Curieusement, une sorte de halo sulfureux entoure les salons de massage thaïlandais… Qualité des huiles, hospitalité, musique d’ambiance et, surtout, nature des finitions… Ma femme m’a regardé bizarrement quand je lui ai dit que j’allais me faire masser en ce petit matin de printemps, mais j’avais un bon prétexte : Seth Gueko, rappeur saint-ouennais installé […]
Curieusement, une sorte de halo sulfureux entoure les salons de massage thaïlandais… Qualité des huiles, hospitalité, musique d’ambiance et, surtout, nature des finitions… Ma femme m’a regardé bizarrement quand je lui ai dit que j’allais me faire masser en ce petit matin de printemps, mais j’avais un bon prétexte : Seth Gueko, rappeur saint-ouennais installé en Thaïlande depuis quelques années, est en ville. Quoi de plus normal que d’aller avec lui tailler le bout de gras dans un salon de massage thaïlandais.
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Blouson en cuir, œil défait, Seth Gueko débarque pile à l’heure. « Ce truc est tenu par des Thaïlandaises, c’est bon signe. Enfin tu vois… » Dans un mélange de français et de thaïlandais qui épate les filles de l’accueil, il met l’affaire en boîte : « On va prendre le massage à la coule, hein, pas celui où on se fait démonter les os. » Allongé sur un épais matelas, baigné d’une lumière parfumée, il enchaîne : « Je suis un peu ballonné aujourd’hui, problème de tuyauterie interne, je me sens comme une boule de gaz… » Avant de conclure : « J’suis un tueur à gaz ! » C’est le début d’une longue série de torsions sémantiques ; Seth Gueko ne s’arrête jamais.
« Je joue avec les mots, j’étire une phrase dans tous les sens pour la rendre efficace, pour qu’elle devienne une punchline, quelque chose d’immédiat, d’évident. C’est comme un mec qui sait raconter les blagues : quand c’est bien fait, t’es bluffé. »
Deux princesses débarquent dans la pénombre. Mes mollets ramollissent, mon dos devient liquide, le silence est d’or, à peine troublé par le Gueko : « Oh my go…uda ! » Charmeur, hâbleur, déconneur, Seth a fait de la punchline sa marque de fabrique et n’en rate pas une. « En vrai, tout ça c’est pour rire. Le rap est un véhicule pour ma déconne, faire de l’esprit, jouer avec les mots. Je n’ai pas de message, ou alors c’est juste un truc de keupon, de Bérus, genre vivre libre ou mourir. » Onomatopées sanglantes, patois inédit et références bigarrées, le rap de Seth Gueko est un jeu, que son nouveau disque ne dément pas – même s’il se perd parfois un peu dans ce systématisme.
Référencé bien au-delà du rap, repeint d’une culture rock’n’roll version Fluide glacial, il appuie avec plaisir là où ça fait mal. « J’aime bien l’humour pipi-caca, les grosses conneries, entre les Nuls et Bigard, je mélange tout, ça donne une sorte de musique phallique… Encé-phallique, même ! » La machine est lancée, Gueko jacte en français, anglais, thaïlandais, charme nos hôtes et s’en tire avec les honneurs. Double ration d’huile, s’il vous plaît.
Son exil thaïlandais n’a pas l’air de l’éloigner de la France : « Je fais de la musique, je kiffe, je mange thaï et le massage est à 8 euros ! C’est comme si j’avais une grosse flemme, l’endroit est parfait pour ça ! Mais bon, je reste français finalement. » Sur Bad Cowboy, on croise Bigard et Dodo la Saumure, des moustachus, des pubs des années 90, un peu d’Audiard revisité en patois banlieusard ; un polar de seconde zone peuplé de capuches, de saucisson et de Siciliens tendance béton. « C’est un rap de Français, un rap franchouillard même… J’appelle ça du rap Francis ! Je fais un peu tache de cambouis dans le game, mais c’est parce que les autres ont du mal à assumer. Moi, j’ai aucun problème avec la tartiflette. » Ce qui ne l’empêche pas de goûter aux délices asiatiques.
album Bad Cowboy, déjà disponible
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