« C’est la première fois de ma vie que je vais voir un match de foot.” Dans l’enceinte du stade Auguste-Delaune, à Reims, on a traîné Pierre-Alexandre Busson, gueule d’ange au regard clair-obscur qui, emmitouflé dans sa doudoune, observe les supporters, intrigué. Echarpes rouge et blanc, étendards à l’effigie du club, chants locaux en l’honneur des […]
« C’est la première fois de ma vie que je vais voir un match de foot.” Dans l’enceinte du stade Auguste-Delaune, à Reims, on a traîné Pierre-Alexandre Busson, gueule d’ange au regard clair-obscur qui, emmitouflé dans sa doudoune, observe les supporters, intrigué. Echarpes rouge et blanc, étendards à l’effigie du club, chants locaux en l’honneur des Rémois… A l’occasion de cette nouvelle journée de championnat de Ligue 2 (la seizième, contre Nantes), la rencontre du troisième type entre Yuksek et l’univers du ballon rond peut débuter.
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“C’est quoi le concept ?, interroge-t-il, frigorifié. Deux fois trois quarts d’heure avec une pause de quinze minutes au milieu ? Je n’ai même pas pris de clopes. Il faudrait qu’ils marquent un petit but, là…”
Celui qui se dit “pur produit de la classe moyenne” ne hurle pas lorsque les joueurs ouvrent le score, n’applaudit pas à chaque changement, mais parle avec discernement du monde qui l’entoure. Et qui parfois l’excède. “La spéculation sur la monnaie et sur la dette, ça devient vraiment surréaliste. C’est du foutage de gueule. Quand tu vois que ce sont les mecs des usines qui se font bouffer pour ceux qui spéculent sur l’euro… je trouve ça pathétique”, s’indigne-t-il, au milieu des ronronnements de quelques milliers de spectateurs.
« Il m’arrive de me faire piéger »
Natif de la capitale champenoise, où il vit avec sa compagne et leur fille, éloigné de la coolitude parisienne, le musicien de 34 ans apparaît authentique. “Je ne réfléchis pas trop à ce que je dois dire ou non. Et parfois je parle trop. Il m’arrive même de me faire piéger sur des trucs à la con”, dit-il, faisant référence à un portrait de Libération paru cet été, qu’il jugera “assez malhonnête”. Humble et fier de sa réussite, en proie au doute de ceux qui craignent que tout s’arrête, l’homme doit concilier deux vies : familiale et artistique. “J’essaie de faire au mieux. Je ne veux pas être le cliché du père qui n’est pas trop là et qui rentre les bras chargés de cadeaux.”
A la maison, l’artiste est épaulé, partageant sa vie avec une journaliste diplômée de Sciences Po Paris.
“J’ai une femme intelligente, plus que moi, largement. Elle me fait grandir. Elle n’a pas envie de lâcher l’affaire. Elle porte le truc. A la fois elle me secoue, et elle me fait réfléchir. On a une belle relation tous les deux.”
Si l’éloignement est parfois dur à gérer (“un peu relou mais on y arrive”), il n’est pas rédhibitoire.
« Là, j’ai les genoux qui gèlent »
D’ailleurs, le groupe s’apprête à vivre une tournée qui passera par l’Australie. “C’est très crevant : on quitte une France en plein hiver pour arriver dans un pays en plein été, avant de repartir cinq jours plus tard dans l’hiver chinois.” Pour autant, la perspective de débuter la nouvelle année chez les Wallabies lui plaît. “Cela fait pas mal d’années que je vais là-bas. J’y retrouve des gens que je connais bien. Les festivals australiens sont gigantesques. Ce sont de grosses machines qui tournent plusieurs jours de suite dans différentes villes.” Dès son retour en Europe, le live continuera, puis viendra le troisième album, avec une révélation à la clef : “J’imagine que ce sera le dernier en tant que Yuksek.”
Quatre-vingt-dix minutes viennent de s’écouler. Score final : 3 buts à 1 pour le Stade de Reims. Et ce baptême du foot ? “C’était plutôt marrant ! Peut-être que je reviendrai, mais en été, parce que là, j’ai les genoux qui gèlent.”
Romain Lejeune
album Living on the Edge of Time (Barclay/Savoir Faire) concerts le 3 février à Strasbourg (Laiterie), le 10 à Lille (Splendid)
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