Sur un air de Tarantino, Jérôme Robart fait ses débuts de metteur en scène avec son premier texte : un talent prometteur.
Les héros sont fatigués. Ou incompris. Alors Tes, loser solitaire, chef de bande et criminel, doit préciser : « Ce n’est pas l’acte qui fait le héros ; c’est autre chose. Est héros celui qui l’est profondément, essentiellement, pas celui qui agit comme il croit que le ferait un héros. N’est pas héros qui veut l’être. » Ainsi parle-t-il donc au gardien de la banque, Minot, avant de le tuer sur ordre du banquier. Cela en fait-il un héros ? Cette interrogation, sous-tendue d’un bout à l’autre du texte-fleuve de Jérôme Robart, est redoublée par le croisement des genres auquel s’adonne l’auteur en désignant Tes comme un polar métaphysique. Ou le croisement inattendu des Ailes du désir de Wim Wenders avec Reservoir dogs de Quentin Tarantino.
Champ : prise en otage de la femme du banquier, Pacée (Emmanuelle Grangé, suave dans le désastre), et de sa fille, Mona (Vanessa Larré), dans leur maison, par trois malfrats : Tes (Christophe Vandevelde, sombre et sévère), Nico (Régis Royer, speed à souhait) et Tictom (Manuel Lelièvre en Pierrot le Fou…). Contrechamp : Tes et le banquier (François Chattot en salopard intégral) partent à la banque, hold-up et meurtre du gardien. Ligne de fuite : Tictom tue Nico, lance sa voiture contre la banque et meurt brûlé, Tes abandonne Mona. Et zooms fréquents sur la figure de l’Ange qui entreprend d’exposer son plan divin au public en ouverture du spectacle : confier l’avenir de l’humanité à Tes, le dernier des héros (?) et à Mona, petite bourgeoise aux dispositions étonnantes. Son invention délirante d’un amour intérieur, mais distinct d’elle, cette moitié de son âme qui pouvait s’incarner indifféremment dans tel ou tel homme de passage, c’était du tout cuit pour l’envoyé du ciel. Témoin actif, interactif, qui la ramène mal à propos sur le projet génial d’une communauté aux liens sacrés alors que Tes, Nico et Tictom dynamitent leur peur avec des mots, de l’alcool et des armes et se préparent au casse de leur vie. Pour tomber sur ce trésor amer : la découverte que, chez les riches aussi, l’existence s’écrit en noir. Pacée, la femme de Simon, boit trop et pleure trop. Lui n’est qu’un mufle vieillissant mais toujours en attente de l’attaque de sa banque pour empocher sa part du fric et aligner quelques zéros de plus sur le solde de sa vie.
Alors, les remontrances de l’Ange poussent parfois les acteurs à prendre à leur tour le public à témoin, à en appeler à la régie, à la lumière pleine et forte jetée sur la salle. Une interpellation absente du texte de Jérôme Robart. Une injonction de jeu décidée lors du passage à la scène auquel s’est prêté ce jeune comédien qui signe son premier texte dramatique et sa première et prometteuse mise en scène. Les acteurs ont été mêlés à l’aventure et l’on comprend mieux, dès lors, l’adéquation avec leurs personnages. Un régal.
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