grandes chanteuses de Sarah Vaughan à Abbey Lincoln, fascinées par son timbre unique, qui faisait merveille dans les ballades. Mais malgré quelques succès éphémères, sa carrière a été marquée par des disparitions de la scène et des échecs répétés. Ce sont des stars de la pop comme Madonna ou Lou Reed, qui frappés par ce talent singulier, lui ont redonné sa chance en l’invitant sur leurs albums.
Mais c’est David Lynch, virtuose du trouble et de l’ambiguïté, qui dans Twin Peaks a su le mieux rendre hommage à ce personnage qui semblait sorti tout droit de son imagination, en jouant sur la fascination ambiguë qu’exerçait ce freak tragique, capable comme peu d’autres d’incarner le pathos et les délices de la mélancolie.
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