Sombre et dense, le nouveau projet d’un Stéphanois de première division
Quand il ne reprend pas à l’identique, sur scène, un album entier de Pavement ; quand il ne gagne pas sa vie en réalisant des traductions ; quand il ne prête pas ses excédents de musique à 0°, Broadway ou Hiddentracks ; quand il n’organise pas des concerts ; quand il ne milite pas pour la licence Creative Commons ; quand il ne passe pas sa vie à écouter aussi bien le jazz le plus cosmique que le R&B le plus bling-bling, le hip-hop le plus obscur que le freak-folk le plus halluciné, peut-être Mickaël Mottet trouve-t-il deux secondes pour dormir. Et rêver d’un monde où, loin des utopies de l’esperanto, il existerait une langue universelle, qui mélangerait tous les dialectes de la musique en un patois fluide, chantant et tranchant. A travers tous ses projets, dont sa maison-mère Angil, où il mélange ses passions sans faire le malin alchimiste, Mottet depuis plus de dix ans métisse, dévisse, dévie, évide. Un art de l’épure, de la réduction au minimum vital de tous les genres convoqués sous son scalpel qu’il partage notamment avec le collectif californien Anticon, et qu’il applique aujourd’hui avec Deschannel sous le nom de code Jerri. Jerri et pas j’ai ri : il fait sombre et froid dans ce nouveau laboratoire où Mottet et ses troupe forcenées testent la résistance à l’angoise, aux stridences électriques, aux beats toxiques. Parfois, dans ces dédales et corridors gluants, on a l’impression d’entendre Robert Wyatt psalmodier un rap patraque ou TV On The Radio décentré par la tempête en New Jersey, chez Yo La Tengo. C’est grave, intense, tendu et pourtant suffisamment charnel pour ne jamais virer au clinique, au cours magistral en musicologie déviante. “What is the use of playing more music?” s’affole le rap de The M.I.A. Thing. A offrir les quelques frissons, et pas seulement de froid, qu’ordonnent ces chansons détraquées et pourtant envoûtantes.
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