Dans son nouvel album, Jérôme Minière tente de critiquer l’époque sans tomber dans l’aigreur, dans une œuvre d’un clair-obscur qu’on ne lui avait encore jamais connu.
La clairière pourrait être une halte, aire de répit en pleine balade et occasion de se nourrir tant d’un en-cas et d’eau fraîche que de la paisible nature alentour. Jérôme Minière ne l’imagine sans doute pas autrement dans le titre Une clairière, rêvant d’une panne de courant qui nous ramènerait au temps où “on était attentif plutôt que productif”. Mais son nouvel album homonyme est moins l’orée de cette clairière que sa recherche, voire le regret de ne plus la trouver.
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Un nouvel album en clair-obscur
Après la pop promenade métaphysique Dans la forêt numérique (2018), le compositeur français exilé au Québec offre à son album autoproduit une suite aux vers plus frontaux de laquelle se dégage un sévère jugement de l’époque, qui tente pourtant de ne pas basculer dans l’aigreur. “J’espère que je ne te fais pas la morale, souhaite-t-il en préambule. Tu sais, je n’en sais pas plus que toi”.
Principal pont entre les deux tomes du diptyque car présent sur les deux albums, La Vérité est une espèce menacée est le premier d’une série de textes qui rappellent le Jérôme Minière de Chez Herri Kopter (2004), loquace en commentaires incisifs. Du “bombardement d’informations qui s’élancent dans toutes les directions” à ces “écrans qui nous laissent sans refuge”, en passant par les selfies ou la société de l’image encouragée par les réseaux sociaux (dans Le Beau Vide), les premiers morceaux d’Une clairière fleurent tout de même le sermon.
Il suffira d’une pièce, la majestueuse La Beauté, pour ravaler l’amertume et redonner à l’époque le droit à la beauté, qui “n’a pas changé” et “prend toujours l’éternité”. Plus de neuf minutes de progression rock portée par un beat entêtant qui font basculer Une clairière dans des méandres de collages comparables à ce que Jérôme Minière avait offert à ses débuts chez Lithium dans La Nuit éclaire le jour qui suit en 1998.
Aussi bien sur la mélodie enjouée d’un piano que quelques cordes viennent enrober de mélancolie (Cascades), que dans un puzzle de percussions singulières (La Somme des jours), le compositeur originaire d’Orléans continue de chanter comme un homme qui penserait à voix haute, pour proposer avec son nouvel album une œuvre d’un clair-obscur qu’on ne lui avait jamais connu jusqu’ici.
Une clairière (Objet Disque/Kuroneko)
Erwan Duchateau
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